Ha’aretz, 27 mars 2007
[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/841446.html]
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Le premier ministre Ehoud Olmert a récemment déclaré que l’initiative de paix arabe, anciennement nommée initiative saoudienne, était intéressante et digne d’être prise en considération. Un sommet pan-arabe se tiendra cette semaine [l’article date d’il y a 3 jours, ndt], avec au programme l’approbation de ce plan de paix [[Approbation votée à l’unanimité, à l’exception notable du premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh (Hamas), qui s’est abstenu, et qui a d’ailleurs réclamé à cette occasion de « ne pas renoncer au droit au retour », ce qui soutient a contrario la thèse de l’article.]].
A la lumière de ces nouveaux développements, le choeur du refus en Israël a entonné son chant favori. Son principal argument est bien connu, et repose sur l’hypothèse selon laquelle accepter la résolution 194 des Nations Unies de 1949 [[Cette résolution date en réalité du 11 décembre 1948, si l’on veut pinailler.]] reviendrait à reconnaître le droit au retour [des réfugiés palestiniens] et la fin d’Israël en tant qu’Etat juif.
En 1948, environ 720.000 Palestiniens ont quitté Israël au cours de la guerre, d’après le chiffre de l’UNWRA (agence de l’ONU chargée des réfugiés palestiniens). Aujourd’hui, leur nombre varie entre 4 et 5 millions selon les estimations, et ces réfugiés vivent principalement à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Jordanie et dans les Etats du Golfe. La résolution 194, qui date de cette même période, stipule que « les réfugiés qui souhaitent retourner chez eux et vivre en paix avec leurs voisins devraient être autorisés à le faire le plus rapidement possible. » Les Etats arabes votèrent contre cette résolution, qui évoquait la fin du conflit et un accord de paix.
Une analyse de cette résolution montre que le choix des mots n’est pas anodin. L’autorisation du retour doit être accordée par l’autorité souveraine du gouvernement israélien, comme le notait Abba Eban, ancien ministre des affaires étrangères. Cela signifie qu’il ne s’agit pas d’une sorte de droit naturel, inhérent par essence. Par exemple, un citoyen israélien est autorisé à pénétrer sur le territoire des Etats-Unis, mais ce n’est pas un droit. Si les autorités américaines lui refusent l’entrée, ce citoyen israélien ne peut pas les poursuivre en justice pour violation de ses droits. La résolution 194 utilise le mot « autorisés », et non « droit ».
Même les dirigeants arabes, dont ceux de l’Autorité palestinienne et le gouvernement syrien, connaissent parfaitement l’intention derrière le choix de ces mots. C’est pourquoi, lors de la réunion de la Ligue arabe à Beyrouth] du 29 mars 2002, ils ont demandé qu’en sus de la mention de la résolution 194, le plan de paix saoudien du roi Abdallah mentionne également la résolution 14/224B, qui stipule que la résolution 194 devrait être interprétée comme une reconnaissance du droit au retour [[Cette mention ne figure pas dans l’initiative arabe, adoptée à Beyrouth, et confirmée à Riyad.]]. L’ancien ministre des affaires étrangères Silvan Shalom et ses amis de la droite semblent ne pas savoir ce que savent les dirigeants de l’Autorité palestinienne. La résolution 194 n’est donc rien d’autre qu’un cache-misère [[Voir une autre analyse de cette résolution, différente dans les arguments mais qui parvient à la même conclusion : [ (dernière partie de l’article).]].
Une combinaison de trois plans politiques (celui de la Ligue arabe, les paramètres Clinton et l’Initiative de Genève) peut sans nul doute donner naissance à un accord global au Moyen-Orient, accord qui comprendrait la fin de toute revendication, des accords sur la question des bien et une solution aux problèmes de Jérusalem et des colonies.
Les sondages effectués sur ces questions montrent clairement que, si la majorité des Israéliens s’opposent à l’absorption, même pour des raisons humanitaires, de quelques dizaines de milliers de réfugiés de 1948, près de la moitié d’entre eux sont prêts à un accord sur Jérusalem, les quartiers juifs étant en territoire israélien et les quartiers arabes en territoire palestinien. Une même proportion serait prête à un échange de territoires, dans le cadre duquel 4% de la Cisjordanie (zone où sont situées 80% des colons) seraient échangés contre une surface équivalente près de la bande de Gaza [Ces dispositions correspondent très exactement aux accords de Genève (texte : [).]]. L’opinion est également en faveur d’une évacuation volontaire des colons des territoires occupés.
Il s’avère donc que la peur du processus de paix est pour une large partie dans la tête des dirigeants de la droite israélienne, qui organisent un campagne de peur auprès de l’opinion publique autour des soi-disant menaces que représentent la résolution 194 et d’autres dangers. L’opinion israélienne, elle, est plus intelligente que ses dirigeants. Elle est prête à payer le prix en termes de territoires et d’une évacuation massive des colons, sans accorder le droit au retour aux réfugiés palestiniens, en échange d’un accord de paix global, sincère et équitable.