The Guardian, 31 mars 2008
[->http://www.guardian.co.uk/world/2008/mar/31/israelandthepalestinians]
Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
L’un des acteurs juifs les plus célèbres d’Israël, dont le fils a été tué alors qu’il effectuait son service militaire, va jouer le rôle d’un militant palestinien pour la paix dont la fille est morte lors d’un accrochage avec la police israélienne des frontières.
La fille de Bassam Aramin, Abir, 10 ans, a été tuée, touchée à la tête en janvier de l’année dernière, alors qu’elle retournait chez elle après un examen en mathématique au village d’Anata, en Cisjordanie. Pour les témoins et les avocats de la famille, elle a été atteinte par une balle en caoutchouc tirée par une unité de la police israélienne des frontières. Le parquet a jugé les preuves insuffisantes pour inculper qui que ce soit. Mais son père a continué à mener campagne pour une véritable enquête et un procès du policier concerné [Voir [« Le monologue de Bassam Aramin, père d’Abir et Combattant pour la Paix » .
Sur les faits : « Le chemin de la paix est sanglant, mais il faut continuer » : ]].
Dans cette pièce en hébreu à un seul acteur, le père d’Abir sera interprété par Shlomo Vishinsky, dont le fils Lior a été tué il y a quatre ans à Gaza, alors qu’il servait dans une unité chargée de démolir des tunnels utilisés pour la contrebande d’armes. Depuis longtemps, Vishinsky, 64 ans, défend une solution pacifique où deux Etats vivraient côte à côte.
A 17 ans, Bassam Aramin fut mis en prison et y resta 7 ans. En prison, il fut enrôlé au Fatah, mais après sa libération, il renonça à la violence et fonda un groupe audacieux, les Combattants pour la Paix, où se rejoignent d’anciens combattants palestiniens et d’anciens soldats israéliens qui font campagne ensemble pour que ce conflit se termine.
Après la mort de sa fille, l’un des membres israéliens du groupe, Idan Meir, ancien soldat aujourd’hui auteur dramatique et metteur en scène, écrivit une pièce sur l’histoire de Bassam. La pièce, dont le titre en hébreu donne, en gros : « Par ici, on ne joue pas les malheureux », a été sélectionnée pour l’important festival de théâtre de Jaffa qui aura lieu le mois prochain. Elle commence par une scène où l’un des fils de Bassam Aramin lui offre un fusil et l’appelle à la vengeance, choix que le père refuse.
Meir dit qu’il voulait absolument un acteur juif israélien pour jouer le rôle, dans l’espoir que cette histoire toucherait un large public en Israël : « Les Palestiniens et les Arabes israéliens ont déjà fait si souvent des choses de ce genre. Je pense qu’il est temps que nous, Israéliens, nous le peuple juif, employions leurs mots, ces mots qui crient à l’intérieur d’eux-mêmes. »
Idan Meir, 32 ans, a passé 5 ans dans l’armée et a vu au moins une dizaine de membres de son unité mourir au Liban à la fin des années 90, dont son meilleur ami. « La douleur a été l’une des choses qui m’ont poussé à rechercher des voies nouvelles dans les rapports avec l’ennemi. Quand j’ai rencontré Bassam, j’ai voulu porter son histoire là où les gens pourraient entendre et voir ce qui se passe, montrer que la douleur des autres est exactement la même que la nôtre. »
Shlomo Vishinsky, qui interprétera Bassam Aramin, a passé 40 ans avec la compagnie théâtrale israélienne « Cameri ». Il fut parfois un personnage controversé, à la fois défendant fortement la paix et critiquant les Israéliens qui refusent d’accomplir leur service militaire obligatoire. Il est probable que sa présence dans la pièce attirera les foules.
Il dit qu’il a été frappé par les sentiments ressentis par Aramin en tant que parent endeuillé, qu’il connaissait bien : « Quand j’ai lu le script, cela m’a touché… J’ai vu qu’il ressentait la même chose que moi, et je veux me sentir comme lui, yeux dans les yeux, au même niveau. »
Bassam Aramin (39 ans) et sa femme se rendront à Jaffa le mois prochain pour voir la pièce : « C’est une bonne occasion pour un public israélien d’apprendre quelque chose de l’autre côté, qu’il y a aussi des gens qui ont perdu des êtres chers. Ils sauront que je ne recherche pas la vengeance, mais seulement la justice. »