Ha’aretz, 1er juin 2010
Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Benjamin Netanyahou doit immédiatement retourner d’Amérique du Nord et réunir une commission d’enquête nationale sur l’assaut donné au convoi naval, au cours duquel au moins neuf militants ont été tués.
Il n’existe pas d’autre moyen de clarifier les circonstances de cet événement, qui a commencé par un acte de protestation pour se terminer par la mort de manifestants et une grave crise internationale.
Le gouvernement a échoué. Accuser les organisateurs de la flottille d’avoir causé ces morts en ne tenant pas compte des ordres d’Israël de faire marche arrière est inadéquat. Il faut enquêter sur les décisions prises par les responsables.
On ne peut pas non plus évacuer ce bain de sang en disant que les manifestants ont attaqué les commandos de Tsahal avec des armes à feu et d’autres types d’armes. Car cette sorte d’excuse fait passer la responsabilité de l’échelon des décisionnaires politiques et militaires à celui des soldats, qui ont agi au combat et défendu leur vie. Cela convient peut-être à Netanyahou et à ses partenaires au gouvernement de présenter la bataille comme un incident local qui a dégénéré, mais ils ne peuvent pas ne pas être tenus responsables de la crise.
Cette fois, personne ne peut non plus mettre la débâcle sur le dos de l’inexpérience. Ehoud Olmert, le prédécesseur de Netanyahou, et son ministre de la défense Amir Peretz (tous deux novices en chose militaire) s’étaient prévalus de cette excuse au Liban en 2006.
Or, Moshe Yaalon et Ehoud Barak sont tous deux d’anciens chefs d’état-major. A eux deux, ils ont une expérience presque sans égale de la planification et du combat.
Netanyahou a pu être leur subordonné dans la Sayeret Matkal, le commando d’élite, mais il a un passé formidable concernant le traitement du renseignement et des opérations. Ils auraient pu, s’ils l’avaient voulu, prévoir les consquences de l’opération de lundi dernier.
Une commission d’enquête aurait à répondre à plusieurs questions essentielles :
1. Tactique. Qu’a déclenché la décision de stopper la flottile par la force et quelle action a été présentée à l’échelon politique qui a pris la décision ? Quelle analyse a-t-elle été faite des conséquences d’utiliser le feu en cas de confrontation ?
Y a-t-il eu des opinions divergentes, quelqu’un a-t-il pointé du doigt les dommages inévitables pour Israël de l’échec d’une opératon ? Quelles mesures ont-elles été prises pour éviter l’escalade ?
2. Alternatives. Y a-t-il eu un effort de fait pour stopper la flottille par la diplomatie, la négociation et le compromis avec ses organisateurs ? Ou bien le gouvernement s’est-il précipité dans la confrontation, sans penser aux alternatives ? Quelqu’un a-t-il défendu l’idée de laisser passer les bateaux vers Gaza, plutôt que d’en faire un test de souveraineté et de puissance ?
3. Turquie. Qu’a fait ce gouvernement l’année passée pour améliorer les relations avec un voisin crucial sur le plan stratégique ? Comment le Premier ministre a-t-il œuvré pour réparer les dommages causés aux relations avec Ankara ?
4. Le siège de Gaza. Quel est l’objectif du siège ? Est-ce simplement une extension de la politique du gouvernement précédent, ou bien a-t-il un objectif stratégique ? Dans quelle mesure l’utilité de cette politique a-t-elle été discutée sous l’actuel gouvernement ?
Il est clair que l’opinion publique est pour une punition de Gaza, à cause de la poursuite de la captivité de Gilad Shalit. Mais le gouvernement doit penser aux avantages de cette punition en temes d’intérêt national, et non simplement en termes de sondages hebdomadaires. Quelqu’un l’a-t-il fait ?
5. La minorité arabe en Israël. La campagne de « loyauté » du parti Israel Beitenou, tentative par le parti de droite du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman de faire passer des lois destinées à faire taire les expressions de nationalisme par les Arabes israéliens, a été suivie par l’arrestation de militants arabes accusés d’espionnage pour le Hezbollah. Quel effet cela aura-t-il sur l’agressivite des manifestations ? Le gouvernement a-t-il envisagé d’approfondir ses liens avec la minoroé arabe ? Agira-t-il aujoud’hui, après qu’un Arabe israélien de premier plan a participé à la flottille et que Raed Salah, le dirigeant de la branche Nord du Mouvement islamique, à bord de l’un des bateaux, a apparemment été blessé ? Y a-t-il eu des contacts avec les leaders de la communauté aabe pour éviter les conflits ?
Toutes ces questions pèsent d’un poids très lourd et exigent d’être examinées par un organisme indépendant, qui devra présenter ses conclusions devant la communauté internationale. Seule une commission d’enquête nationale peut répondre à ces exigences et faire baisser les critiques auxquelles Israël fait face pour avoir tué des manifestants.