Avec les nouvelles opportunités découlant de l’alliance américano-saoudienne, Israël devrait saisir l’occasion d’adopter une solution à deux États qui puisse garantir l’avenir d’Israël, stabiliser la région et contrer l’Iran.


Auteur : Shaul Arieli, Jerusalem Post,  28 juillet 2024

Traduction : Dory groupe WhatsApp « Je suis Israël »

https://www.jpost.com/opinion/article-812114

Photo : Entrevue du Prince d’Arabie Saoudite Mohammed ben Salman avec le Ministre américain Antony Blinken à Jeddah, l’an dernier. ©: AMER HILABI/REUTERS

Mis en ligne le 15 août 2024


Les événements du 7 octobre dans « l’encerclement de Gaza » et la volonté américano-saoudienne d’établir une alliance militaire et économique plus étroite, en coopération avec Israël, offrent l’opportunité d’un changement significatif de la réalité par le biais d’un processus politique en plusieurs étapes, multidisciplinaire et pluriannuel qui doit commencer maintenant. Un processus qui établira un règlement permanent entre Israël et les Palestiniens et assurera la stabilité de la région en neutralisant l’influence de l’Iran et de ses mandataires.

C’est exactement pourquoi Israël a besoin d’un tel accord – en particulier d’une voie viable vers un modèle à deux États – afin de garantir sa propre sécurité, son économie et sa position internationale.

Deux visions

La vision du Premier ministre Benjamin Netanyahu, de l’ancien Premier ministre Naftali Bennett et du ministre des Finances Bezalel Smotrich est celle d’une ethnocratie juive qui cherche à consolider la suprématie juive sur toute la Terre d’Israël sous l’idéologie d’une « nation vivant seule ». Bennett promet que « le monde s’y habituera ». Ils ont cherché à mettre en œuvre cette vision nationaliste et messianique à travers le « Plan d’apaisement » lancé par Bennett en 2012, qui prévoyait l’annexion de la zone C, qui est sous contrôle militaire et civil israélien, la ridicule « initiative de paix » de l’ancien président Donald Trump en 2020, qui a été concoctée par Netanyahou, et surtout, le « Plan décisif » de Smotrich, publié en 2017.

En seulement une décennie, cette vision a conduit Israël au statut de paria mondial, endommageant gravement les capacités et la réputation de Tsahal, détruisant la police israélienne, endommageant gravement le système judiciaire et favorisant une polarisation sociale qui a conduit le pays sur une pente glissante vers la guerre civile.

Cette vision a endommagé les relations d’Israël avec les États-Unis, mis en péril ses accords de paix avec l’Égypte et la Jordanie, affaibli l’économie, incité des populations plus fortes à quitter le pays et entraîné une corruption institutionnalisée croissante. Partout dans le monde, elle a conduit à une montée des sentiments antisémites et anti-israéliens et à l’éloignement de la communauté juive mondiale d’Israël ; chez nous, elle a conduit à l’abandon des valeurs de solidarité qui caractérisaient autrefois la société israélienne.

En conséquence, Israël doit maintenant réadopter et accepter la vision sioniste des pères fondateurs – une vision d’une démocratie avec une majorité juive vivant en sécurité en tant que membre de la famille des nations. À cette fin, un nouveau leadership est nécessaire qui embrasse haut et fort cette vision et fait tout son possible pour la mettre en œuvre.

La voie en avant

Des réformes sont nécessaires dans de nombreux domaines, mais les événements du 7 octobre semblent avoir réaffirmé l’importance centrale du conflit israélo-palestinien. Ce conflit fait rage depuis plus d’un siècle, et sa résolution peut créer une réalité meilleure et plus confortable dans laquelle Israël sera en mesure de résoudre ses problèmes dans les domaines du droit, de l’éducation, de la santé, de la protection sociale et de l’environnement. Malgré l’humeur volatile dans la société israélienne et palestinienne après le massacre du 7 octobre et la dévastation de la bande de Gaza, il est essentiel de présenter un plan pour mettre en œuvre une vision sioniste égalitaire.

Le plan du président américain Joe Biden pour le Moyen-Orient comprend trois éléments clés et interdépendants. Le premier est un alignement régional pour faire face à l’Iran et à ses mandataires, y compris un vaste traité de sécurité avec l’Arabie saoudite. Cette démarche sert les intérêts sécuritaires d’Israël. En échange, Israël devra accepter d’avancer vers un État palestinien, une démarche qui devrait éliminer les fondements de l’ingérence iranienne et autre dans la région.

Le deuxième est la normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël, ouvrant ainsi le monde arabe à l’économie israélienne. Le troisième comprend des étapes préparatoires et complémentaires à ce plan : mettre fin aux combats à Gaza et dans le nord d’Israël et libérer les otages, dans le cadre d’un cessez-le-feu stable.

Israël doit s’intégrer à cet accord dès que possible, et à cette fin, des élections anticipées doivent être organisées, dans l’espoir que les résultats inaugureront un nouveau leadership. L’accord américano-saoudien – auquel Israël et les Palestiniens pourront ultérieurement adhérer – devrait inclure un « paquet » israélo-palestinien basé sur un engagement réel et pratique à résoudre le conflit dans un avenir prévisible sur la base du modèle à deux États.

Un plan pour la paix

Le plan israélo-palestinien que je propose permettrait de sortir de cette impasse en deux étapes. La première est une déclaration contraignante. Israël doit annoncer son engagement en faveur de la solution à deux États. La déclaration du nouveau gouvernement doit inclure une phrase incluse dans les accords signés par Netanyahou (le Protocole d’Hébron et le Mémorandum de Wye) mentionnant les résolutions 242 et 338 de l’ONU et ajoutant que le plan respectera les paramètres convenus lors des cycles de négociations précédents.

En attendant, les Palestiniens doivent s’assurer qu’ils peuvent présenter une direction unique, légitime et contraignante pour le peuple palestinien. Cela nécessite l’accord du Fatah et du Hamas pour organiser des élections au parlement palestinien, à la présidence et au Conseil national palestinien de l’OLP, ainsi que le démantèlement de la branche armée du Hamas (« une autorité, une arme », comme l’a déclaré Jibril Rajoub). Tous les candidats à l’élection doivent reconnaître Israël et les accords signés avec lui.

La deuxième étape, conditionnée au succès de la première, comprend des actions de confiance et de renforcement de l’État. Israël doit présenter et mettre en œuvre un plan réaliste de continuité palestinienne le long de la chaîne montagneuse centrale, tel que formulé par les anciens Premiers ministres Ariel Sharon et Ehud Olmert dans le Plan de désengagement élargi de 2004 et le Plan de réalignement de 2006. Cette formule repose sur l’évacuation des colonies isolées le long de la Route 60, qui relie les principales villes palestiniennes de Cisjordanie et crée une contiguïté territoriale.

Israël réactivera le mécanisme de passage sécurisé, de préférence au moyen d’une ligne de chemin de fer, comme prévu avant le désengagement de Gaza en 2005. Cette ligne reliera Gaza à Tarqumiya en s’appuyant sur la ligne Ashkelon-Kiryat Gat. Ces mesures garantiront que plus tard, lors des négociations pour un accord permanent, les Palestiniens bénéficieront d’une contiguïté territoriale.

Les Palestiniens s’engageront à déployer des postes de police pour faire respecter la loi et l’ordre et pour faire preuve de gouvernance dans toutes les zones sous leur responsabilité. En outre, et si nécessaire, l’AP déploiera ses forces dans la bande de Gaza, accompagnées d’une force panarabe pendant la phase initiale, et reprendra la coordination sécuritaire avec Israël à Gaza, comme ailleurs.

Dans le domaine économique, Israël doit s’engager à transférer régulièrement et sans condition les recettes fiscales qu’il a collectées pour l’Autorité palestinienne. Israël et l’Autorité palestinienne mettront à jour le Protocole de Paris, y compris le développement d’un système de compensation indépendant pour l’AP.

Après la mise en œuvre de ce « paquet », Israël continuera à détenir l’autorité sécuritaire en Cisjordanie. Il bénéficiera d’une coordination avec la police palestinienne à la fois en Cisjordanie et à Gaza, et il contrôlera la vallée du Jourdain. Il sera en mesure de reconstruire ses relations avec la Jordanie et l’Égypte, ainsi qu’avec la communauté internationale – et les États-Unis, en particulier. Les Palestiniens bénéficieront d’une contiguïté territoriale, leur permettant de mettre en œuvre des plans de développement et de faire respecter la loi et l’ordre.

L’AP deviendra un organe légitime pour poursuivre les négociations avec Israël et la communauté internationale, et les Palestiniens bénéficieront d’une économie améliorée et d’un contrôle sécuritaire renforcé entre la Cisjordanie et Gaza. Cette réalité assurera la stabilité et permettra aux deux parties de passer à l’étape suivante.

Parallèlement à la mise en œuvre de ce plan, les États-Unis, l’Arabie saoudite et Israël prendront les premières mesures en vue de la normalisation et de la formation d’une alliance régionale pour affronter tous ceux qui risquent de gâcher le processus, en particulier l’Iran et ses mandataires.

Ce plan israélo-palestinien en deux étapes permettra de mettre en œuvre les objectifs des États-Unis. Washington ne doit pas accepter un plan plus restreint, car cela ne ferait que perpétuer la réalité sanglante actuelle et récompenser les forces messianiques et fondamentalistes des deux côtés.

Les prochaines étapes

Lors de la prochaine étape, les parties doivent s’orienter vers une résolution progressive du conflit par le biais d’accords permanents. Sous réserve de la mise en œuvre réussie de ces accords, trois canaux de négociation seront ouverts pour discuter d’arrangements permanents. Le premier, entre Israël et la Palestine sous médiation américaine et arabe, se concentrera sur les quatre questions fondamentales : les frontières, la sécurité, Jérusalem et les réfugiés, sur la base des paramètres adoptés à Annapolis en 2008.

Le deuxième, entre Israël et le monde arabe, se fondera sur l’Initiative de paix de la Ligue arabe et se concentrera principalement sur les mesures de normalisation et d’élargissement de l’alliance régionale pour contrer l’Iran et ses mandataires. Le troisième, entre Israël, la Palestine et la communauté internationale, discutera des arrangements économiques et de sécurité, du mécanisme de gestion de la question des réfugiés, de l’aide militaire et d’autres questions. Pour chacun de ces canaux, un calendrier sera déterminé pour une mise en œuvre parallèle, chaque canal étant dépendant des autres. Après la signature de tous les accords dans les trois canaux, la mise en œuvre parallèle et conditionnelle commencera selon un calendrier commun.

La formulation et la mise en œuvre de ce plan pourraient prendre plusieurs années. Cependant, les parties doivent reconnaître que c’est la seule façon d’empêcher une grave escalade et d’offrir un nouvel espoir aux deux peuples. L’opportunité actuelle de paix s’est faite au prix de la perte de dizaines de milliers de vies palestiniennes, de plusieurs centaines de vies israéliennes, de la destruction de la bande de Gaza et de l’évacuation des communautés israéliennes dans le Néguev occidental et le Nord.

C’est donc une opportunité que les deux parties doivent saisir. Le grand défi auquel sont confrontées les sociétés israélienne et palestinienne est de choisir des dirigeants dignes de conduire les deux peuples vers un avenir différent de la réalité qu’ils ont connue au cours des cent dernières années.