Si le seul enjeu de votre vote est « n’importe qui sauf Bibi », c’est ce que vous obtiendrez : pas de Bibi. Or, Israël a besoin de bien plus que cela.
Traduction : Bernard Bohbot pour LPM
Photo : Tamar Zandberg, présidente du Meretz lors du lancement de la campagne électorale, le 11 mars 2019. Credit : Nir Keidar
Auteur : Zehava Gal-On* pour Ha’Aretz, le 28 mars 2019
Opinion // Why Israel Needs Meretz More Than Ever
https://www.haaretz.com/opinion/.premium-why-israel-needs-meretz-more-than-ever-1.7063913
Il suffit de jeter un coup d’œil sur les chefs de partis qui rivalisent à qui proposera la politique la plus stupide et la plus violente envers la bande de Gaza pour comprendre pourquoi un Meretz fort est vital pour la prochaine Knesset. Benny Gantz a appelé à « restaurer » la dissuasion et l’usage de la force massive. Il veut peut-être de belles photos pour sa prochaine campagne électorale. Son collègue de Kahol Lavan, Moshe Ya’alon, a appelé à exiger un prix élevé.
Le président du Parti travailliste, Avi Gabbay, en revanche, a enjoint les politiques à veiller à ne pas nous entraîner dans une autre opération militaire. Il y est presque parvenu, jusqu’à ce qu’en 2017, on évoque les propos qu’il avait tenus pour « conquérir Gaza et finir le travail ». Tout cela, avant même de mentionner le troll du Likoud et les fêtes à sa droite. Le seul parti qui s’opposait à l’envoi de soldats à la mort dans le cadre d’une autre opération inutile, alimentée par des élections, était le Meretz.
Les campagnes électorales d’aujourd’hui reflètent la Knesset de demain, qui sera plus à droite et plus dangereuse que la précédente. Les Kahanistes actuellement à la Knesset rejoindront les Kahanistes d’Otzma Yehudit. Avec les votes de la gauche, Kahol Lavan fera élire les candidats de droite hérités du clan Ya’alon. Pour couronner le tout, les « soldats » de Moshe Feiglin exigeront que leur plate-forme soit lue par tous – mais pas avant le déclenchement d’une petite guerre mondiale sur le Mont du Temple.
Il convient de prendre un moment, pour imaginer, avec angoisse, comment les nouveaux membres de la Knesset vont réagir sur certaines des questions à l’ordre du jour. Comment Gantz, en tant que Premier ministre, réagira-t-il à la prochaine vague d’escalades ? Dans quelle direction les membres de son parti, ou de sa coalition gouvernementale, vont-ils l’attirer ? Comment la Knesset votera-t-elle lorsqu’elle devra se prononcer sur les droits des Arabes, des LGBT, des réfugiés et des travailleurs contractuels ? Il faut aussi se demander ce que chaque vote ajoutera à cette chorale ?
Dans la Knesset d’aujourd’hui, aucun autre parti de gauche ne parle de façon claire et cohérente comme le Meretz. Il ne s’agit pas de la gauche telle qu’elle se présente immédiatement avant les élections, désespérée de n’avoir pas réussi à séduire des électeurs de droite. Ni de la gauche qui estime combien il lui serait politiquement dommageable de traiter les réfugiés comme des êtres humains. Ni non plus de la gauche qui parle de coexistence, mais s’enfuit à la vue d’un Arabe.
Il est facile de parler des réalisations historiques du Meretz, des luttes qu’il a menées seul, avant que les auto-stoppeurs politiques ne s’y rallient. Mais le parti n’aurait jamais obtenu ce crédit sans sa constance, sa volonté d’être là parfois seul pour tracer le chemin.
Peut-être Gantz réussira-t-il à remplacer Benjamin Netanyahu comme Premier ministre, peut-être pas. Il est évident qu’il n’aura aucune chance sans un Meretz fort qui peut faire pencher la balance. Mais même si le Meretz doit à nouveau faire partie de l’opposition, il le fera avec sagesse. Vous ne verrez aucun de ses députés se joindre aux campagnes de haine contre les organisations de défense des droits de la personne et encourager la prochaine campagne militaire à partir des gradins, tout en gardant un œil sur les sondages de l’opinion publique.
Les électeurs déçus du Meretz ont tendance à établir pour le parti des normes qu’ils n’auraient jamais pensé établir pour aucun des autres partis avec lesquels ils flirtent. Pas d’attentes, pas de déceptions. Mais cela se reflète aussi bien à la Knesset avec ses représentants du public dont le public n’attend rien.
Le Meretz est aujourd’hui le seul parti qui « fait encore la gauche ». Son adhésion aux valeurs de gauche ne confond pas un État du peuple juif et de tous ses citoyens avec un État juif. Il ne bégaie pas face aux lois sur la nationalité ou aux lois sur la Nakba. J’appréhende une Knesset dans laquelle les seules voix qui réclament l’égalité des droits et la fin de l’occupation soient les partis arabes, tandis que les autres partis ramperont une fois de plus devant un énième test de loyauté concocté par la droite.
Si le seul enjeu de votre vote est « n’importe qui sauf Bibi », c’est ce que vous obtiendrez : pas de Bibi. Or, Israël a besoin de bien plus que cela.
* Zehava Gal-On a été élue députée à la Knesset en 1999. Elle perd son siège en 2009 (elle a renoncé à sa 3ème place sur la liste du Meretz, position éligible, au profit de Nitsan Horowitz. Or le parti n’a obtenu que 3 sièges). Devenue présidente du Meretz en 2012, elle retrouve son siège de député en 2013. Elle démissionne de la Knesset en octobre 2017 (Mossi Raz lui succède) mais conserve la présidence du parti dans le cadre de sa campagne pour renouveler le Meretz et instaurer des primaires ouvertes. Elle y parvient, ce qui amène entre autres Avi Buskila et Yariv Oppenheimer, anciens dirigeants de Shalom Akhshav, à rejoindre le parti. Elle décide de ne pas se représenter à la présidence, à laquelle Tamar Zandberg est élue en mai 2018.