Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
La semaine prochaine, quand le mouvement « Sortir en Vainqueurs » (Latzet
begadol) se reunira pour soutenir ce qu’ils appellent la separation unilaterale, ils entendront parler de deux hommes politiques, de bords differents. Le depute travailliste Haim Ramon et le depute du Likoud Michael Eitan, soutiennent tous les deux l’idee d’une cloture entre Israeliens et Palestiniens, mais chacun avec une approche tres differente concernant ce qu’il faut construire, quand et ou.
Ramon, qui fut l’un des premiers hommes politiques israeliens a parler
ouvertement d’une cloture, est candidat au poste de 1er ministre pour le compte des travaillistes, sur un programme appelant a l’edification d’une cloture, mais il veut que sa construction entraine l’evacuation de la plupart des colonies, pour en arriver a quelque chose qui ressemble grosso modo au plan Clinton.
La conception de la separation selon Eitan comprend deux clotures, l’une autour des territoires de l’Autorite palestinienne, et l’autre sur la ligne Verte. Ces clotures diviseraient les territoires palestiniens en cinq cantons separes. Eitan ne veut evacuer aucune colonie, a l’exception, peut-etre, de quelques colonies tres isolees.
Aucun des deux programmes ne correspond a la cloture que le ministere de la
Defense a commence a construire la semaine derniere, et qui a ete rendue
publique hier dans tous les medias, en long et en large, apres que le ministre de la Defense, Benjamin Ben-Eliezer, eut rendu une visite tres mediatisee au site de construction situe a son extremite nord.
La cloture, ou qu’elle passe, ne divise pas seulement le pays, elle divise la droite et la gauche, et les camps a l’interieur de la droite et de la gauche. Paradoxalement, a la fois la droite radicale, les leaders du mouvement de colons Goush Emounim, et la gauche radicale emmenee par Goush Shalom, partagent la meme opposition pour la cloture, pour des raisons tres differentes evidemment.
Plusieurs mois apres que le terme de separation » ait pris une place centrale
dans le debat politique israelien, chaque mouvement ou parti politique donne
a ce terme sa propre interpretation. Certains parlent de « cloture », tandis que d’autres parlent d’une « separation », qui comprend l’evacuation de colonies dans le cadre du processus de construction d’une cloture.
Mais le mot « cloture » a, lui aussi, plus d’une signification. Il y a la « cloture de securite » que dit construire Ben-Eliezer, alors que les gens du Conseil de Yesha (representant les colonies, ndt) la considerent comme une cloture politique, a laquelle ils sont violemment opposes. Et il y a la « cloture politique », comme l’appelle Yossi Beilin, y voyant la de la politique politicienne a usage interne, au sens ou quelques-uns recherchent des gains electoraux en soutenant ce qui, autrement, n’est a ses yeux qu’un enorme gachis economique, et ce faisant, mettent en danger tout processus de paix. Selon lui, une cloture passera bien, dans l’avenir, sur la Ligne Verte, mais dans le cadre d’accords negocies.
Ceux qui ne font que soutenir une « cloture » se distinguent des partis et
mouvements en faveur d’une « separation », qui ne considerent la cloture que
comme un element faisant partie d’un processus plus large ou Israel se
separerait des territoires, ou au moins d’une partie d’entre eux. Ainsi, le Conseil pour la Paix et la Securite, mouvement forme d’anciens hauts officiers de l’armee, propose un plan de « separation » fonde sur l’evacuation de 40 a 50 colonies. La cloture qui commence a s’elever aujourd’hui n’a rien a voir avec ce qu’a propose le Conseil, soit une mesure de grande ampleur, impliquant une cloture, l’evacuation de colonies et le retrait de forces de Tsahal des territoires pour garder la cloture, ainsi que la possibilite donnee aux Palestiniens d’etablir un Etat avec lequel Israel negocierait les accords en vue d’un statut final.
Le mouvement Sortir en Vainqueurs est lui aussi contre la cloture construite
aujourd’hui. Pour lui, un obstacle physique, qui laisse de nombreux Israeliens des deux cotes, n’apportera aucune solution, ni politique, ni securitaire.
Malgre le large soutien a la separation unilaterale (quelque 60% des juifs
israeliens y sont favorables, d’une maniere ou d’une autre), seuls deux partis l’ont incluse dans leurs programmes officiels, comme faisant partie des solutions proposees au conflit avec les Palestiniens : le Choix Democratique de Roman Bronfman, et Shinoui de Yossef Lapid. Et le Conseil pour la Paix et la Securite, qui il y a un mois etait descendu dans la rue avec une petition qui visait un million de signatures, n’en a recueilli pour l’instant qu’environ 25.000.
Dans les semaines a venir, tous les groupes reclamant le retrait unilateral vont intensifier leurs campagnes, a travers des actions dans la rue, des congres et des reunions diverses.
L’une des raisons du fosse entre le soutien massif a la separation dont parlent les sondages, et la lenteur du rythme des partis politiques, tient precisement a la confusion autour de ce qu’on entend exactement par « separation », et a la difficulte qu’a chaque parti de faire comprendre a l’opinion sa propre interpretation, et pourquoi sa solution est la bonne.
Le camp de la paix a une attitude particulierement complexe envers la cloture. Yossi Sarid, depute du Meretz et president de son parti, qui est au coeur de la Coalition pour la Paix, s’est attaque hier a la cloture en construction, l’appelant « la cloture de defense du ministre de la Defense contre Haim Ramon ». Il a dit qu’une cloture qui ne suit pas les lignes de 1967, et qui n’implique aucune evacuation de colonies, ne fera que mettre Israel en danger. La proposition essentielle du mouvement, formulee il y a un mois, parle neanmoins de la construction d' »une cloture infranchissable le long des frontieres de 1967″, au debut d’un processus de trois ans qui commencerait par une declaration publique par Israel de son intention de mettre fin a l’occupation, avec ou sans accord avec les Palestiniens, et par le debut d’une evacuation des colonies, a commencer par Gaza.
La Paix Maintenant, pour sa part, n’a pas encore determine sa position sur la cloture. Certains considerent une cloture le long de la ligne Verte comme un moyen d’augmenter la securite, d’autres voient la separation unilaterale comme un moyen d’eviter le dialogue avec le partenaire palestinien et ses revendications. Neanmoins, la plupart des membres du camp de la paix sont d’accord sur le fait que la cloture qui s’eleve actuellement, meme si elle ne fait que longer a peu pres la ligne Verte, va penetrer la conscience du public exactement de la maniere dont la droite ne veut pas, c’est-a-dire comme une ligne politique, le long des frontieres
d’avant la guerre des Six jours.