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Ha’aretz, 8 mai 2005
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
La nouvelle excuse qu’Israël invoque pour retarder l’application de la Feuille de route est difficile à comprendre. A première vue, la position est logique et raisonnable, et contenue dans les termes de la Feuille de route : la confiscation des armes illégales et la guerre contre « les infrastructures du terrorisme ». En réalité, il s’agit d’une vague condition, qui fonctionne parfaitement en tant qu’obstacle pouvant être déployé à volonté pour bloquer tout processus diplomatique.
D’après la Feuille de route, plan publié en Israël en avril 2003, les Palestiniens doivent « entamer » la confiscation d’armes illégales et non, comme le prétend Israël, aller au terme du processus de confiscation. De plus, il s’agit de l’une des deux conditions stipulées dans le cadre de la guerre contre les infrastructures du terrorisme, la condition principale étant une déclaration de cessez-le-feu sans équivoque et la consolidation de l’autorité de l’Autorité palestinienne en matière de sécurité. La première a été remplie, et la deuxième est en train d’être mise en œuvre.
En parallèle, Israël est requis de stopper ses attaques contre les civils et les démolitions de maisons, et, en particulier, de geler toute construction dans les colonies. Israël ne remplit pas ces conditions, ni ses engagements pris lors du sommet de Sharm al-Sheikh. La construction se poursuit au même rythme dans les colonies, et Tsahal continue à cibler des Palestiniens recherchés dans les territoires.
C’est vrai, nous vivons une « période critique », où Israël est sur le point d’effectuer son désengagement, et où tout est donc pardonné. En réalité, le « tout est pardonné » était déjà vrai avant qu’Israël ait été confronté au désengagement. Mais aujourd’hui, alors que nous avons commencé à ne plus paniquer à chaque fois qu’un véhicule pétarade, qu’il est possible de circuler derrière un bus sans avoir à se dépêcher de le dépasser, que davantage de gens sont tués dans des night-clubs que dans les territoires, et que le Hamas est occupé à compter ses bulletins de vote avec en vue les élections législatives dans deux mois, Israël, une fois de plus, appuie sur le bouton qui bloque le processus de paix.
La condition, cette fois, c’est : « confisquez d’abord les armes, et alors seulement nous vous transférerons le contrôle des villes [de Cisjordanie]. »
Quel rapport? Le transfert des villes à l’Autorité palestinienne est-il un prix pour bonne conduite, ou est-ce de l’intérêt d’Israël qui libérerait ainsi ses forces et aiderait les Palestiniens à stabiliser l’Autorité palestinienne? Le contrôle de ces villes par Israël y a-t-il facilité la confiscation des armes illégales et le démantèlement de l’infrastructure terroriste? Si les réponses avaient été affirmatives, l’Autorité palestinienne ne pourrait rien faire de toute manière. Mais puisqu’elles sont négatives, et que le contrôle par Israël (bien qu’empêchant de nombreux attentats) n’a pu ni empêcher la création de cette infrastructure terroriste, ni éliminer les livraisons d’armes, on peut donner une chance aux Palestiniens de gérer leurs problèmes dans des conditions optimales, c’est-à-dire en contrôlant leurs villes, de façon directe et exclusive.
Il existe une autre raison qui explique que le transfert des villes ait été retardé. Ce transfert pourrait être perçu comme un autre retrait israélien. Or, combien de retraits une opinion publique israélienne divisée peut-elle supporter à la fois? Mais là n’est pas non plus l’essentiel. Le transfert du contrôle des villes est susceptible d’être interprété comme une preuve que les Palestiniens ont de fait rempli leurs obligations stipulées dans la Feuille de route et que c’est aujourd’hui au tour d’Israël de geler la colonisation, d’aider à la création d’un Etat palestinien et de commencer à discuter de retrait de Cisjordanie.
Or, c’est la phase que le gouvernement (et en particulier Ariel Sharon) craint le plus. Après tout, c’est lui qui est l’auteur de l’équation qui affirme que le désengagement de Gaza permettrait à Israël de maintenir sous son contrôle davantage de portions de Cisjordanie. Si Sharon transfère le contrôle des villes aux Palestiniens, il devra expliquer, en particulier aux Américains, pourquoi il ne continue pas à remplir ses engagements prévus dans le cadre de la Feuille de route.
En conséquence, il est préférable d’attendre, de retarder, de bloquer, et ce même au prix de quelques attentats terroristes, ou peut-être de l’effondrement du cessez-le-feu, ou de la chute de Mahmoud Abbas, pourvu que la Feuille de route demeure une carte muette. Pour ce faire, la tactique utilisée est d’exiger la confiscation des armes. Il est intéressant de noter que les Américains, qui ont accordé une large autorité au gouvernement irakien sans conditions préalables et se sont tant vantés de la formation d’un nouveau gouvernement en Afghanistan (qui n’a d’ailleurs pas réussi à confisquer les armes), tombent dans le panneau de cette manœuvre dilatoire.