Qays, de Naplouse, étudiant (22 ans) en littérature anglaise à Al-Najah National University et militant palestinien, et Danielle, de Kfar Warburg, militante, étudiante (30 ans) au Collège Académique de Jaffa, ont écrit un article ensemble après s’être rencontrés à Ramallah au Programme de Réconciliation de l’Initiative de Genève pour les jeunes leaders.


Traduction  : Marina Ville pour LPM

(L’article a été publié en hébreu dans Zman Yisrael)

Photo : Rencontre israélo-palestinienne dans le cadre du Programme de réconciliation pour les jeunes dirigeants israéliens, avec l’ancien ministre des Prisonniers, Ashraf al-Arjami (Autorité Palestinienne)

https://geneva-accord.org/media/joint-article-making-peace-possible-against-all-obstacles/

Mis en ligne le 26 novembre 2021


Qays : J’ai été invité par l’Initiative de Genève et la Coalition palestinienne pour la paix (PPC) à participer à un atelier commun qui a accueilli de jeunes leaders israéliens et palestiniens à Ramallah. Quand j’ai reçu l’invitation, j’ai hésité, d’autant plus que cela allait être la première fois que je participerais à une activité commune israélo-palestinienne après la guerre de mai. Cette guerre a montré à quel point tous ceux qui vivent dans cette région sont divisés, et j’ai donc pensé que cela ne servirait à rien d’assister à la rencontre. Malgré mes réticences, j’ai décidé que je voulais quand même me battre pour la paix et pour ce que je crois, et donner une chance aux réunions communes.

Danielle : J’étais excitée et inquiète avant d’aller à Ramallah. J’ai eu immédiatement le sentiment d’être dans un autre pays . Le paysage m’est étranger, même si les complexités de ce conflit sont encore plus claires pour moi aujourd’hui, ce qui a rendu cette visite encore plus significative. La première chose qui m’a frappée sur la route, c’est le brusque changement de paysage. Quand on entre en Cisjordanie, tous les arbres disparaissent et on voit un paysage nu. Rien n’est à l’abri de la politique, pas même la nature. Le sentiment d’être dans un autre pays m’est tout de suite tombé dessus. Le paysage m’est étranger, même si je ne suis qu’à 40 minutes en voiture de chez moi. Le sentiment de ne pas être à ma place m’a envahie. j’étais soudain consciente du mépris et de l’hostilité possibles que les gens à l’extérieur du bus pourraient ressentir à mon égard, s’ils savaient que j’étais là. À ce moment-là, je me suis rappelée à quel point il est naturel pour nous, les êtres humains, d’avoir peur de l’inconnu.

Qays : Durant cette réunion, nous, jeunes Palestiniens et Israéliens, avions tous un objectif similaire en tête : nous voulons avoir une bonne vie, arrêter tous ces malheurs et mettre fin à l’occupation militaire dans l’espoir de parvenir à la solution à deux États.
La solution à deux États semble être un accord équitable pour les deux parties, n’est-ce pas ? Alors pourquoi ne l’appliquons-nous pas tout simplement? Pendant notre discussion, nous nous sommes concentrés sur les obstacles à la réalisation de ce résultat. Nous avons mis en évidence beaucoup de faits, comme celui qu’environ 475 481 colons vivent illégalement en Cisjordanie en 2021 (sans compter Jérusalem-Est). Ces colons violent le droit international en vivant en Cisjordanie. Leur présence est un obstacle à la paix.

Danielle : Que cela me plaise ou non, je ne suis pas une habituée ici. Lorsque la réunion sera terminée, je serai libre de retourner dans le confort de ma maison, sans qu’on me stoppe en chemin, qu’on me contrôle, sans crainte de violence ou de discrimination. Ces privilèges n’appartiennent qu’à mon peuple, et mes partenaires palestiniens comme Qays ne les partagent pas. Ce jour-là à Ramallah, nous avons déconstruit certaines perceptions et revendications habituelles, et exploré les différences qui existent. Elles incluent la demande israélienne de reconnaissance comme État juif et l’affirmation palestinienne selon laquelle la croissance des implantations est la preuve qu’Israël n’est pas intéressé par la paix. Étonnamment, le groupe a eu du mal à se mettre d’accord sur quoi que ce soit. Les notions de base et les définitions de la réalité et du passé n’ont pu faire l’objet d’un accord. Un tel exemple, qui a frappé de nombreux Israéliens, a surgi lors des discussions sur la définition des colonies. Il était clair que certains participants du groupe considéraient des villes comme Petah Tikva à l’intérieur de la Ligne verte comme une colonie.

Qays : Comme Danielle, j’ai aussi perdu espoir pendant un moment de la réunion, et on avait le sentiment que nous tous, Israéliens et Palestiniens, étions à court d’idées et que nos mains étaient liées. Mais cela n’a duré que jusqu’à ce que nous commencions à trouver des solutions au lieu de nous occuper du passé et des différences entre nous. Nous avons partagé des idées sur des solutions pratiques telles que des échanges de terres, des traités de paix, un art commun et des compromis créatifs – une solution à deux États sous ses diverses formes.