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Haaretz, 4 novembre 2003
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
« Les gens d’ici ont perdu tout intérêt pour ce qui se passe autour d’eux. Personne n’explique à personne ce qui va arriver, et à quoi la situation ressemblera demain », dit Abou Znaid, un dirigeant du Fatah du camp de refugiés de Shuafat, au nord est de Jérusalem.
Comme d’autres dans le camp, Abou Znaid a observé cette semaine les métreurs
du ministère de la Defense marquer le tracé de la clôture de séparation au nord est de Jérusalem.
Selon différentes informations, cette partie de la clôture – comprenant les camps de refugiés de Shuafat et d’Anata, le quartier d’A-Salam, une partie du village d’Hizma, et plus au nord ouest, les quartiers de Dahiyat Albarid, A-Ram et Samiramis – sera terminée l’année prochaine.
La clôture va changer radicalement la vie de plus de 100.000 personnes vivant au nord est de Jerusalem. Quelque 70% d’entre elles ont des cartes d’identité bleues (israeliennes, ndt), propres aux résidents de Jerusalem Est, bien qu’elles ne soient pas citoyens israéliens. Le reste des habitants de ces quartiers sont Cisjordaniens.
Les planificateurs de la clôture ont investi beaucoup de réflexion et de créativité pour tracer une ligne tourmentée sans aucune logique urbaine, coupant les quartiers arabes et les camps de refugiés de leur vie à Jérusalem.
Une fois la clôture terminée, ils devront présenter leur carte d’identité à de nouveaux checkpoints pour rejoindre la ville, et leur statut même de residents de Jerusalem pourrait etre annule de facto par les décisions d’un futur gouvernement israélien.
En effet, les limites municipales de la ville vont être modifiées à cause de la clôture, et si un Palestinien habite en-dehors de la clôture (du côté palestinien, ndt),il est possible que son statut de résident de Jérusalem soit annulé.
Depuis trois ans, très peu de services municipaux, en dehors de l’èducation, ont ete assurés aux résidents de ces zones. Les fonctionnaires municipaux, Bezek (télécommunications), Mekorot (eau), et d’autres ministères n’y offrent plus aucun service.
Ces dernières semaines, certains fonctionnaires américains qui ont rencontré
les habitants ont passé des informations sur le tracé de la clôture, et certains fonctionnaires israéliens ont daigné donner quelques informations. Quelques décrets d’expropriation ont ete publiés.
Alors que les quartiers à population arabe ont été exclus de facto de la juridiction municipale de Jérusalem, de nouvelles terres ont été annexées à des quartiers juifs qui demeureront à l’intérieur des limites municipales, constituant ainsi des réserves en prévision de leur croissance naturelle. Ainsi, alors que Shuafat et Anata ont été désignés comme étant en dehors de la clôture, au nord de ces deux quartiers, des bandes de terres doivent être annexées à Pisgat Zeev et à Neve Yaakov.
En théorie, les 13.000 habitants de Shuafat pourront se rendre au centre de
Jérusalem, mais ce passage sera conditionnel dès que la clôture sera construite. Ils devront présenter une carte d’identité de Jérusalem et, de fait, la clôture donnera à tout fonctionnaire israélien la possibilité de dire que ces quartiers sont en dehors des limites de Jérusalem, et qu’en conséquence, aucun service n’a à être offert à un Arabe de Jérusalem vivant en dehors de la clôture. Un résident d’un camp met aujourd’hui environ 5 minutes pour se rendre a l’hôpital Hadassah, ou 10 pour rejoindre son travail dans la zone industrielle de Jérusalem Est. Il lui faudra bien plus de temps pour passer à travers les checkpoints, à condition encore que son permis de résidence ne lui soit pas retiré.
Environ 10.000 habitants de Shuafat ont des cartes d’identité de Jérusalem. D’autres sont en cours de réunification familiale, ce qui leur permettra d’obtenir ces cartes d’identité. Environ 4.000 habitants d’Anata sont dans la même situation.
Beaucoup n’ont pour tout moyen de subsistance que leurs allocations sociales, et depuis le debut de l’intifada, ils sont nombreux à avoir perdu leur emploi. Environ 60% des habitants d’Anata sont des réfugiés de la région de Hebron, le reste est originaire de l’intérieur de la Ligne verte. Ce camp est l’un des quartiers les plus pauvres de Jérusalem, et la clôture finira par le couper de la capitale.
Au nord de ce quartier se trouve Hizma, dont très peu d’habitants possèdent une carte d’identité bleue, et au nord d’Hizma se trouve une zone ouverte destinée à l’expansion de Neve Yaakov.
De fait, la clôture dans cette zone, avec son lien a Wadi Kelt à l’est, et Jéricho en contrebas, coupera le Nord de la Cisjordanie de sa partie Sud. Le passage du Nord au Sud ne sera possible qu’avec un permis israélien.
Un quartier qui va voir sa situation s’améliorer est Issawiye, entre la route Jérusalem-Maale Adumim au nord, la Colline Francaise a l’ouest et l’Université Hebraîque au sud. De larges portions de terre appartiennent a l’université, ce qui veut dire que la clôture ne coupera pas Issawiye de Jérusalem, Issawiye demeurant ainsi une partie de Jérusalem.
Pour Abou Znaid, le désespoir a Shuafat s’est transformé en une totale apathie envers l’avenir, car les habitants comprennent qu’ils ne peuvent rien faire pour arrêter la cloture. Ceux qui en ont les moyens achètent des terrains dans des quartiers qui, du moins jusqu’à présent, ne semblent pas menacés par la clôture, comme A-Tour, Wadi Joz, et les parties de Shouafat les plus proches de Jérusalem.
A., agent immobilier, dit que les prix dans ces quartiers ont augmenté de 50% ou davantage. Il cite un certain nombre de Palestiniens, connus pour leur lutte pour la cause palestinienne, qui ont commencé à acheter des biens dans des quartiers comme Beit Safafa, bien à l’intérieur de la partie juive de Jerusalem Est, où ils ne craindront pas de perdre leur statut de résidents de Jérusalem.