Ha’aretz, 24 janvier 2005

Ya’alon attend deux rapports sur la destruction des maisons à Rafah

par Amos Harel

Traduction Kol Shalom (les Amis Belges de Shalom Akhshav)


Deux généraux importants vont bientôt remettre leurs conclusions au chef
d’état-major Moshe Ya’alon sur un problème décrit comme « explosif » par les
sources militaires : la destruction de maisons palestiniennes dans les territoires, principalement le rasage de constructions dans la bande de Gaza.

Une comission dirigée par le général major Udi Shani a examiné l’efficacité de la destruction des maisons en tant que moyen de prévention, mais son travail s’est élargi à l’examen de la conduite des militaires dans cette région pendant les principales opérations telles que l’opération Arc-en-ciel qui a eu lieu en mai à Rafah.

Et le général major Zeev Lavanah, qui avait été personnellement nommé par Ya’alon pour enquêter sur la destruction sans permis de 25 maisons à Khan
Younis, lors de l’opération « Tribunal du Roi » à la fin octobre, présentera ses conclusions devant la commission Shani.

Les deux enquêtes s’entrelacent, même si l’armée israélienne présente les
événements de Khan Younis comme extrêmement peu courants.

Dans une conversation avec Ha’aretz, deux officiers qui ont participé à plusieurs opérations à Gaza peignent un tableau inquiétant d’une utilisation de la force sans retenue, avec le pouvoir de décision de démolir des maisons placé au niveau des officiers subalternes.

Il est difficile d’estimer valablement le nombre de maisons détruites par l’armée israélienne dans les quatre années et demi du conflit dans la bande de Gaza. Gaza est densément peuplée : là où l’armée israélienne compte un « site » de destruction, les Palestiniens comptent 10 huttes détruites. Lorsque l’armée mentionne « bâtiments désertés », il s’agit en fait de maisons dont les habitants ont fui plus tôt les balles israéliennes.

L’organisation des Droits de l’homme B’Tselem compte 2.400 maisons détruites
dans la bande de Gaza ; les estimations de l’armée israélienne sont bien
inférieures. Ce qui est certain, c’est que ces destructions participent d’une politique planifiée.

Souvent, un règlement déjà large [à l’origine] reçoit une interprétation encore plus agressive sur le terrain. Une enquête du commandement sud de « Tribunal du Roi » indique que le commandement a autorisé la destruction de deux maisons de terroristes connus. Or, cet ordre a entraîné la destruction de 25 maisons.

L’opération Arc-en-ciel était un peu différente : elle constituait la réponse à deux attaques de véhicules blindés qui avaient coûté la vie à 11 soldats, plus celles de deux soldats qui cherchaient les restes des victimes de la deuxième attaque. La destruction de maisons à Rafah était destinée à ouvrir des voies de communication pour les véhicules blindés et les tanks, l’armée craignant que les routes aient été minées.

La destruction était une conséquence d’un combat particulièrement âpre.
Cependant, il y eut des problèmes dans la chaîne de retour d’information vers le commandement. Quatre jours après le début des combats, l’armée déclarait toujours n’avoir détruit que 4 maisons. Un examen ultérieur révéla que ce nombre était de 86.

Les deux officiers expliquèrent qu’à Rafah, « le sentiment était que c’était une revanche pour les 13 morts. Il y avait beaucoup d’agitation sur le terrain. Un commandant de troupe nous a dit ‘vous choisissez les maisons, j’enverrai les bulldozers’ « .

L’opération Arc-en-ciel était dirigée par deux officiers qui n’occupent plus ces postes. Cependant, une enquête détaillée de la politique de destruction des maisons ne peut pas se contenter de se concentrer sur leur seule responsabilité. Cela touche la totalité du commandement supérieur en temps de guerre.

Les conclusions de Shani et Lavanah seront également utiles dans deux autres
contextes au moins. Ya’alon doit également recevoir les conclusions d’un groupe qui a étudié l’éthique du combat de l’armée israélienne dans les territoires.

En premier lieu, les témoignages des officiers mettent en lumière le fait que l’armée israélienne ne peut plus se reposer sur le concept de défense « en dernier recours ». Certains événements « extrêmes » ont été le résultat de politiques implicites et non explicites. Cet aspect a des implications bien plus grandes que le débat sur les détails de l’affaire à propos des « morts confirmés » de Rafah.

L’autre contexte concerne les plans de l’armée israélienne dans les prochains mois : si le désengagement en coopération avec les Palestiniens ne se fait pas, l’armée pourrait reprendre des opérations de grande envergure à Gaza d’ici l’été. Un objectif serait l’amélioration de la protection de la route Philadelphie, qu’Israël prévoit de conserver même après le désengagement. Le commandement Sud a présenté un plan comprenant une proposition de création d’une zone de sécurité large de 300 mètres autour de la route. Cela impliquerait de détruire des centaines d’autres maisons.