Yediot Aharonot, 29 avril 2007
[->http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3393299,00.html]
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Chaque fois que nous, Israéliens, entendons les mots « problème des réfugiés de 1948 », notre estomac se noue, angoisse et objections prennent forme. Vue de notre fenêtre, la question des réfugiés est devenue synonyme du droit au retour, et le droit au retour signifie la fin d’Israël.
Il serait peut-être temps de remettre de l’ordre dans nos idées, et d’apprendre à distinguer entre le problème des réfugiés et ce qu’on appelle le droit au retour. Le problème des réfugiés peut et doit être résolu, mais pas par le retour des réfugiés dans un territoire israélien qui vivrait en paix dans ses frontières. L’appel à permettre aux réfugiés de retourner dans le territoire israélien doit être rejeté, car s’il se réalisait, il y aurait deux Etats palestiniens et aucun pour le peuple juif.
Mais le problème des réfugiés de 1948 doit être résolu. De plus, résoudre ce problème est d’un intérêt vital pour Israël, car tant qu’il restera sans réponse – et tant que des centaines de milliers de Palestiniens resteront à pourrir dans des camps de réfugiés inhumains – nous n’aurons aucun répit.
Versions divergentes
Qui est responsable de la tragédie des réfugiés palestiniens?
Selon la version israélienne, les leaders arabes sont responsables pour avoir pris l’initiative de la guerre d’Indépendance, et les réfugiés aussi pour avoir fui leurs foyers, poussés par la peur. D’après la version arabe, Israël est coupable de les avoir expulsés, de force et cruellement.
Il y a de la vérité dans les deux versions. La guerre d’Indépendance a été une guerre totale, villages contre villages, quartiers contre quartiers, maisons contre maisons. Dans ce genre de guerres, des populations sont déracinées. Quelque 12 communautés juives, dont celle de la Vieille Ville de Jérusalem, ont été conquises par les Arabes au cours de cette guerre. Les populations juives de ces communautés ont été, soit massacrées, soit déportées de force par les Arabes.
D’un autre côté, des centaines de communautés arabes, et des centaines de milliers de personnes, ont été déracinées en 1948. Certaines ont fui, d’autres ont été expulsées de force par l’armée israélienne.
Le moment est venu de reconnaître ouvertement que nous sommes en partie responsables du drame des réfugiés palestiniens, non pas les seuls responsables, ou coupables, mais que nos mains ne sont pas parfaitement propres. L’Etat d’Israël est assez mûr et fort pour reconnaître une culpabilité partielle, et aussi pour en accepter ses inévitables conséquences. Nous ferions bien d’assumer une part des efforts consacrés à réinstaller ces réfugiés en-dehors des frontières des frontières pacifiques d’Israël, dans le cadre de futurs accords de paix.
Onde de choc émotionnelle
Le fait qu’Israël admette une part de responsabilité dans le drame des réfugiés palestiniens, qu’il soit prêt à prendre une part effective à la solution, pourrait provoquer une onde de choc émotionnelle du côté palestinien. Cela constituerait une percée émotionnelle, de celles qui faciliteraient grandement la poursuite des pourparlers, parce que la tragédie des réfugiés de 1948 est une plaie ouverte et sanglante dans la chair du peuple palestinien.
Du côté israélien, il y a une tendance, qui confine à la fixation, à rejeter encore davantage les « sujets brûlants » du conflit : les réfugiés, Jérusalem, les frontières, les colonies. Ce rejet a peut-être été ce qui a conduit à l’échec des accords d’Oslo, et il ne contribue sûrement pas aux négociations actuelles : la tendance d’Israël à éviter des sujets qui sont au coeur du conflit sème un doute fondé du côté arabe, qui affirme qu’en réalité, Israël recherche le calme mais n’est pas prêt pour une solution globale.
Peut-être les dirigeants israéliens devraient-ils prendre l’initiative d’une discussion sur la question palestinienne et suggérer une participation israélienne à la solution du problème, comme faire déménager les réfugiés des camps dans lesquels ils pourrissent, fournir des logements, du travail et la citoyenneté [palestinienne] à tout Palestinien désireux de s’installer à l’intérieur des frontières du futur Etat palestinien
Un fardeau financier
Il est évident qu’un traitement global de la racine du problème obligera Israël à reconnaître sa culpabilité partielle dans la Nakba palestinienne et la responsabilité qui découle de cette culpabilité. Traiter le problème à la racine impliquerait également de prendre en compte le fait que des centaines de milliers de Juifs ont été chassés de chez eux dans certains pays arabes.
Mais, aussi bien du point vue moral que sécuritaire, Israël doit chercher une solution au problème des réfugiés de 1948. Cela impliquera un fardeau financier que devront prendre en charge les pays occidentaux, Israël et les Etats arabes riches.
Si cela était fait, le niveau des violences baisserait, et le désespoir qui nourrit l’extrémisme commencerait à disparaître, une fois que les habitants des camps de réfugiés commenceraient à voir que leur vie dans les caniveaux va se terminer.
Du point de vue israélien, même si nous signons des accords avec nos ennemis, tant que nous ne nous confrontons au drame des réfugiés, nous n’aurons jamais aucun calme.