Á la demande de France 24, qui couvrait la visite de Mike Pence à Jérusalem, Marc Lefèvre était venu dans leur studio parisien présenter, à la veille du discours devant la Knesseth, les analyses de Shalom Akhshav et celles des mouvements et ONG’s proches des nôtres aux États-Unis ou en Europe, sur la situation actuelle et les chances ou non de la voir évoluer positivement… Nous vous les livrons ici.

Présentant l’enregistrement de cette émission, Ilan Rozenkier donnait un peu plus tard aux lecteurs de notre lettre d’information deux réactions émanant du Camp de la Paix aux États-Unis et en Israël. « Comme l’ont écrit nos amis de JStreet, “Tant que le vice-président se sert d’Israël comme une énième façon de flatter son électorat évangéliste de droite, les peuples israélien et palestinien en paieront le prix” ; Ainsi que l’a tweeté Mossi Raz, député du Méretz, “la visite de Pence se déroule comme il l’a voulu. Que les Arabes sachent quelle est leur place, que les femmes sachent quelle est la leur… et que nous, nous sachions qui IL est !” ; En conclusion, rien n’a été proposé pour faire avancer une solution politique. Une prière en hébreu à la Knesseth, pas un mot en direction de la population arabe du pays, les journalistes femmes éloignées lors de sa visite privée au Kotel. En résumé, un discours et une visite en direction des élections de la mi-mandat aux USA et non pas pour comprendre une réalité complexe dont il ne connaît rien. »


Enregistrement de l’entretien de Marc Lefèvre sur France 24 le 22 janvier 2018  >

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Photo : Rencontre du vice-president Mike Pence et du Premier ministre Benyamin Nétanyahou à Jerusalem le 22 janvier  2018 (©Ariel Schalit /Pool) [DR]


L’éclairage de Marc Lefèvre à la veille du discours devant la Knesseth


● Est-ce qu’on peut s’attendre dans ce discours de Mike Pence devant la Knesseth à de nouvelles annonces ou va-t-il juste répéter la ligne adoptée par Donald Trump ? 

– Tout d’abord une précision, Peace Now/La Paix Maintenant est une association israélienne pour la paix et pour un règlement juste du conflit israélo-palestinien. Je pense qu’il n’y a rien à attendre de cette visite. Cette visite est concentrée sur Jérusalem, il va donc se. contenter de répéter ce que le président Trump.a déjà annoncé.

On ne peut que regretter ce pas en arrière dans la recherche d’une solution. Moi, en tant qu’Israélien, je n’ai pas besoin du président des États-Unis pour me confirmer dans le fait que Jérusalem est la capitale de mon pays. Ce dont nous avons besoin, c’est que le président des États-Unis dise que dans le cadre de l’établissement d’un État palestinien, Jérusalem – une partie de Jérusalem – sera aussi la capitale d’un État palestinien. C’est cela qui fait avancer les choses. Tout le reste fait reculer les choses.

● On n’a jamais été aussi loin, pour vous, d’un quelconque résultat dans le processus de paix ?

–  On n’en a jamais été aussi loin, effectivement. Même si je garde mon calme, je ne peux être que frustré et en colère face à l’accumulation de ce qui passe.aussi bien du côté israélien que du côté palestinien. Quand Ma’hmoud Abbas, poussé aux abois par les provocations américaines, en arrive à dire que le mouvement sioniste est une création européenne et délégitime le mouvement sioniste on fait aussi des pas en arrière de l’autre côté. Donc, il n’y a aucun événement qui actuellement pourrait susciter notre optimisme.

Ce vice-président, qui est un évangéliste fondamentaliste chrétien, se contente d’aller à Jérusalem. Il ne connaît pas Israël. Il ne connaîtra pas Israël, il ne va pas à Tel-Aviv visiter le Centre des gays, des lesbiennes et des trans-genres de la municipalité de Tel-Aviv, parce que c’est contre ses convictions ; il ne va pas visiter les unités de l’armée israélienne Tsa’hal, qui sont mixtes femmes et hommes et qui gardent la frontière avec l’Égypte, parce qu’il est contre les femmes en tant que soldats ; il ne va pas aller dans un hôpital voir le système de santé israélien, qui est le contraire de ce que les Américains font, et ce vice-président est une cheville ouvrière de la destruction de l’Obama care. Donc, il ne connaît pas l’Israël moderne, il ne veut pas le voir, il ne voit que l’Israël le plus rétrograde, le plus fondamentaliste religieux. Les représentants des colons sont invités par l’ambassadeur américain en Israël à assister à ce discours… Ainsi, l’ambassade officialise une reconnaissance de facto de la colonisation, ce qui n’avait jamais été fait jusqu’à présent ! On n’assiste qu’à des pas en arrière, et à aucun pas en avant.

● L’Autorité palestinienne, qui boycotte cette visite, est en ce moment à Bruxelles.. Ma’hmoud Abbas tente de convaincre les 28 de reconnaître, pour essayer d’équilibrer un peu la balance, l’existence d’un État palestinien. Est-ce que vous pensez que les 28 sont disposés à offrir cela à Mahmoud Abbas aujourd’hui ? 

–  Non, en toute franchise, je ne le pense pas. Je ne pense pas non plus que cette stratégie de l’Autorité palestinienne, au moyen de démarches diplomatiques ou d’initiatives diplomatiques internationales, aura quelque effet que ce soit : premièrement, le mouvement national palestinien est divisé et la population attend un processus d’unification des mouvements palestiniens sur une base claire ; la population palestinienne attend que le pouvoir palestinien soit légitimé par les élections ; et nous, en tant que partisans de la paix, nous pensons qu’il faut des négociations directes.

Y a-t-il une volonté ou une capacité du côté palestinien pour ces négociations directes ? La question est posée. Le gouvernement israélien actuel est-il véritablement désireux de faire la paix avec ses voisins ? Je pense plutôt le contraire. Donc, même si je souris, il n’y a aucune raison d’être optimiste.

● L’Autorité palestinienne dit aujourd’hui que les États-Unis ne sont plus en tout cas un médiateur possible, crédible, dans ce processus de paix. Est-ce que l’Union européenne peut remplacer Washington ?

–  Non, je ne le pense pas. Je ne pense pas qu’elle en a la capacité, d’abord, compte-tenu du mode de fonctionnement de la communauté européenne, et de la nécessaire unanimité pour des décisions de ce genre. Benyamin Nétanyahou actuellement dit : « Le seul interlocuteur possible, c’étaient les États-Unis. » C’est une forfanterie ! On sait très bien, vu la façon dont les États-Unis se comportent, qu’ils ne peuvent pas être un interlocuteur. Non, je pense que la solution c’est de demander, au niveau des populations des deux côtés, qui souffrent de cette situation, qui n’acceptent pas cette perpétuation de ce conflit qui occasionne des pertes des deux côtés, il faut pousser à des négociations directes où l’on montre que les deux interlocuteurs sont désireux et sont capables de faire les compromis nécessaires. Mais c’est un processus qui va prendre malheureusement beaucoup de temps.


L’Auteur

Porte-parole de LPM, Marc Lefèvre est membre-fondateur des Amis de Shalom Akhshav (en France) et consultant en sécurité nucléaire