The Forward, 19 janvier 2007
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
L’Arabie saoudite redouble d’efforts pour faire de son initiative de paix (fondée sur un retrait rapide d’Israël sur les frontières de 1967 et la création tout aussi rapide d’un Etat palestinien) l’un des fondements de la politique étrangère américaine.
D’après certaines sources américaines et arabes à Washington, les Saoudiens pressent les Américains de jouer un rôle plus actif pour tenter de résoudre le conflit israélo-palestinien. Un diplomate a dit que cette poussée des Saoudiens reflétait le sentiment chez les dirigeants du royaume que les efforts actuels des Etats-Unis n’étaient d’aucune utilité et qu’ils n’apporteraient pas une conclusion rapide au conflit.
Dans le même temps, selon ces sources, certains membres de l’administration américaine pensent que si les Etats-Unis adoptaient le plan saoudien, cela renforcerait le soutien de Riyad à la position américaine envers l’Irak et l’Iran. Cette semaine, les Saoudiens ont évoqué cette question lors de la visite de Condoleezza Rice à Riyad. Et la semaine dernière, l’ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, le prince Turki al-Fayçal, a défendu ce plan lors d’une réunion avec les dirigeants du mouvement de gauche Americans for Peace Now. Fin 2006, les Saoudiens avaient également envoyé le même message au vice-président Dick Cheney et à des sénateurs américains en visite dans la région.
Outre leurs tentatives de s’assurer le soutien des Israéliens et des Américains, les dirigeants saoudiens ont promis aux Palestiniens qu’ils bénéficieraient d’un large soutien arabe sur un accord définitif avec Israël.
D’après ces mêmes sources, Riyad pense qu’il existe une conjonction de facteurs qui fait que, cette fois-ci, Washington serait prête à accepter le plan saoudien. Les Saoudiens parient en particulier sur le besoin des Américains de gagner le soutien des régimes sunnites modérés sur le front irakien, et celui des Etats du Golfe pour isoler l’Iran, ainsi que sur une nouvelle ouverture d’esprit des Israéliens vis-à-vis de leur plan.
« Nous espérons que les Israéliens changeront d’avis. Nous attendons qu’ils considèrent le plan d’une manière positive », dit Jamal Kashoggi, éditorialiste de la presse saoudienne et conseiller de l’ambassadeur saoudien à Washington. « Avec tout ce qui se dit en ce moment à Washington sur la nécessité de relancer le processus de paix, et avec les recommandations du Groupe d’étude sur l’Irak (« Baker-Hamilton »), tout le monde comprend aujourd’hui la nécessité de résoudre ce problème. »
D’après Kashoggi, les Saoudiens sont aujourd’hui en position de contribuer au processus : « Si nous, les Saoudiens et les Egyptiens, laissons la chose aux Palestiniens et aux Israéliens, il n’y aura jamais de paix. C’est la raison pour laquelle il faut que les Etats-Unis exercent une pression sur leur allié israélien, et que nous exercions la nôtre sur nos alliés palestiniens. » Pour Kashoggi, le message saoudien envoyé à Washington est que Riyad ne souhaite pas s’embarrasser de détails : « Nous disons aux Américains que le processus a tué la paix », dit-il, affirmant que, puisque les principes d’un accord de paix futur sont connus pour l’essentiel, il n’y a aucun besoin d’une approche par étapes, comme celle de la Feuille de route.
Toutefois, lors de sa visite dans la région Condoleezza Rice a fait savoir clairement que les Etats-Unis croyaient encore à la méthode des petits pas. Après avoir entendu les Palestiniens dire qu’ils rejetaient la voie d’un Etat palestinien avec des frontières provisoires; Rice est arrivée à convaincre Olmert et Abbas de se joindre à elle pour un sommet à trois le mois prochain. A Riyad, à la fin de sa tournée, Rice a promis au ministre saoudien des affaires étrangères Saoud al-Fayçal que ce sommet signalait une nouvelle phase dans les efforts de paix américains. Des sources diplomatiques à Washington ont dit cette semaine que lors de ce prochain sommet avec Olmert et Abbas, Rice tenterait de créer un « horizon politique » pour les Palestiniens, ce qui comprendrait la promesse d’un Etat au bout du processus.
Entre temps, les Saoudiens concentrent leurs efforts à convaincre le Hamas d’accepter les exigences de la communauté internationale : reconnaître Israël, renoncer au terrorisme et accepter les accords précédents signés avec Israël. (…) Ces appels des Saoudiens à la modération ont jusqu’à présent été rejetés par le Hamas.
Dans une interview téléphonique depuis Paris, Henry Siegman, analyste politique et ancien président du Congrès juif américain, qui a contribué à faire connaître le plan de paix saoudien, dit que les dirigeants de Riyad ont aujourd’hui le sentiment qu’ils ont beaucoup à offrir dans la perspective d’un accord de paix israélo-palestinien : « Les Saoudiens peuvent stimuler le côté palestinien, de telle sorte que les Palestiniens seraient encouragés à faire les compromis nécessaires. Sur la question territoriale, par exemple, ils pousseront les Palestiniens à accepter des arrangements raisonnables concernant les blocs de colonies juives, avec des échanges de territoires équivalents. Les Saoudiens promettront que si les Palestiniens agissent ainsi, ils auront le soutien du monde arabe sur ces compromis. »
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Le plan saoudien appelle à la reconnaissance pleine et entière d’Israël et à une normalisation de ses relations avec le monde arabe en échange d’un retrait d’Israël sur les frontières de 1967, avec des modifications mineures de frontières. La version adoptée par la Ligue arabe appelle également à la solution du problème des réfugiés sur la base de la résolution 194 des Nations Unies, résolution à laquelle Israël est fermement opposé, car elle ouvrirait la porte à des millions de Palestiniens qui s’installeraient en Israël proprement dit [dans les frontières de 1967, ndt]. Ariel Sharon, alors premier ministre, avait rejeté l’initiative saoudienne lorsqu’elle avait été dévoilée, mais Olmert, lors d’un discours le 27 novembre 2006, avait donné un premier signe que la position israélienne était en train de changer : « Les voix qui proviennent de ces Etats qui considèrent qu’il est nécessaire de reconnaître et de normaliser les relations avec l’Etat d’Israël – y compris, par exemple, certaines parties de l’initiative saoudienne – sont positives, et je compte faire des efforts pour favoriser les liens avec ces Etats et renforcer leur soutien à des négociations directes et bilatérales entre nous et les Palestiniens. »
D’après certaines informations parues dans la presse israélienne, Olmert a aussi rencontré secrètement le prince Bandar bin Sultan, conseiller pour la sécurité du roi Abdallah d’Arabie saoudite et ancien ambassadeur aux Etats-Unis [probablement à Amman, ndt].
Après la déclaration d’Olmert, la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni a, elle aussi, évoqué la possibilité de faire du plan saoudien une base de discussion. Tous les représentants israéliens ont souligné qu’il était nécessaire d’effectuer des modifications de ce plan, en particulier sur les questions liées au droit au retour des réfugiés palestiniens.
Pour Henry Siegman , du côté palestinien, « la question des réfugiés doit faire partie de la négociation une fois que le processus aura commencé. » Mais il a ajouté que la Ligue arabe refuserait que les discussions s’ouvrent sur une position telle qu’elle est définie dans une lettre adressée par Bush à Sharon en 2003, qui disait que la question devait être résolue par l’installation de tous les réfugiés dans les territoires [le futur Etat palestinien]. »