[Netanyahu doit adopter une approche tournée vers l’avenir pour négocier avec les Palestiniens, estime l’un des artisans des accords de Genève, le colonel de réserve Shaul Arieli dont les analyses font autorité en Israël dans les domaines diplomatique et économique.]
Les dirigeants sionistes qui pavèrent la voie de la fondation d’Israël se caractérisaient par une perspective privilégiant l’avenir sur le passé, sans nier pour autant l’importance du second. Ces hommes avaient une vision, mais ils étaient capables de distinguer entre ce qui pouvait et ce qui ne pouvait pas être fait. À l’inverse, les dirigeants arabes échouèrent en s’accrochant au passé, à l’époque où existait une majorité arabe en Palestine.
En 1918, David Ben-Gourion et Moshé Sharett basèrent leur demande d’un État pour le peuple juif sur les liens existant entre le peuple d’Israël et sa terre. Ils ajoutèrent, cependant, qu’une fois venu le moment de définir des frontières, il ne faudrait pas considérer la terre “simplement comme l’antique patrie des Juifs, mais aussi comme le pays juif futur”. Guidés par cette vision au long d’un violent conflit, ils surent promouvoir l’établissement d’un État démocratique à majorité juive sur 78% du territoire. À l’opposé, le mufti de Jérusalem proclama qu’il n’accepterait pas la partition de la petite Palestine [1] et entraîna son peuple dans les affres d’un avenir de réfugiés et une absence de définition qui lui fût propre.
À l’ère Netanyahu, les rôles semblent inversés. Le Premier ministre exige que nos droits et leur exercice se fondent sur le passé et use régulièrement d’une terminologie qui a perpétué le conflit. Dans le même temps, le président palestinien Mah’moud Abbas regarde devant lui et se penche sur les détails pratiques d’un accord avant que ceux-ci ne s’engluent dans la rhétorique forcée de chacune des parties. L’approche de Netanyahu nuit aux chances de succès d’une négociation.
De même que le sionisme s’oppose à une majorité arabe au sein d’un État démocratique ressortissant au peuple juif en rejetant le “droit au retour” des réfugiés, les Palestiniens ne sauraient reconnaître le caractère juif de l’État d’Israël avant la signature d’un accord. Ils interprètent les exigences de Netanyahu sur ce point comme la preuve que “les dirigeants israéliens, plutôt que rechercher la paix, veulent imposer leurs vision et perspectives idéologiques par des mesures telles que le nettoyage ethnique, la politique de colonisation et d’enfermement. Les déclarations officielles réclamant la reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif ont récemment proliféré, accompagnées de mesures et de lois dont la dernière est le serment de fidélité demandé aux citoyens non Juifs”.
Scrutant l’avenir, se peut-il que Netanyahu ne voie pas qu’une majorité arabe émergeant en Israël constitue pour l’identité et le caractère juifs d’Israël une menace authentique, bien plus sérieuse que le fait de concéder la Judée et la Samarie [2], berceaux du peuple juif ? Ne croit-il pas que la mise en œuvre du droit historique du peuple juif à partager le pays soit préférable à l’exercice d’un contrôle sur des millions de Palestiniens privés de droits civils, contrôle qui fait peser une grave menace sur l’avenir démocratique d’Israël et son statut de membre de la communauté internationale ?
Ne voit-il pas qu’il pousse Abbas, menacé par le H’amas et ses patrons iraniens, dans les bras compréhensifs et grands ouverts de la Ligue Arabe, laquelle inclut la Syrie et le Liban, deux pays qui aspirent au retour en leur sein du plateau du Golan et à l’expulsion des réfugiés hors de leurs frontières ? Ne voit-il pas combien les Palestiniens sont coude à coude avec la communauté internationale, une communauté dont les résolutions concernant Israël sont moins modérées que les exigences des Palestiniens eux-mêmes ?
Du fait de la différence de définition de l’historique du conflit entre ses protagonistes – la catastrophe de la Nakba ou une renaissance – les accords ne peuvent se construire sur le passé. Les deux parties devraient se concentrer sur des arrangements tournés vers l’avenir et en rapport avec les aspirations clef de chacune d’elles, suivant les lignes esquissées à Annapolis et à Genève. Seule une approche ainsi tournée vers l’avenir leur permettra de signer un accord contenant des formules telles que la fin du conflit et celle des exigences historiques.
NOTES
[1] Née du démantèlement de l’Empire ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale et détachée de la Transjordanie, la petite Palestine s’étend du Jourdain à la Méditerranée, couvrant la Cisjordanie et Israël.
[2] La Cisjordanie du sud et du nord, respectivement.