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Yediot Aharonot, 13 décembre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Oy, Aharon Barak, Aharon Barak [[Aharon Barak : ancien président de la Haute cour de Justice, connu pour son opiniâtreté à défendre l’Etat de droit. ]]. Il n’est pas à la retraite? Pourtant, nous avons vu la cérémonie à la télévision! Nous avons bien entendu les cris en Israël après la décision concernant les compensations aux Palestiniens. Ce que la Haute cour a décidé, en fait, c’est que l’Etat d’Israël n’est pas un enfant et qu’il est responsable de ses actes. Oui, même dans cet étrange trou noir appelé « Territoires », à 30 minutes en voiture de Tel-Aviv.

Cette décision de la cour, qui répondait à une procédure entamée par certaines organisations pour les droits de l’homme, pour qui les habitants de Cisjordanie et de la bande de Gaza ont le droit d’exiger des indemnités à la suite des actions israéliennes, est révolutionnaire. Dans une certaine mesure, elle constitue une correction de l’approche sécuritaire adoptée par cette même cour au cours des dernières années.

Dans une décision qui fera date, le juges ont dit que l’Etat d’Israël ne peut pas faire tout ce qu’il veut sans avoir à payer. Même s’il s’agit d’un autre peuple, peuple que nous dominons depuis 40 ans.

Et remarquez l’ironie du timing :un jour après que le gouvernement Olmert eut fait un doigt d’honneur aux Nations unies et refusé d’accepter une commission d’enquête sur l’affaire de Beit Hanoun, la Haute cour a décidé que nous étions de fait responsables !

Le gouvernement prétend que personne ne peut ni examiner ce que nous faisons, ni nous dire quoi faire. La cour dit : nous sommes les premiers qui devons nous examiner nous-mêmes, et offrir des compensations si besoin est. En fait, les juges de la Haute cour nous ont fait entrer de force dans la communauté internationale, celle qui croit qu’il existe des choses comme la morale, les droits de l’homme, et tous ces autres clichés de gauche.

Qu’a dit l’Etat? Le bureau de l’Avocat de l’Etat a dit : nous sommes en situation de guerre avec les Palestiniens, et l’on pourrait se retrouver dans une situation absurde où nous devrions verser des indemnités à nos ennemis. Argument intéressant. Personne, chez nous, n’est heureux d’indemniser les familles de kamikazes tués sur l’autel de la guerre contre les Israéliens.

Toutefois, dans une large mesure, cet argument est hypocrite car il ne tient pas compte du simple fait qu’il ne s’agit (et tout le monde le sait) que d’indemnités offertes à des civils innocents, dont nous sommes directement responsables de la mort ou des blessures.

Pas sûr qu’ils soient innocents? Pas d’inquiétude, l’Etat enverra au diable tout Palestinien qui demandera une indemnité jusqu’à ce que sa famille ait ce qu’elle mérite. Ils regretteront le moment où ils n’ont ne serait-ce qu’envisagé de demander des indemnités après le tir manqué d’un tank, ou le dysfonctionnement de l’ordinateur d’une batterie d’artillerie, ou l’erreur d’un tireur qui n’a pas réussi à repérer des enfants parmi les hommes armés – et tous les slogans auxquels nous sommes habitués.

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, les erreurs ont un prix. De temps en temps, elles coûtent même de l’argent. Depuis trop longtemps, nous nous sommes habitués à considérer les Territoires comme notre terrain d’entraînement, avec leurs habitants qui servent de cibles à nos soldats.

Oui, cela met en colère que les Palestiniens se fichent des conventions internationales et tirent continuellement sur nos zones civiles. Oui, il est frustrant qu’ils n’aient aucun problème à tirer sur Sderot ou sur le Néguev. Et, oui, quand je vois les baisers mouillés échangés entre le premier ministre du Hamas Ismail Haniyeh et le président iranien Ahmadinejad, il me vient l’envie de leur planter une seringue dans les oreilles, au nom du Mossad.

Mais cela ne change strictement rien à l’affaire. Un pays occidental moderne doit adhérer à certaines règles de conduite. Vous tuez des civils innocents? S’il vous plaît, payez. Oui, même s’ils ne sont pas vos citoyens.

Le 8 novembre dernier, l’armée israélienne a tué 20 civils palestiniens dans la ville de Beit Hanoun, à cause d’une erreur de tir. Sept de ces victimes étaient des enfants, quatre autres étaient des femmes. Le premier ministre a exprimé ses regrets, le ministre de la défense aussi. L’enquête a révélé que l’erreur de tir avait été causée par un composant électronique défectueux. Une carte. Le moment est venu pour l’Etat d’Israël de sortir sa carte de crédit. Et de payer.