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Ha’aretz, 15 décembre 2006
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Il y a environ six mois, un débat en profondeur a eu lieu au sein du Hamas sur la question de l’aide financière de l’Iran. A cette date déjà, il était clair que l’embargo international rendait difficile l’action du gouvernement Hamas, même si Téhéran promettait ses millions. Le chef du groupe parlementaire du Hamas, Salah al-Bardawil, avait affirmé à l’époque à Ha’aretz qu’il y avait désaccord au sein du mouvement : fallait-il, oui ou non, prendre l’argent? Car il était clair que cela aurait un prix : le Hamas serait associé dans l’esprit de la communauté internationale à « l’axe du Mal », et l’Iran voudrait « conseiller » l’organisation dans ses décisions.
Mais depuis lors, il est devenu clair que le Hamas a laissé ses principes de côté et s’est concentré sur l’argent. Plus d’une fois, des éléments égyptiens ont accusé Khaled Mesh’al et ses collègues d’avoir, pour une poignée de dollars que l’Iran avait transférés au Hamas, fait échouer un accord de libération de prisonniers palestiniens en échange de Gilad Shalit
L’annonce faite par le premier ministre palestinien Ismail Haniyeh de l’accord de l’Iran de transférer 250 millions de $ à son gouvernement en 2007 symbolise le changement qu’a connu le Hamas depuis son arrivée au pouvoir. Cette organisation, qui avait tenté depuis sa victoire aux élections de préserver ses relations avec l’axe irano-syrien en parallèle avec ses liens avec l’Egypte, la Jordanie et l’Arabie saoudite, a formé une alliance stratégique avec les « Perses », comme le président égyptien Moubarak les appelle. De hauts représentants du Hamas ont été déclarés persona non grata, non seulement en Jordanie, mais aussi en Arabie saoudite. Toutefois, les Egyptiens tentent encore de maintenir les apparences et n’ont pas coupé les liens avec le Hamas. Sur les 250 millions de $ [promis par l’Iran], environ 100 millions iront directement au Hamas, qui pourra renforcer sa puissance militaire dans la bande de Gaza et ses institutions sociales, qui lui apportent du soutien populaire.
Du côté du Fatah de Mahmoud Abbas, malgré les conséquences de l’aide iranienne pour l’avenir du Fatah, on ne panique pas encore. Le président continue de faire preuve de ses habituelles hésitations. Demain [samedi], il est censé prononcer un discours que ses collaborateurs qualifient d’historique. Mais, à moins de surprises de dernière minute, Abbas ne déclarera pas d’élections anticipées, il ne fera qu’en expliquer la nécessité.
D’autres représentants du Fatah refusent de céder à la panique : « Ce qui m’ennuie plus que tout, c’est l’occupation israélienne, et non l’alliance entre Téhéran et le Hamas », dit Jibril Rajoub. « La barrière sur la route vers chez moi, à Hebron, la clôture de séparation, comme vous l’appelez (il le dit en hébreu, d’un ton particulièrement méprisant), les colonies juives – tout cela m’ennuie beaucoup plus. Qu’ai-je à faire de ce qui se passe avec l’Iran? »
Aujourd’hui, Jibril Rajoub étudie la société israélienne à l’université Al-Qods, mais il est toujours un dirigeant important du Fatah. Par le passé, le Hamas l’a accusé de trahison et de collaboration avec Israël. Maintenant, il fait attention à ne pas porter atteinte à l’honneur de l’organisation, peut-être à cause des expériences amères qu’il a connues du côté israélien. « Notre problème n’est pas le Hamas. Après le meurtre des enfants à Gaza [[Les enfants d’un membre des services de renseignement du Fatah ont été tués il y a quelques jours à Gaza. Le Fatah a accusé le Hamas. ]], il est clair qu’il faut parvenir à un accord avec toutes les factions, pour qu’il n’y ait plus d’armes illégales à Gaza. Mahmoud Abbas doit dire : ‘Assez, j’en ai marre’. Il doit prendre des mesures pour que les habitants de Gaza soient de nouveau en sécurité. »
Mais Rajoub ne se hâte pas de critiquer Mahmoud Abbas. Il explique la situation complexe à laquelle il doit faire face : « Il a trois options : la création d’un gouvernement d’unité nationale qui pourra lever l’embargo, un référendum ou des élections anticipées. Mais aucune n’est possible sans un accord avec le Hamas. Il doit donc négocier directement avec eux. »
Par ses études sur Israël, Rajoub connaît bien les questions du sionisme. Il énumère les pays que Theodor Herzl a visités pour tenter de convaincre le monde de la nécessité pour les Juifs de créer une foyer national. « Il n’y a que la France où il ne soit pas allé », explique Rajoub, puis il revient au conflit israélo-palestinien : « Regardez vers l’Est et vous verrez comment les Palestiniens vivent. Il y a chez nous un proverbe qui dit que si votre voisin a faim, il faut commencer à vous faire du souci. »
Les Palestiniens ont faim.