Prendre en charge 2,6 millions de Palestiniens au prix de 14,5 milliards de dollars par an détruirait l’avenir d’Israël et son âme.
Auteur : Shaul Arieli
Traduction : Google translate revu par Y.M.
Photo : Sur une photo prise le 7 juillet 2024, des militants d’extrême droite prient à Evyatar, l’un des cinq avant-postes illégaux de Cisjordanie dont la légalisation a été approuvée le 27 juin 2024. (AP Photo/Ohad Zwigenberg)
Mis en ligne le 30 novembre 2024
En apprenant les résultats des élections américaines qui laissaient présager un retour de Donald Trump à la Maison Blanche, Bezalel Smotrich a déclaré que 2025 serait l’année de l’application de la souveraineté à la Cisjordanie. Les prévisions jubilatoires de Smotrich font écho à une déclaration de Naftali Bennett la dernière fois que Trump est entré en fonction, lorsque le ministre de l’Éducation de l’époque et chef du parti Foyer juif avait parlé du « rêve… que la Judée et la Samarie fassent partie d’Israël souverain » et avait appelé à une action immédiate pour « nous consacrer totalement à cela ».
En effet, depuis le lancement du plan de paix de Trump en janvier 2020, l’entreprise de colonisation a atteint de nouveaux sommets. Le mandat de Bennett en tant que Premier ministre et le rôle de Smotrich en tant que ministre des Finances et au sein du ministère de la Défense ont vu une accélération sans précédent de la légitimation des avant-postes illégaux. Pas moins de 22 avant-postes ont été légalisés entre 2020 et 2024, tandis qu’un nombre stupéfiant de 79 nouveaux avant-postes ont été créés, dont plus de la moitié pendant la guerre. (L’un de ces avant-postes, établi en 2021, a ensuite été autorisé en 2024.)
Cette expansion systématique des colonies, masquée par un jargon bureaucratique, ne représente rien de moins qu’une transformation calculée du paysage de la Cisjordanie. Les chiffres témoignent d’un accaparement opportuniste des terres, particulièrement intensifié en période de crise, lorsque l’attention publique était détournée ailleurs.
Une étude approfondie menée par les Commandants pour la sécurité d’Israël (CIS), composée de dizaines d’officiers supérieurs à la retraite, dresse un tableau inquiétant des conséquences potentielles de l’annexion de territoires en Cisjordanie. Cette étude, qui s’étend sur un an, met en garde contre le fait qu’une annexion, même partielle, pourrait déclencher une réaction en chaîne dévastatrice qui menacerait l’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique.
Les partisans de l’annexion croient pouvoir intégrer progressivement des territoires tout en minimisant les conséquences négatives. Or, l’étude révèle qu’il s’agit là d’une illusion dangereuse. L’annexion de la zone C, ou même de certaines parties de celle-ci, conduirait probablement à l’effondrement de l’Autorité palestinienne, à la fin de la coordination sécuritaire et à la prise de contrôle de l’ensemble de la Cisjordanie par l’armée israélienne. Dans un tel scénario, Israël serait contraint d’établir un régime militaire et d’assumer la responsabilité de 2,6 millions de Palestiniens.
Les coûts économiques à eux seuls sont faramineux : 14,5 milliards de dollars par an, y compris les soins de santé, l’éducation et la sécurité sociale pour les résidents palestiniens. De plus, l’économie israélienne souffrirait considérablement de la baisse des investissements étrangers, des sanctions internationales et de la baisse du PIB. Cela représente un fardeau sans précédent pour les ressources et les contribuables d’Israël.
D’un point de vue sécuritaire, l’armée israélienne devrait doubler sa présence sur le territoire, ce qui compromettrait gravement sa capacité à mener une guerre sur d’autres fronts. La coopération vitale en matière de sécurité avec la Jordanie et l’Égypte serait gravement compromise, ce qui pourrait déstabiliser le Royaume hachémite, pierre angulaire de la stabilité régionale.
Sur la scène internationale, Israël serait confronté à une grave crise diplomatique. Même si l’administration Trump soutenait une telle démarche, les pays européens et les États arabes réagiraient probablement durement en imposant des sanctions économiques et diplomatiques. La légitimité internationale d’Israël serait gravement compromise, ce qui pourrait le réduire au statut d’État paria, rappelant l’Afrique du Sud de l’époque de l’apartheid.
La principale préoccupation est que l’annexion conduirait à un point de non-retour où Israël devrait choisir entre deux options impossibles : un État binational où il perdrait sa majorité juive ou un régime d’apartheid où des millions de Palestiniens vivraient sous un régime militaire sans pleins droits civiques.
Il ne s’agit pas seulement d’une question de territoire, mais de l’âme et de l’avenir d’Israël. Le rêve d’un État juif démocratique, tel qu’envisagé par ses fondateurs, serait gravement compromis. L’étude recommande d’éviter toute annexion, qu’elle soit progressive ou législative, et de promouvoir plutôt une politique de séparation d’avec les Palestiniens tout en maintenant le contrôle sécuritaire de Tsahal jusqu’à ce qu’une solution diplomatique soit trouvée.
Plutôt que de céder aux illusions d’une « opportunité historique », les décideurs doivent sérieusement considérer le prix élevé qu’Israël pourrait payer pour une telle décision. Le discours politique actuel en Israël normalise de plus en plus les idées d’annexion, ce qui rend crucial pour l’opinion publique israélienne de comprendre leurs implications destructrices.
Les conclusions de l’étude remettent en cause le discours dominant de la droite selon lequel l’annexion peut être gérée avec des conséquences minimes. Elles suggèrent plutôt que toute forme d’annexion déclencherait un effet domino qui modifierait fondamentalement le caractère d’Israël et sa position internationale.
Alors que les juifs américains et les partisans d’Israël s’attaquent à ces questions, il est essentiel de comprendre que s’opposer à l’annexion ne signifie pas être « anti-israélien » – bien au contraire. Il s’agit de préserver le caractère d’Israël en tant qu’État juif et démocratique, d’assurer sa sécurité et de maintenir sa position au sein de la communauté internationale.
Le temps est venu d’engager un dialogue honnête sur ces défis. Si le statu quo en Cisjordanie est problématique, une annexion unilatérale serait catastrophique. Les amis d’Israël, notamment les États-Unis, doivent l’aider à éviter cette voie autodestructrice et à œuvrer plutôt à une solution qui garantisse à la fois la sécurité d’Israël et son caractère démocratique.
L’illusion selon laquelle des territoires peuvent être annexés sans que cela ne coûte cher est dangereuse, et le coût d’une telle erreur pourrait être irréversible. Alors qu’Israël se trouve à la croisée des chemins, le choix qu’il fera déterminera non seulement son avenir, mais aussi la nature de la souveraineté juive à notre époque.
À propos de l’auteur
Le Dr. Col. (ret.) Shaul Arieli, conseiller politique du Israel Policy Forum, est l’un des plus grands experts israéliens sur le processus politique israélo-palestinien, la démarcation de la future frontière israélo-palestinienne et le tracé de la barrière de séparation.