sur le site du Daily Star

Daily Star, 7 décembre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Alors que la progression vers une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien est dans l’impasse, une vieille idée refait surface dans certains cercles, celui d’un Etat binational pour les Israéliens et les Palestiniens. Cette idée a un certain nombre de variantes, mais pour l’essentiel, ses partisans appellent à abandonner l’idée de deux entités nationales distinctes. A la place, les Israéliens et les Palestiniens partageraient la terre située entre la Méditerranée et le Jourdain.

L’idée d’un Etat binational n’est pas nouvelle. Plusieurs intellectuels juifs de la Palestine mandataire, entre les deux guerres, avaient défendu cette solution, mais ils n’avaient que peu d’influence. A l’origine, l’OLP a défendu la création d’un Etat palestinien arabe et démocratique sur toute la Palestine mandataire, dont les Juifs seraient citoyens. En 1987, l’OLP et le Conseil national palestinien a adopté la solution de deux Etats, en réclamant la création d’un Etat palestinien sur tous les territoires occupés par Israël en 1967. Cela continue d’être la position de l’OLP et du président palestinien Mahmoud Abbas.

La nouvelle réapparition de l’idée binationale est essentiellement due à l’absence de progression vers une solution négociée à deux Etats, ainsi qu’à ce qui paraît être des faits acccomplis et irrévocables sur le terrain des Territoires occupés, qui éloignent la possibilité d’un Etat palestinien indépendant et viable.

Ce qui séduit dans l’idée binationale, c’est qu’elle paraît raisonnable en théorie. Les faits accomplis israéliens sur le terrain, les colonies, le contrôle des ressources vitales et l’appropriation de parties indispensables à un futur Etat palestinien, dont Jérusalem Est, par le moyen de la barrière de séparation, constituent de sérieuses menaces pour le concept de deux Etats. L’idée d' »un homme, une voix » est fondamentalement démocratique. La terre en question est petite, et dans une certaine mesure, les deux sociétés sont imbriquées l’une dans l’autre.

Mais, quelles que soient les bonnes intentions des partisans d’un Etat binational, leurs arguments pâtissent d’erreurs fatales. La première est que cette idée n’a aucun soutien sur le plan international. Aussi bien les Etats-Unis que l’Union européenne et la Ligue arabe soutiennent une solution à deux Etats. Plus important : la plupart des Palestiniens continuent à vouloir exprimer leurs aspirations nationales dans un Etat indépendant à eux, où ils ne seraient pas des citoyens de seconde zone.

Du côté israélien, l’idée binationale ne dispose d’aucun soutien. Pour supposer que les Juifs israéliens renonceraient de leur plein gré à l’idée d’un Etat juif, il faut ne rien comprendre au besoin existentiel des Juifs pour un Etat à eux, après des siècles de persécutions qui ont culminé avec la Shoah. Pour les Israéliens et les Juifs, un Etat binational signifie un Etat dans lequel ils seront en minorité, ce qui équivaut à leurs yeux à un appel à leur destruction.

Pour les Palestiniens, le danger qu’il y a à évoquer aujourd’hui la solution binationale est qu’il détourne dangereusement leurs énergies d’un objectif encore réalisable de deux Etats. Cela détruirait aussi des dizaines d’années de travail fourni en vue d’obtenir la reconnaissance internationale d’un Etat palestinien. Et les Palestiniens retourneraient à la case départ. L’hypothèse selon laquelle les Israéliens renonceraient de leur plein gré à un Etat juif étant irréaliste, l’idée binationale condamne les deux peuples à des décennies de conflit, à la poursuite d’un objectif irréalisable..

Et même si, miraculeusement, pareil Etat venait à naître, il est probable que les Palestiniens y formeraient une classe défavorisée. Pire, avec une histoire pleine de violences entre Juifs et Arabes, il est aisé de prédire que leur relation dégénèrerait en un conflit entre communautés.

Ce qu’il faut faire à présent, c’est se reconcentrer sur les efforts à accomplir pour surmonter les obstacles à une solution à deux Etats, dont les paramètres sont bien connus et acceptés par toutes les parties : un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967, avec sa capitale à Jérusalem Est, et un règlement négocié du problème des réfugiés. Concernant les colonies israéliennes sur le territoire palestinien occupé, bien qu’elles soient illégales au regard du droit international, il est également reconnu que certains blocs de colonies, qui représentent 4 à 5% de la Cisjordanie, pourraient être incorporées à l’Etat d’Israël dans le cadre d’un échange de territoires négocié et équitable. Le reste des colons retourneraient en Israël proprement dit. L’application du pouvoir politique peut séparer les colons des colonies et abattre des murs. Cela est possible parce qu’une majorité d’Israéliens se rend compte aujourd’hui que l’entreprise de colonisation a été un obstacle à la paix.

Le temps presse pour résoudre le conflit israélo-palestinien. C’est la raison pour laquelle Israéliens Palestiniens et Américains doivent conjuguer leurs efforts pour créer un Etat palestinien viable, ayant une continuité géographique, et qui vivrait en paix à côté de l’Etat d’Israël. Cet Etat est le seul moyen pour les Palestiniens de répondre à leurs aspirations nationales tout en répondant aussi aux besoins d’Israël en matière de sécurité et d’intégration au Moyen-Orient.

Il sera bien entendu difficile de parvenir à une solution à deux Etats, mais la remplacer par quelque chose de beaucoup moins réalisable encore n’est pas la réponse. L’alternative à deux Etats, c’est un conflit qui continuera et s’étendra encore, avec un réel danger de dégénérer en une guerre sainte entre juifs et musulmans. A la fin de ce conflit, il ne restera ni deux, ni un Etat.