Daily Star, 5 avril 2007
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Beyrouth – Est-ce une occasion historique de faire la paix entre Arabes et Israéliens, ou seulement une mise en scène de pinailleries israéliennes et d’hésitations arabes? J’ai une suggestion à faire au monde arabe, afin qu’il réponde à cette question.
Le week-end dernier, les chefs d’Etat arabes réunis à Riyad ont rendu publique une nouvelle fois leur offre de paix définitive et globale avec Israël. Les Israéliens ont repoussé ce plan, mais déclaré qu’ils en appréciaient certains éléments. Une semaine plus tard, le premier ministre Ehoud Olmert a appelé l’Arabie saoudite à emmener une délégation de dirigeants arabes à Jérusalem pour négocier la paix. Les Saoudiens et d’autres pays arabes ont rapidement repoussé cet appel, en soulignant qu’Israël devait d’abord se retirer des territoires arabes occupés depuis 1967 avant que des rencontres ou des pourparlers puissent avoir lieu.
Les Américains et les Européens se sont contentés de leurs habituelles déclarations insipides, encourageant des négociations et des compromis, mais n’en ont pas fait davantage, du moins en public, pour saisir ce qui paraît constituer une chance historique de sortir de l’impasse.
Je suggère une initiative arabe audacieuse pour en sortir et vérifier qui est sérieux et qui joue à cache-cache. Que les Arabes disent oui à Olmert, acceptent son invitation de s’asseoir autour d’une table et de parler, mais à leur sauce. Le roi saoudien annoncerait que son ministre des affaires étrangères conduirait une délégation de ministres arabes, y compris le ministre palestinien des affaires étrangères Ziad Abou Amr, qui se trouve être un indépendant, dans les locaux des Nations unies à Genève dès lundi prochain, pour négocier un accord de paix israélo-arabe définitif et global. Les Arabes iraient à Genève pour faire la paix sur les bases des principes du plan arabe et des résolutions des Nations unies, bases assez larges pour gagner le soutien du monde arabe et assez tentantes pour attirer les Israéliens.
Avant de s’envoler dimanche vers Genève pour leur réunion de lundi, les ministres arabes des affaires étrangères devraient publier une déclaration où ils affirmeraient clairement qu’ils sont désireux de faire la paix avec Israël, d’aboutir à des compromis raisonnables et mutuellement acceptés qui seraient en accord avec l’esprit des résolutions des Nations unies, et prêts à coexister avec un Etat d’Israël à majorité juive, en supposant qu’en retour, Israël se retirerait des territoires arabes occupés, coexiste avec un Etat palestinien souverain, et accepte une solution négociée du problème des réfugiés palestiniens, qui est au coeur du conflit du point de vue arabe. Les Arabes feraient cela pour montrer leurs bonnes intentions, mais aussi pour prouver qu’ils ne sont pas prêts à faire la paix à n’importe quel prix.
Les Arabes et les Israéliens n’ont jamais fait aucun progrès vers la paix quand l’une des parties a tenté d’imposer à l’autre des concessions unilatérales. Or, c’est à cela que nous avons assisté la semaine dernière avec l’offre du sommet arabe repoussée par Israël, puis avec la proposition d’Olmert de se réunir, repoussée par les Arabes. La seule manière de vérifier le degré de sérieux de chacune des parties, c’est de les faire asseoir autour d’une table de négociations, élaborer des positions, des offres et des contre-propositions.
Les Arabes paraissent soit naïfs, soit insincères, quand ils réaffirment leur plan de 2002 mais le laissent flotter dans l’air comme une déclaration de principes abstraite. De même, les Israéliens paraissent non crédibles quand ils attendent des Arabes qu’ils s’envolent pour une Jérusalem occupée au premier signe d’Olmert. Ce n’est pas ainsi que la politique, la diplomatie ou les efforts de paix fonctionnent dans le monde réel. Si les Arabes sont sérieux avec leur offre historique de parler et de conclure une paix définitive, sur la base des résolutions des Nations unies et d’équité et de légitimité pour tous (et je pense qu’ils le sont), ils doivent cesser les déclarations passives et entrer dans le domaine de l’action politique dynamique.
Le plan de paix arabe offre pour cela une bonne base, ca il traite de la résolution des problèmes clés de la terre, de la souveraineté, de Jérusalem et des réfugiés. Il est également assez large et attractif pour Israël, qui pourrait l’adopter comme point de départ de pourparlers sérieux, en particulier sur la question des réfugiés, dont il est clair qu’elle devra être résolue sur la base des résolutions des Nations unies, et dont la mise en oeuvre devra être négociée et être acceptable par les parties.
Proposer de parler de paix avec Israël à Genève sur la base du plan arabe et des résolutions des Nations unies serait un acte honorable, peu soupçonnable de trahison, de reddition ou de concessions substantielles a priori. Cela mettrait Israël au pied du mur, et libérerait les Arabes de l’accusation systématique selon laquelle ils manquent toutes les occasions et refusent invariablement de répondre aux offres israéliennes. Ce serait loin d’être la première fois que des Arabes et des Israéliens participeraient ensemble à des négociations ou à des conférences, en particulier depuis Madrid en 1991. Le faire serait un acte courageux et responsable, pour tous ceux qui sont concernés.
Il est temps que le monde arabe émerge de son incompétence diplomatique et de son immobilisme, qu’il cesse d’être sur la défensive, et qu’il passe à l’offensive. Se retrouver à Genève lundi prochain serait gagnant pour tous les Arabes et les Israéliens qui souhaitent la paix et la justice.