Un groupe d’Israeliens et de Palestiniens signataires de la declaration de
principe elaboree par Sari Nusseibeh et Ami Ayalon devait s’envoler demain
matin pour Athenes. Le ministere grec des Affaires etrangeres avait termine
les preparatifs pour la premiere session d’un conseil public autour de la
declaration : des hommes et des femmes qui soutenaient le professeur
palestinien et le general israelien.
Le ministre grec des Affaires etrangeres, Yurgos Papandreou, accompagne
l’inititiative Nusseibeh-Ayalon depuis un certain temps. Il y a quelques mois, il invita les deux hommes pour une modeste ceremonie de signature. Bill Clinton, dont le plan proposant une paix entre deux Etats ayant chacun Jerusalem pour capitale, et un droit au retour des refugies en Palestine uniquement, avait servi de base a l’accord Nusseibeh-Ayalon, etait egalement invite.
Hier, les Grecs ont appris qu’il devaient annuler les reservations des
chambres d’hotel.
Car jusqu’a la nuit derniere, le coordinateur du gouvernement charge des
territoires n’avait pas encore remis les autorisations de sortie du territoire aux Palestiniens, permis demandes il y a 15 jours.
Un porte-parole du coordinateur, Ofir Hacham, a confirme que les autorisations de sortie n’avaient pas ete delivrees, et qu’il avait ete informe de l’annulation de la conference. Hacham a dit que si une nouvelle demande etait deposee, elle serait etudiee par les voies ordinaires.
Ces interdictions de quitter le territoire seront probablement percues a Athenes de la meme maniere que les Britanniques ont percu la decision du gouvernement israelien d’interdire aux representants de l’Autorite palestinienne d’assister a la « conference des reformes » de Londres. Elles contribueront aussi de la meme maniere aux relations entre Israel et l’Europe. Depuis debut janvier, la Grece preside l’Union europeenne. Fin janvier, Papandreou doit se rendre au Moyen-Orient, a la tete d’une delegation europeenne, pour tenter de contrer l’assaut du president Bush contre l’Irak. En fevrier, il est attendu en Israel, l’une des etapes d’une tournee regionale qu’il entend effectuer.
Si l’affaire de Londres a constitue une gifle a l’Europe, celle d’Athenes
sera une gifle sur l’autre joue. Dans les milieux proches du Quartette, on
dit que Tony Blair aurait mis son prestige dans la balance au service de la
« feuille de route ». Personne n’a verse une larme sur les echanges
aigres-doux entre Blair et Sharon. On s’attend a ce que Blair regle ses
comptes lors d’une rencontre avec Bush le 31 janvier, a la Maison Blanche.
A Bruxelles, a Moscou, et dans les bureaux des Nations-Unies de Washington,
il se dit, a moitie serieusement, que pour prouver son independance, Blair
va mettre la pression sur Sharon.
Si les Britanniques exigent de Sharon qu’il mette sur son bureau la feuille
de route, sans autres atermoiements, cela fournira a Blair l’occasion de
montrer ses muscles aux Americains, et l’aidera a contrer la critique
interieure qui s’eleve contre sa dependance face a un leader americain
ultra-conservateur.
Sharon attend de Bush qu’il soutienne totalement l’exigence d’srael que la
feuille de route ne soit etudiee qu’apres la formation d’un gouvernement en
Israel, et qu’elle tienne compte de changements importants apportes par le
Premier ministre israelien.
Judeo-nazis
Meme les gauchistes les plus radicaux ressentaient un malaise quand le
professeur Yeshayahou Leibowitz traitait les colons de « judeo-nazis ». Moins
de 30 ans plus tard, ses mots sont devenus realite avec un graffiti sur un
mur de l’enclave juive de Hebron. Il y a quelques semaines, le photographe
Shabtai Gold a trouve et photographie la phrase ecrite sur un mur de
l’enclave : « les Arabes au crematoire », a cote d’une etoile de David.
Depuis, quelqu’un a efface l’inscription terrible. Non loin de la, sur un
autre mur, quelqu’un a ecrit : « Arabes = sous-hommes ».
Ce genre de graffiti fait flores dans les rues de Jerusalem. Des militants
de gauche se sont rendu compte que ces insultes demeuraient longtemps sur
les murs, alors, pour accelerer l’action de la ville contre les graffitis,
ils ont trouve une solution glacante mais efficace : ils y ajoutent une
croix gammee.
Comme dans chaque cas ou l’on tente de lier des phenomenes locaux a la
shoah, la publication dans ces colonnes, le 31 decembre dernier, d’extraits
d’une petition initiee par des survivants de la shoah a provoque les
protestations d’organisations de survivants. Mais la photo de Hebron ne fait
qu’amplifier le message de la petition, dont le texte complet parait dans
l’edition d’Haaretz d’aujourd’hui. La phrase « les lecons de la shoah doivent
etre un code culturel pour l’education aux valeurs humanistes, a la
democratie, aux droits de l’homme, a la tolerance et contre le racisme et
les ideologies totalitaires » acquiert une signification supplementaire a la
lumiere de la lettre envoyee par Y., un conscrit en poste depuis cinq mois a
Hebron :
« Je veux que je vous ayez connaissance d’une des premieres experiences que
j’ai vecues a Hebron, pendant la deuxieme semaine de mon service dans la
ville », ecrit-il. « Alors que je montais la garde devant la soukka (cabane
provisoire montee pendant la fete juive de Soukkot, ndt), rue David
Hamelekh, pres de la place Gross, deux enfants arabes sont sortis de la
casbah. Sept fideles qui se trouvaient a l’interieur de la soukka se sont
jetes sur eux, et mes camarades et moi avons du les separer. La melee a
dure, et nous avons tous recu des coups de poing dans la figure et ailleurs
de la part des colons, qui par ailleurs hurlaient et nous insultaient. Ceux
qui ont ete le plus victimes de violences et d’injures ont ete les policiers
en faction dans la ville. Les cibles principales des colons etaient les
Druzes et les Bedouins, ainsi que les volontaires de la Presence
Internationale a Hebron. J’ai du intervenir un nombre incalculable de fois
pour m’interposer entre eux et les colons. » Les violences, le vandalisme et
les injures racistes ne representent qu’une goutte d’eau par rapport a ce
que les Arabes de Hebron subissent quotidiennement. Ces actions ont fait de
nous, les combattants, non plus une force chargee de proteger les Juifs des
assaillants arabes, mais une force qui protege les Arabes des Juifs. J’ai
souvent entendu des colons se plaindre que nous les empechions de battre des
Arabes, de penetrer dans leurs magasins et de se livrer au vandalisme.
Ainsi, disent-ils, nous ne protegeons pas les interets juifs a Hebron. Et
moi, pauvre nnocent, qui croyais que ma tache etait de faire respecter la
loi israelienne dans la ville. »