Ha’aretz, 14 mars 2007

[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/837211.html]

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Si l’on examine les titres des médias palestiniens de ces dernières années, on ne peut douter un instant que Jérusalem constitue la question clé. Parfois, il est question de restrictions de culte musulman à la mosquée Al-Aqsa, parfois de l’achat de plus de maisons encore par des associations de colons religieux. A la fin de la semaine dernière, il y a eu davantage d’informations sur des manifestations de musulmans contre les travaux sur la passerelle de Mougrabi et sur d’autres manifestations violentes au check point de Qalandiya, au nord de Jérusalem et au point de passage vers Bethléem au sud.

Dans les journaux, des photos montraient d’agiles jeunes hommes escaladant le mur (« raciste » dans la version palestinienne) de séparation et y agitant le drapeau palestinien.

Du point de vue palestinien, semble-t-il, le problème principal n’est pas la reconnaissance d’Israël, ni les colonies en Cisjordanie, ni la violence et le terrorisme, ni même le problème des réfugiés et du droit au retour. Le problème, c’est Jérusalem. Tout comme l’Etat d’Israël ne pourrait pas exister si le droit au retour des réfugiés devait s’exercer, on peut dire qu’un Etat palestinien ne pourrait pas exister sans Jérusalem Est pour capitale.

C’est dans ce contexte qu’il faut voir les protestations (musulmanes et palestiniennes en particulier) contre les travaux entrepris par les Israéliens sur la passerelle qui conduit à la porte Mougrabi (dite « des Maghrébins »). Il est exact que ces travaux ne touchent en aucune façon l’esplanade des Mosquées elle-même, que les Israéliens n’ont aucun plan pour menacer quoi que ce soit de sacré pour l’islam, et que ces manifestations exploitent la sensibilité autour des questions religieuses pour lancer des attaques contre le gouvernement israélien [La commission d’experts mandatée par l’UNESCO à l’invitation d’Israël pour examiner ces travaux, (dont nous annoncions l’arrivée : [) conclut, semble-t-il, que ces travaux ont été réalisés en toute transparence et qu’ils ne menacent en rien les lieux saints musulmans. Toutefois, le rapport indiquerait qu’Israël aurait dû consulter toutes les parties concernées avant toute excavation, en particulier l’UNESCO et le Waqf (fonds musulman qui administre les lieux saints). Il demanderait aussi à Israël de suspendre les excavations en cours pour permettre une inspection par des experts internationaux. Explication de ces conditionnels : le rapport officiel sera publié le 10 avril, et avant cette date, les experts de l’UNESCO se refusent à tout commentaire.
Voir aussi (spécial radotage) le début de l’affaire : [->https://www.lapaixmaintenant.org/article1520] avec en particulier une photo montrant la disposition des lieux et la passerelle effondrée (qualifiée à tort de « pont » dans la légende).]]. Cela a été le cas en 1996, lors de l’affaire du tunnel creusé sous le Mur des Lamentations, lors de la visite d’Ariel Sharon au Mont du Temple en septembre 2000, et cela a été encore le cas à l’occasion d’une longues série d’incidents où Israël a perturbé le statu quo à Jérusalem.

Toute acte défini par les porte-parole israéliens comme une mesure destinée à renforcer le contrôle par Israël de sa capitale est défini, par les Palestiniens et les Arabes en général, comme un effort supplémentaire de judaïser Jérusalem.

Les Palestiniens ont des raisons d’être sensibles à la question de Jérusalem, parce qu’ils sont en train de la perdre. Les travaux de construction des clôtures et murs de séparation autour de Jérusalem sont en voie d’achèvement. La raison invoquée pour cette séparation est la sécurité. Mais, alors qu’Israël affirme toujours qu’il ne s’agit pas d’une frontière politique, les installations qui contrôlent le passage de ces murs évoquent de plus en plus des points de passage frontaliers entre pays. A Betunia (Béthanie) et Qalandiya au nord, à Hizma et au Mont des Oliviers à l’est, à la Tombe de Rachel au sud, ces installations, de barrages routiers relativement primitifs, sont devenues de véritables terminaux modernes.

Les manifestations des Palestiniens sur la question de Jérusalem n’ont pas cessé, mais du point de vue israélien, elles sont devenues tolérables. Et il est possible d’affirmer, avec toute la prudence nécessaire, qu’il y a certains signes de coopération israélo-jordanienne sur Jérusalem. Dans le cadre de l’accord de paix entre les deux pays, Israël s’est engagé à donner à la Jordanie la priorité en tant que gardien des lieux saints musulmans de Jérusalem, et cet accord a été respecté. Les gouvernements israélien et jordanien font très attention à ne pas accorder à l’Autorité palestinienne des positions de pouvoir sur le contrôle d’Al-Aqsa, et ils travaillent également à saper l’influence du chef du Mouvement islamique en Israël, Sheikh Ra’ad Salah, qui tente de devenir le patron d’Al-Aqsa.

Le contrôle accentué d’Israël sur Jérusalem Est peut-il faire avancer le processus de paix? La réponse est non. Sans Jérusalem Est, aucun Etat palestinien ne verra le jour, et l’on pourra dire adieu au rêve de « deux Etats pour deux peuples ».