Il n’est pas anormal que les élections en Israël focalisent l’attention mais il importe cependant de ne pas occulter d’autres questions non moins essentielles.
Un rapport démographique établi par un organisme proche des colons, publié il y a quelques jours, apporte ainsi des précisions d’autant plus intéressantes sur le développement de la population juive dans les territoires occupés qu’elles correspondent à celles publiées par Shalom Akhshav il y a quelques semaines.
Baruch Gordon, directeur du West Bank Jewish Population Stats, établit que la croissance de la population juive en Cisjordanie a été de 3,3% au cours de l’année écoulée, passant de 435.159 personnes à 449.508 au 1er janvier. Cette progression est supérieure à celle de la population israélienne totale qui, selon le Bureau des statistiques, n’a été que de 1,9%.
Cette progression ne bénéficie pas qu’aux grandes colonies, elle toucherait également les colonies isolées. Les auteurs de l’étude expliquent cette progression par des raisons internes et externes. Tout d’abord deux tiers des colons, estime-t-on, seraient religieux et auraient tendance à vivre dans des familles nombreuses. D’autre part, le faible coût du logement par rapport à celui en vigueur en deçà de la ligne verte attirerait des familles jeunes qui n’ont pas les moyens d’acquérir un appartement en Israël même.
L’auteur de l’étude note par ailleurs que l’administration Trump a modifié le climat et désormais, le développement des implantations se heurterait à moins de difficultés et opposition : »la voie a été dégagée pour un pic de constructions dans les années à venir« .
Le ministère de l’Intérieur n’a pas confirmé ces données, qui ne concernent pas les quelque 200 000 Israéliens vivant à Jérusalem-Est, mais elles lui apparaissent plausibles. Il convient de remarquer que ce rapport est sponsorisé par Bet El Institution qui a été présidée par David Friedman, actuel ambassadeur des États-Unis à Jérusalem et qui a compté parmi ses donateurs Jared Kushner, haut conseiller et gendre du président américain.
On sait que non seulement la colonisation rogne les terres et, en fragmentant la continuité des territoires, menace de rendre impossible la création d’un État palestinien. Baruch Gordon confirme cette « accusation » lorsqu’il déclare « Ceux qui continuent de parler de solution à deux États ont perdu le sens de la réalité et des faits sur le terrain« .
La question des implantations n’est pas actuellement, loin s’en faut, au cœur de la campagne électorale – celle ci n’en est qu’à ses prémisses – mais on notera que très récemment, après avoir rejoint Benny Gantz, Moshe Yaalon a déclaré que « les Israéliens ont le droit de s’établir sur toute la terre d’Israël« . Sans rapport, une déclaration du mouvement Nahala, signée par plusieurs ministres, demande « la construction sans limitation dans les blocs et la création de nouvelles localités en Judée Samarie« , l’objectif étant de parvenir à une population juive de deux millions de personnes.
Benny Gantz quant à lui vient d’évoquer un possible retrait de secteurs de Cisjordanie, sans précision aucune, déclarant, à propos du retrait du Gush Katif en 2005, « qu’il fallait en tirer les leçons et les appliquer dans d’autres endroits ». Il a reçu une volée de bois vert de la part de la droite, ce qui laisse présager de la virulence des réactions auxquelles il faudra s’attendre quand cette question, fondamentale pour le devenir d’Israël, sera abordée, une fois les listes constituées et la guerre des egos dépassée.
Nous serons aux côtés de ceux que guident tant la raison que l’attachement à Israël en conformité à sa déclaration d’Indépendance, ce qui passe par une solution à deux États, plus difficile mais encore, pour l’instant, possible.
Ilan Rozenkier
7 février 2019