Dissent, 24 juin 2009
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Trad : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
PLAIDOYER POUR UNE INTERVENTION « SOFT » DANS LE CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN
Il se peut qu’il existe encore une chance pour une solution à deux Etats
dans le conflit israélo-palestinien. Cela exigera de la communauté
internationale une approche immédiate mais radicalement différente. Plutôt
que de tenter d’impliquer les deux parties dans de nouvelles négociations,
le président Obama, sous les auspices du Quartet devrait faire aux deux
parties une offre qu’aucun des côtés ne pourra refuser. Il devrait présenter
aux deux parties le résumé d’un projet d’accord déjà élaboré, puis, plutôt que
de leur demander de se lancer dans un marathon de négociations, ou même de
l’accepter ou de le rejeter, il devrait tout simplement leur demander de le
soumettre à un vote par leur peuple respectif : le côté israélien par un
référendum, et le côté palestinien par un processus électoral.
Un peu de travail d’approche doit d’abord être effectué par le Sénateur
Mitchell avant que les termes de cet accord puissent être finalisés. On peut
se servir de l’initiative arabe (ex-saoudienne) pour s’assurer du soutien
arabe et de l’intégration possible d’Israël au sein du Moyen-Orient. Les
compte-rendus de travaux et les demi-accords déjà obtenus depuis des années
par les deux côtés, officiels ou officieux, peuvent être également utilisés. Le
résumé ainsi que les avant- projets devront être, eux aussi, mis à la
disposition des deux opinions.
A défaut d’une initiative américaine, comme cela est souligné plus bas, la
communauté internationale emmenée par les Nations unies pourrait tout de
même lancer cette initiative. Quoi qu’il en soit, l’idée principale serait
de passer outre les impasses auxquelles sont confrontées les négociations
officielles en donnant aux opinions concernées un rôle déterminant dans le
processus de paix.
Un certain nombre de mises au point et d’explications sont de mise. Pour
commencer par les mises au point, les deux opinions devraient avoir le choix
de voter sous condition – conditionnant ainsi leur réponse positive à une
réponse tout aussi positive de l’autre côté. Cela évacuerait au moins un
obstacle et aiderait les sceptiques des deux côtés à donner une chance à
cette initiative.
Ensuite, les résultats devraient être donnés simultanément, ou en tout cas
le même jour. Enfin, cette requête devrait être accompagné d’un ultimatum,
vague mais bien senti, adressé à l’une l’autre des parties (le cas échéant)
en cas de résultat(s) négatif(s). Différents moyens de pression, tous
au-dessous de la force brute, et tous douloureux pour l’une ou l’autre des
parties, peuvent être mis en œuvre. Un rappel d’effets négatifs possibles, s’ils sont articulés de façon intelligente en
cas de résultat négatif, peut
contribuer à faire triompher la raison des deux côtés. Enfin, il faut faire
comprendre aux deux parties que cette solution, une fois approuvée, aura le
soutien, la garantie et la protection de la communauté internationale.
Quant aux explications : d’abord, il est hautement improbable dans le climat
actuel, compte tenu en particulier des résultats des élections israéliennes
d’un côté, et des dernières élections palestiniennes de l’autre, que les
équipes des deux dirigeants (politiques, avocats, « experts » en
négociations) puissent maintenant négocier en temps réel là où des
dirigeants plus modérés qu’eux ont échoué par le passé. Inviter les deux côtés à
pénétrer dans un labyrinthe de négociations reviendrait de façon certaine à
les inviter à une impasse. Il vaut donc mieux (ne serait-ce que par défaut)
faire directement appel aux peuples en se passant des dirigeants.
En outre, cet appel à la base fait sens en dépit du durcissement apparent
des positions des deux côtés, et cela pour deux raisons : les sondages
d’opinion montrent régulièrement, depuis de nombreuses années, qu’il existe
une majorité des deux côtés en faveur d’une solution à deux Etats face à
toute autre option ; ensuite, il se peut que le durcissement qu’on observe
n’exprime seulement que la déception et la frustration que chacun des côtés
ressent actuellement face à l’échec du processus de paix à faire advenir
cette solution.
Ici, une autre explication est nécessaire. Alors qu’un référendum seul, si
l‘on suit ce plan, suffira pour jouer le rôle d’indicateur dans une
démocratie israélienne à la longue histoire, qui a de toute façon connu il y
a peu une élection, la valeur d’élections du côté palestinien, en revanche,
sera ressentie à bien plus d’un niveau : il règlera la confusion qui existe
actuellement, où les deux leaderships palestiniens (Hamas et Fatah)
disposent de la légitimité. Il engagera la société palestinienne dans un
débat nécessaire, ouvert et public, qui traitera des questions essentielles
auxquelles il faudra bien répondre. Il éliminera toute équivoque ou
ambiguïté dans les positions que défendre le parti qui défendra cette
solution, garantissant ainsi son engagement envers cette solution, une fois
élu. Il permettra aux deux principaux partis qui luttent actuellement pour
la primauté au sein des Palestiniens de se mesurer au niveau de programmes
politiques concrets, minimisant ainsi les chances de fractures politiques
qui suivraient les élections. Enfin, il augmenterait les chances de la
faction emmenée par Mahmoud Abbas dans des élections qui devraient avoir eu
lieu depuis longtemps, mais que ladite faction de Mahmoud Abbas est
condamnée à perdre si ces élections sont organisées maintenant et/ou en
l’absence d’une solution tangible « en mains ».
Que se passerait-il, est-on en droit de demander, si l’un des côtés votait
non ? La réponse, tout simplement, est que si l’échec de cette tentative
peut augmenter la frustration partout, de ceux qui recherchent la paix,
l’augmentation de cette frustration et ses effets, d’un autre côté, serait
incomparable à l’aune des effets positifs possibles de l’expérience en cas
de succès. Le risque, du coup, vaudrait la peine d’être pris. Du point de
vue de l’administration américaine, la poursuite d’une « stratégie
d’endiguement » (containment policy) en cas d’échec ne serait que peu
différente de sa diplomatie actuelle, alors qu’un succès obtenu si
rapidement pendant son premier mandat donnerait au président Obama un
incroyable coup de pouce sur le plan international.
La nouvelle administration américaine, bien entendu, pourrait choisir de
mener, en gros, la même politique qu’auparavant, en convenant, par exemple,
une conférence internationale à cinq étoiles comme Annapolis (ou comme le
récent sommet financier à Sharm el-Sheikh), où les leaders du monde peuvent
se glorifier de succès illusoires en se berçant de l’illusion que l’Autorité
palestinienne peut survivre en tant que service bancaire d’un peuple occupé,
appuyé par un service de sécurité techniquement efficace mais de plus en
plus impopulaire. Une Autorité palestinienne qui se suffit à elle-même en
usant de la même politique de blâme envers leur enfant gâté alors que sont
bafoués le droit international et les droits de l’homme.
Mais ne nous y trompons pas : l’effet garanti de cette inévitable et
méandreuse tendance à remettre les choses au lendemain est l’échec de la
solution de deux Etats. Idéalement, bien sûr, on pourra toujours arguer que
cela ne serait pas nécessairement une mauvaise chose, car il n’est pas clair
qu’un Etat juif réponde véritablement au problème réel que pose la sécurité
des Juifs, sans parler de la question de la justice pour le peuple
palestinien. Mais, au moins sur le plan pratique, ce qui est clair, c’est
qu’un échec à faire advenir deux Etats aujourd’hui déchaînera
obligatoirement davantage de souffrances des deux côtés. Cela, en-dehors du
problème plus général que poserait une situation d’apartheid binational de
facto dans cette région.
Si les Américains souhaitent une solution à deux Etats, il n’y aura alors
pas d’autre solution que de l’imposer, doucement mais maintenant, et aux
deux parties. Au point où nous en sommes, cela ne se produira pas
autrement. Et à un stade ultérieur, il sera alors trop tard pour que cela se
produise jamais.