La semaine derniere, quand la coalition d’unite nationale s’est effondree,
nous avons dit : adieu et bon debarras. Cette semaine, avec la demission du
gouvernement et l’annonce d’elections anticipees, nous pouvons le repeter,
encore plus fort. Sharon pense peut-etre avoir realise un coup brillant, qui
mettra Bibi sur la touche et lui permettra de revenir au pouvoir encore plus
fort. L’ennui, c’est que les choses ne marchent pas toujours comme on le
pense. Dans les memes circonstances, Rabin et Peres, par exemple, ont perdu
leur poste au lieu de se renforcer. Avec des elections anticipees, on sait
comment ca commence, mais on ne sait jamais comment ca finit.
Les previsions selon lesquelles le Likoud va remporter les elections et
provoquer un raz de maree, comme le montrent les sondages, ne sont pas Torah
du Sinai. En 1981, les sondages predisaient que le gouvernement Begin
perdrait les elections, et Begin remporta une victoire impressionnante. En
1984, tout le monde disait que Peres gagnerait sans probleme, a cause de
l’inflation et de la guerre au Liban (« Un leader est ne », criait le
quotidien Maariv), mais le resultat fut un ex aequo et un gouvernement
Shamir de rotation. En 1992, tout le monde disait que Shamir gagnerait, mais
Rabin remporta la victoire. En 1996, apres l’assassinat de Rabin, il etait
clair que Peres l’emporterait largement, mais ce fut Bibi qui arriva en
tete. L’un apres l’autre, Bibi et Barak provoquerent des elections
anticipees, et tous les deux les perdirent. Sharon joue la ruse, mais
l’homme est un foireux qui essaie de sauver sa peau.
A la lecture des previsions qui parlent d’un doublement de la force du
Likoud, des frissons traversent notre moelle epiniere. Netanyahou et Sharon
ont passe ensemble cinq ans au pouvoir. Pendant cette periode, le pays est
alle a vau-l’eau. Aucun des deux ne s’est montre capable de resoudre nos
problemes dans leur complexite. Difficile de digerer que 54 ans apres la
naissance de l’Etat, les hautes spheres de l’armee parlent encore d’un
« danger pour (son) existence ». En cinq ans, tous les deux ont eloigne toute
perspective d’un accord de paix.
Pendant les 20 mois qu’il a passes a son poste, Sharon a institue un cycle
mortel terreur-represailles- terreur-represailles. Son administration a
renforce la haine et la violence, et a fait du suicide une pratique admise,
motivee bien plus par le nationalisme que par la promesse de 72 vierges
attendant au paradis. Sharon, avec sa mentalite de commandant de bataillon
parachutiste, a prouve que les initiatives politiques le depassaient. Ce
type n’est meme pas capable de demanteler une cabane ou une tente dans une
colonie sauvage. L’homme qui a promis la paix et la securite a fait de notre
securite un jeu de roulette russe.
La deterioration de la securite n’a fait que renforcer la crise economique.
Le mal fait aux salaires et aux emplois est quasiment comparable a celui
cause par les ceintures d’explosifs. Quelle que soit la maniere dont on
considere les choses, Sharon, comme Bibi, est un echec colossal, dont la
place n’est plus a celle du conducteur.
Au cours de sa collaboration bien embarrassante au sein du gouvernement
d’unite nationale, le Parti travailliste n’a rien fait d’autre que de servir
de feuille de vigne a l’administration Sharon. En faisant cela, il a
brouille ses differences avec le Likoud, et contribue a faire du Likoud un
puissant aimant pour l’electeur perdu (avec l’aide genereuse d’Arafat).
Les sondages montrent que les gens rejoignent le Likoud en masse. Mais les
memes sondages montrent aussi que la majorite de l’opinion est en faveur de
concessions et du demantelement de colonies, des mesures indispensables si
l’on veut stopper la crise economique. Les electeurs potentiels du Parti
travailliste existent, mais le parti doit leur dire la verite. Il doit leur
offrir une alternative a la voie choisie par le Likoud. Le Likoud se deguise
en un parti centriste epris de paix, et le Parti travailliste fait de son
mieux pour l’imiter. Mais au royaume du bluff, le Likoud est roi.
Aux prochaines elections, nous voterons de nouveau pour des partis, et non
pour des individus. Les options du Likoud sont claires : Sharon ou Bibi,
avec la meme approche agressive et sans concession, qui dit : sang, sueur et
larmes. C’est le Parti travailliste qui doit se dresser contre lui. Et
l’homme de la situation n’est pas Fouad (Ben-Eliezer) mais Amram Mitzna : il
n’est pas vraiment glamour, il n’est par vraiment rompu aux vieux trucs
politiciens, mais il a un programme, dont il n’a pas honte. Ce qu’il
propose, ce n’est pas un Likoud bis, mais une alternative claire : un accord
avec les Palestiniens, et en cas d’absence de partenaire, une separation
unilaterale entre les deux peuples.
Le fait que Mitzna mene dans les sondages (concernant les primaires
travaillistes, ndt) prouve que le Parti travailliste dispose encore de gens
qui veulent retrouver leur indentite politique, des gens qui en ont assez
d’etre a la traine du Likoud, des gens qui veulent une alternative. Le temps
du bluff est termine.