En octobre 2011, le gouvernement israélien a approuvé à une écrasante majorité, incluant la plupart des ministres du Likoud, la libération de 1 027 prisonniers palestiniens dont 280 condamnés pour meurtres ou complicité de meurtres de citoyens israéliens, en échange de la libération du soldat Guilad Shalit. Les prisonniers libérés ont été reçus comme des rois, et le Hamas a saisi l’occasion de démontrer que la violence est le meilleur moyen de faire plier l’État d’Israël. Ce mouvement, qui a violé les accords internationaux en maintenant le soldat capturé en isolement total, a aussi conduit des ministres de droite, tels Guilat Ardan, Limor Livnat et Israël Katz, à voter en faveur de l’accord. Récemment, ces mêmes ministres ont pourtant voté contre une nouvelle libération de prisonniers dans le cadre de la reprise des négociations de paix…
D’aucuns expliquent qu’une telle libération est dénuée de bénéfice réel et que la reprise des négociations et le renforcement du pouvoir d’Abu Mazen ne sont pas des raisons suffisantes en soi. Le gouvernement reconnaît ainsi que l’État d’Israël ne comprend que la force, puisque l’enlèvement puis la libération de soldats israéliens justifient en échange celle de prisonniers palestiniens. Le message adressé aux Palestiniens est clair : nul besoin de négociations de paix pour libérer des prisonniers, il est plus efficace de capturer des soldats ou des civils israéliens et de négocier leur libération par la suite.
Le sentiment de duperie, du fait que la libération de prisonniers palestiniens ne s’accompagne pas de celle de captifs israéliens, ne fait qu’accentuer l’absurdité de la situation. L’État d’Israël fléchit devant le Hamas mais s’oppose fermement à Abu Mazen et ses amis, qui ont pourtant adopté la voie de la non-violence. Comme les membres de droite du gouvernement l’admettent, nous ne comprenons que la force.
La libération des prisonniers palestiniens est un processus difficile et douloureux, surtout pour les familles qui ont perdu des proches et devront être témoins de la remise en liberté de leurs assassins. Seule consolation, ces prisonniers ont déjà passé plusieurs années, voire des décennies, en prison et purgé une grande partie de leur peine. Toutefois, la libération des prisonniers ressortit à l’effort nécessaire pour renforcer les modérés du côté palestinien, en montrant à l’opinion palestinienne qu’Abu Mazen a lui aussi la capacité de négocier avec Israël et d’obtenir des résultats. Après que les ministres de droite ont contrecarré toute chance de voir déclaré d’un gel des constructions dans les colonies, Abu Mazen devra se contenter de la libération de prisonniers ayant purgé leur peine des années durant dans les prisons israéliennes, et en activité avant même qu’Israël et les Palestiniens n’entament leur processus de reconnaissance mutuelle dans le cadre des accords d’Oslo.
La question des prisonniers est un sujet sensible et douloureux pour la population palestinienne aussi, qui a vu l’État d’Israël plier devant le Hamas. Aujourd’hui, elle attend avec inquiétude de voir si les voies de la discussion et de la conciliation adoptées par Abu Mazen auront le même succès. La volonté d’Israël de se conformer à certaines exigences pourrait, pour une fois, contribuer à une certaine prise de conscience positive.
La poursuite du processus politique en cours avec les Israéliens peut apporter des résultats de grande portée pour les deux parties. La libération des prisonniers, en particulier ceux qui “ont du sang sur les mains”, est un compromis douloureux auquel Israël devra se résoudre ; mais il est préférable de le faire dans le cadre d’un processus de négociation diplomatique et afin d’ouvrir la voie aux pourparlers de paix, plutôt que pour obtenir la libération d’un soldat ou d’un citoyen pris en otage.