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Il y a des carrefours de l’Histoire ou une personnalite, seule contre tous,
peut inflechir le cours des evenements, alors que tout semble perdu ou sans
issue. Ainsi en fut-il de De Gaulle, bravant l’opposition d’une partie de
l’armee – son milieu d’origine -, pour mettre en oeuvre la decolonisation de
l’Algerie. De Ben Gourion en 1937, imposant a ses compagnons – malgre la
fronde qu’ils avaient declenchee – la partition d’Eretz-Israel entre Juifs
et Arabes, preferant un Etat juif aux frontieres reduites, plutôt que de
cultiver la chimere des «frontieres bibliques». De Begin en 1979, qui
retroceda toute la peninsule du Sinaï a l’Egypte, rompant ainsi avec
l’ideologie de son parti, affrontant egalement l’hostilite paradoxale de
certains leaders travaillistes, mais offrant a Israel emerveille une paix
froide certes, bien reelle pourtant.
Tous ces hommes surent resister aux courants majoritaires et aux pesanteurs
ideologiques de leur temps et de leur milieu. Visionnaires, ils furent a
meme de comprendre quel etait le veritable destin de leur pays et son
interet superieur, au-dela des contingences du moment. Ainsi en est-il
aujourd’hui d’Amram Mitzna, le nouveau leader du Parti travailliste
israelien. Cet homme de convictions et de principes n’avait pas hesite
autrefois, au peril de sa prometteuse carriere militaire, a desapprouver les
directives du prince, dans la meilleure tradition des prophetes d’Israel.
Tel est bien le trait de caractere qui fait la difference: sans principes,
on n’est pas homme d’Etat, juste politicien. Aujourd’hui, une nouvelle fois,
Mitzna prouve qu’il est capable de depasser les tabous, les contorsions de
tous ordres et les langues de bois: oui, abandonner les colonies de Gaza,
«jusqu’au dernier centimetre». Oui, retourner aux negociations si c’est
possible, et, sinon, se separer des Palestiniens sans attendre
d’autorisation de quiconque. Oui, construire un mur de protection et
combattre le terrorisme sans la moindre concession. Enfin, transferer
l’enorme budget des colonies aux defavorises dont le nombre s’accroit
quotidiennement. Un honorable ministre du Likoud a bien imprudemment
qualifie ce programme de «defaitiste». C’est au contraire un programme
eminemment securitaire. C’est une demarche qui renoue avec l’audace et
l’esprit d’initiative qui caracterisaient le petit Israel, lorsqu’il etait a
meme de l’emporter sur trois armees arabes coalisees. C’est enfin une
plate-forme ou le vieux principe qui est au c|ur du sionisme reprend ses
droits: vision d’Israel comme Etat juif et democratique, recherche de la
justice sociale, refus permanent et rigoureux de dominer un autre peuple. Ce
programme est le seul a meme de sortir l’Etat de l’impasse dans laquelle il
est enferme aujourd’hui.