La dissolution de la Knesset nouvellement élue et l’annonce de nouvelles élections le 17 septembre ont montré une fois de plus combien ce qui était assuré hier devient incertain demain.
Au moment de l’annonce de la tenue des élections du 9 avril 2019, la victoire de B. Netanyahu semblait assurée haut la main. Nombre de commentateurs vantaient alors son génie politique et insistaient sur l’absence d’alternative. Deux mois plus tard, une alternative plausible avait émergé et, si les élections ont été gagnées démocratiquement par Netanyahu, ce fut dans un mouchoir de poche.
La formation du gouvernement ne devait être qu’une formalité, certes un peu compliquée compte tenu des » cadeaux » qu’il conviendrait de consentir aux multiples partenaires, mais l’issue des négociations ne faisait aucun doute: il y aurait bien un gouvernement. Et puis un grain de sable est apparu. Personne ne l’avait vu venir. Ce grain de sable est devenu rocher et a fini par tout faire exploser.
Plutôt que de se soumettre, poussé par un instinct hors du commun de survie politique, Netanyahu a accompli un coup de force sinon légitime, du moins non illégal. En poussant la Knesset à se faire hara-kiri, il a réussi à contourner le Président de l’État, Reuven Rivlin, qui n’a pu confier la constitution du gouvernement à un autre leader comme la règle, sinon le texte, l’aurait voulu. Il est probable que ce postulant n’aurait pu y parvenir mais… on ne le saura jamais. Ce que l’on sait en revanche, c’est que Netanyahu ne recule devant rien pour que sa fragilité juridique ne se concrétise en une obligation de se retirer du pouvoir et de redevenir un justiciable comme les autres.
Ces élections du 17 septembre seront-elles un coup d’épée dans l’eau? Une simple répétition de ce qui a été ou bien l’amorce d’un changement et d’une transition vers une nouvelle ère post-Netanyahu? Il est encore trop tôt pour le savoir. Il est évident que celui-ci fera tout ce qui est en son pouvoir – et même un peu plus encore – pour que cela n’arrive pas. Il s’est déjà assuré que le Likud serait à sa botte: » Le Likud n’existe plus, il y a [seulement] le parti Netanyahu « , a affirmé récemment Limor Livnat, ancienne ministre Likud, qui sait de quoi elle parle.
Netanyahu saura, on peut lui faire confiance, mobiliser ses soutiens internationaux et mettre en avant les succès diplomatiques dont il peut se prévaloir. Mais ce qui conditionne la possibilité d’un changement dépend à nos yeux de deux séries de facteurs, les uns internes, les autres externes.
Tout d’abord de la capacité de l’opposition à crédibiliser l’alternative qu’elle souhaite représenter. Les résultats des élections, y compris l’importance de l’abstention, démontrent l’ampleur de la crise des partis d’opposition traditionnels et l’impasse à laquelle conduit la non-prise en compte de la population arabe dans le jeu politique. Outre un approfondissement programmatique indispensable, l’offre institutionnelle devra évoluer significativement pour conquérir les électeurs. On parle certes de cette restructuration de l’opposition mais de multiples interrogations demeurent. La solidité du parti Bleu-Blanc résistera-t-elle au foisonnement des egos et au flou des positions ? Quid du rapprochement du Parti travailliste et du Meretz? Une liste commune arabe se reconstituera-t-elle ? Autant de questions qui restent encore, à ce stade, sans réponses claires, sans parler de la recomposition de la droite qui elle aussi est à l’ordre du jour. En témoigne la récente fusion du Likud et de Koulanou.
D’autres facteurs, externes cette fois, seront non moins déterminants. Quelle position les Palestiniens vont-ils adopter ? Joueront-ils le jeu de Netanyahu en réchauffant tant le sud du pays que la Cisjordanie ? Que des ballons incendiaires et des roquettes tombent sur les localités proches de Gaza, et ce sont quelques milliers de votes supplémentaires pour la droite, des missiles sur le centre du pays et voilà des dizaines de milliers de voix dans l’escarcelle de Netanyahu. Les Palestiniens, tant le Hamas que l’AP, sont aussi, qu’on le veuille ou non, acteurs des élections à venir.
Le contexte géo-politique régional est également pertinent. Syrie, Liban… autant de facteurs qui échappent aux acteurs israéliens et qui pour autant pèseront sur les résultats.
Vladimir Poutine influencera aussi le paysage électoral en fonction des règles qu’il imposera à Bachar el-Assad et Hassan Rohani.
Ainsi donc, rien n’est joué d’avance. Plutôt que de se perdre à ce stade en vaines conjectures, il nous incombe d’exprimer nos attentes et de confirmer notre soutien à ceux qui se préparent à mener une fois de plus un combat difficile pour Israël. Pour qu’Israël, État juif, demeure démocratique et agisse résolument afin qu’advienne une solution politique reconnaissant aux Palestiniens le droit à leur État sans pour autant mettre en danger sa propre existence.
Ilan Rozenkier
10 juin 2019