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Ha’aretz, 4 août 2005
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
A mesure que la date du désengagement approche, on assiste à une escalade dans les menaces des colons extrémistes. Un sommet a été atteint ce mardi, quand un certain nombre d’adolescents des colonies du Goush Katif ont fait part de leur intention de se suicider le jour de l’évacuation. Pas un suicide pour rire : ils comptent se noyer ensemble dans la Méditerranée.
Les parents et les professeurs de ces jeunes gens n’ont aucune raison d’être surpris. Les adolescents ne font qu’exprimer parfaitement un état d’esprit agressif qui nie toute responsabilité de l’individu et pointe en permanence un doigt accusateur en direction du gouvernement et du public israéliens. Cet état d’esprit existe dans les colonies de Cisjordanie et de la bande de Gaza depuis plus de 30 ans. Ce sont les rabbins qui l’ont implanté. Aujourd’hui, on récolte les fruits pourris.
Le projet de ces jeunes est donc une émanation de la guerre des nerfs sans merci que mènent les adultes. Ces adultes, qui auraient dû manifester de façon responsable et accepter le verdict démocratique, inventent tous les jours de nouveaux rituels traumatiques. On déchire ses vêtements, on « s’exile » (comme si déménager d’une partie de la Terre d’Israël vers une autre, en conformité avec la décision d’un gouvernement israélien souverain, pouvait constituer un « exil »), on pousse des bébés vers des policiers, on menace de faire couler le sang, et plus encore.
Les leaders des colons ne font pas mystère de leurs intentions. Ils affirment explicitement qu’ils veulent « tatouer » dans la conscience du public un traumatisme si grave qu’aucun autre désengagement, ni rien de la sorte, ne pourra plus jamais se produire. Ceux des habitants du Goush Katif qui ont compris que le désengagement s’effectuera, et qui désirent faire leurs bagages et s’installer dans des demeures provisoires pour épargner à leurs enfants les scènes déchirantes de l’évacuation, subissent aujourd’hui les menaces des activistes de la colonisation.
Ces activistes sentent bien que leur échec à empêcher le désengagement va décider de fait de l’issue de la véritable guerre : celle de la société israélienne au sens large contre le Mal messianique, qui a entraîné le pays tout entier au bord du gouffre. Et ils ont raison. La situation sur le terrain montre qu’ils ont perdu. En dépit des pressions et des menaces, bien des habitants demandent à partir, et malgré les scénarios apocalyptiques où le sang serait versé, l’armée et la police ont réussi, jusqu’ici, à réagir avec une retenue impressionnante aux provocations des manifestants. Les colons eux-mêmes semblent comprendre que le « tatouage de la conscience » commence à leur revenir en pleine figure. Le public n’a pas peur. Tout au plus, quand il n’est pas apathique, il est révolté.
Maintenant, ce qu’il reste à dire aux « exilés », aux suicidés potentiels et à leurs amis, c’est : c’est un traumatisme que vous voulez? Chiche! Inutile de nous menacer. Au contraire : portez des vêtements en toile de jute, jetez-vous de la cendre sur la tête, criez à tue-tête et déclarez-vous en deuil. Quiconque portera atteinte à d’autres ou à lui-même sera tenu pour responsable de ses actes, pas l’armée, ni la police, ni le gouvernement. Le jour J approche où Israël se prononcera en faveur d’une démocratie, saine et souveraine, et contre le fanatisme messianique. C’est cela que les colons extrémistes doivent « tatouer » dans leur conscience. Le désengagement s’effectuera, et Israël, s’il veut survivre, cherchera alors à poursuivre plus loin le processus entamé.