Né de la volonté de promouvoir la paix au Proche-Orient, le mouvement JCall renouvelle, dans une tribune au «Monde», son «Appel à la raison» auquel La Paix Maintenant s’associe.
Tribune parue le 18 mars 2024 dans «Le Monde» (daté du 19 mars)
En avril 2010, nous fondions JCall, un mouvement d’opinion se voulant au-dessus des clivages partisans et dont l’ambition était de «rassembler les citoyens juifs européens et les amis d’Israël qui aspirent à une paix au Proche-Orient reposant sur un accord entre Israéliens et Palestiniens, selon le principe “deux peuples, deux États”».
Dans son texte fondateur, que nous avions intitulé «Appel à la raison»*, nous écrivions que l’occupation et la poursuite des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem-Est mettaient en péril la pérennité du projet sioniste – et que l’État juif et démocratique que les Pères fondateurs avaient su créer, et qui avait résisté depuis à toutes les vicissitudes de l’histoire, ne survivrait pas à l’alternative sinistre de la guerre civile et de l’apartheid. Des milliers d’hommes et de femmes de bonne volonté ont signé cet appel, et treize personnalités ont apporté leur contribution à une brochure qui a servi de manifeste au mouvement (Les Raisons d’un appel, Liana Levi, 2011)**.
Quatorze ans plus tard, force est de constater que rien n’a changé, sinon en pire. A peine formé à la fin de l’année 2022, le sixième gouvernement Nétanyahou, le plus extrémiste de l’histoire de l’État juif, a tenté un coup d’État judiciaire destiné à liquider la démocratie libérale israélienne au profit d’un régime d’autocratie élective. Cette «réforme» a mis le pays au bord de la guerre civile et a gravement affecté ses capacités de défense. Cependant, sur le volet palestinien, les accords de coalition affirment le droit exclusif du peuple juif à l’autodétermination sur l’ensemble du territoire compris entre le Jourdain et la Méditerranée.
A cette fin, la responsabilité sur les territoires occupés fut enlevée à l’armée, pouvoir reconnu par le droit international, et transférée aux autorités civiles, sous la férule des représentants des colons au sein du gouvernement. La double fiction d’une occupation «temporaire» et du «processus de paix» ainsi éliminée, à l’absence supposée d’un partenaire pour la paix s’est ouvertement substitué le décret divin.
C’est sur cette toile de fond qu’est survenu l’assaut barbare du 7 octobre. Ce pogrom inouï, la guerre contre le Hamas, l’hécatombe de civils et la dévastation de la bande de Gaza qui se sont ensuivi justifient les pires craintes que l’«Appel à la raison» entendait conjurer. Il est plus que jamais évident que le salut d’Israël passe par un règlement raisonnable de la question palestinienne, à savoir la solution à deux États. Comme souvent dans l’histoire, des tragédies les plus effroyables naissent les solutions les plus audacieuses.
Nous relançons donc notre «Appel à la raison». Il est adressé à tous ceux, juifs et non juifs, qui ont à cœur le salut des deux peuples qui se partagent ce bout de terre de la Méditerranée orientale; à tous ceux qui contemplent avec effroi la dégradation politique et morale dans laquelle la coalition au pouvoir entraîne Israël, les périls qui l’assaillent aux frontières, l’opprobre international dont il est l’objet; à tous ceux qui n’ont pas perdu la foi en un avenir meilleur, ni l’exercice de leur raison pour y parvenir.
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Signataires: Elie Barnavi, historien, ancien ambassadeur d’Israël en France; David Chemla, secrétaire général européen de JCall; Daniel Cohn-Bendit, ancien député européen; David Meyer, rabbin; Pierre Nora, historien, membre de l’Académie française; Henry Rousso, directeur de recherche émérite au CNRS, président de la mission de préfiguration au Musée-mémorial du terrorisme; Dominique Schnapper, sociologue, ancienne membre du Conseil constitutionnel; Anne Sinclair, journaliste; Alain Rozenkier, président de La Paix maintenant; Meïr Waintrater, président de JCall France.