Ha’aretz, 4 décembre 2008
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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Une famille palestinienne innocente, qui compte une vingtaine de personnes. Tous des femmes et des enfants, sauf trois hommes. La famille est encerclée par quelques dizaines de Juifs masqués qui cherchent à les lyncher. Un pogrom. Je ne joue pas sur les mots, il n’y a pas de double sens. Il s’agit d’un pogrom au pire sens du terme. D’abord, les hommes masqués mettent le feu à la buanderie qui se trouve dans la cour. Puis ils tentent de mettre le feu à l’une des pièces de la maison. Les femmes crient à l’aide, « Allahou Akhbar. » Mais les voisins ont trop peur pour s’approcher de la maison, effrayés par les membres de la milice venue de [la colonie de] Kiryat Arba, qui avaient scellé la maison et qui insultaient les journalistes qui voulaient rendre compte de ce qui se déroulait.
Les cris pleuvent comme les volées de pierres lancées par les hommes masqués en direction de la famille Sa’afan, terrée dans la maison. Quelques secondes s’écoulent et un groupe de journalistes, pourtant habitués à ces moments difficiles, décide d’intervenir. Ils s’engouffrent dans la maison au secours des gens qui se trouvent à l’intérieur. Le cerveau a besoin d’une ou deux minutes pour assimiler ce qui est train de passer. Des femmes et des enfants pleurent, leurs visages renvoient une expression d’horreur, sentant leur mort prochaine, suppliant les journalistes de les sauver. Des pierres atteignent le toit, les fenêtres et les portes. Des flammes s’engouffrent par l’entrée sud de la maison. La cour est jonchée de pierres lancées par les hommes masqués. Les fenêtres ont volé en éclats, les enfants ont peur. Tout autour, comme s’ils assistaient à un concert de rock, des centaines de témoins juifs observent les événements avec un grand intérêt, offrant même leurs conseils aux jeunes juifs dans la cour sur la meilleure façon de faire mal à la famille. On ne voit ni police, ni armée.
Dix minutes auparavant, alors que les forces de sécurité étaient occupées à disperser les émeutiers près de la maison de Hebron [évacuée de force], de la fumée noire s’était élevée du wadi qui sépare Kiryat Arba de Hebron. Pour une raison inconnue, aucun des officiers de haut rang, de la police ou de l’armée, n’a été perturbé par ce qui transpirait déjà en contrebas de Kiryat Arba. Or, quiconque se trouvait à plusieurs centaines de mètres pouvait remarquer que des dizaines d’émeutiers étaient en train de grimper sur le toit de la maison des Abou Sa’afan en lançant des pierres. Quelques instants plus tard, on avait compris qu’il y avait des gens à l’intérieur de la maison.
Je dévale rapidement le wadi et accoste trois soldats : « Qu’est-ce que tu me veux ? Nous sommes responsables à trois de tout ce secteur », dit l’un deux, en montrant la totalité du wadi.« Utilise la procédure d’urgence radio », lui dis-je. Il répond qu’il n’est pas équipé de radio.
Un groupe de journalistes s’approche de la maison. Problème : que faire ? Il n’y a aucune force de sécurité alentour, et maintenant, ces fauteurs de troubles juifs ont décidé de cibler les journalistes. Nous en appelons aux miliciens de Kiryat Arba pour qu’ils interviennent et stoppent le lynchage. Mais ils encerclent la maison pour empêcher un « secours palestinien ».
La maison est détruite. La peur est palpable sur le visage des enfants. L’une des femmes, Jihad, est étendue sur le sol, à demi consciente. Le fils, qui agrippe un gros bâton, se prépare au moment où il devra affronter les émeutiers. Tahana, l’une des filles, n’arrive pas à se calmer : « Regardez ce qu’ils ont fait à la maison, regardez. »
Tess, la photographe, éclate en sanglots alors que les événements se déroulent autour d’elle. Ce ne sont pas des larmes de peur. C’est de la honte, à la vue de ce qui se produit, des actes de ces jeunes qui se prétendent juifs. Honte de ce que nous partagions la même religion. A 17h 05, un peu plus d’une heure après le début des événements, une unité spéciale de la police arrive pour disperser le groupe d’hommes masqués. Les membres de la famille palestinienne refusent de se calmer. En quittant la maison, on entend un colon hurler à un officier de police : « Nazis, honte à vous ! » Oui. Honte à vous.