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Bitterlemons, 2 janvier 2006

Trad : Gérard pour La Paix Maintenant


Avec les élections législatives palestiniennes maintenant très proches, et avec la trêve qui avait été décidée au Caire et qui prend fin en ce début d’année, le paysage politique palestinien et les relations israélo-palestiniennes se retrouvent caractérisés par l’incertitude.

Le Fatah, parti au pouvoir, qui domine l’Autorité palestinienne et qui, par ailleurs, représente le camp de la paix, apparaît sérieusement divisé sur plusieurs problèmes, dont celui de savoir s’il faut, oui ou non, organiser les élections à la date prévue. Il y a trois raisons qui expliquent cette hésitation.

1. Le Fatah a connu des conflits concernant ceux d’entre ses rangs qui allaient le représenter aux élections, phénomène dû en partie à la structure  » floue  » du parti en termes d’appartenance formelle de ses membres, ce qui a fait des primaires un moyen inefficace de choisir une liste de candidats appropriée.

2. Les leaders du Fatah craignent les résultats des élections, et de manière générale, manquent de confiance en eux. Les sondages successifs attestent du fait que, pour la première fois, le Fatah est confronté à une concurrence sérieuse, et les récentes élections locales qui se sont déroulées dans un certain nombre de villes importantes ont prouvé la force impressionnante dont dispose actuellement le Hamas.

3. Les mesures israéliennes bloquent les efforts pour organiser des élections libres et équitables. Ces mesures comprennent les restrictions en matière d’inscriptions sur les listes électorales, celles concernant le fait de se présenter et de faire campagne à Jérusalem Est, et les restrictions de circulation des candidats et des militants entre les différentes parties du territoire palestinien, en particulier entre Gaza et la Cisjordanie, ainsi qu’en Cisjordanie elle-même.

Ceux qui défendent l’idée du report des élections à une date ultérieure le font pour au moins l’une des raisons citées plus haut. Mais certains des éléments ayant intérêt à ce que les élections soient repoussées semblent également inciter à la violence intra-palestinienne, et s’en servir comme d’une raison supplémentaire qui militerait contre la tenue des élections à la date prévue.

Cette tendance au report des élections palestiniennes a été encouragée, directement ou indirectement, par une récente escalade israélienne, escalade qui, à son tour, paraît influencée par les prochaines élections israéliennes. Depuis le récent bouleversement politique en Israël qui a conduit à des élections anticipées en mars prochain, la violence militaire israélienne contre les Palestiniens a augmenté, avec son cortège d’incursions en Cisjordanie, d’arrestations spectaculaires accompagnées souvent de morts, et de bombardements de nuit sur des cibles à Gaza. Accélération également du rythme de l’expansion des colonies, alors que les restrictions de déplacement imposées aux Palestiniens sont devenues plus sévères.

Cette escalade consiste également à ne pas appliquer les nouvelles obligations auxquelles Israël s’était engagé dans le cadre des accords sur les passages de frontière à Gaza. Depuis l’ouverture du passage frontalier de Rafah, deux dates butoirs n’ont pas été respectées par Israël : la première est l’application, qui devait prendre effet au 15 décembre, de l’accord qui permettait la circulation de convois de passagers entre la Cisjordanie et Gaza. La seconde est l’accord qui prévoyait d’augmenter jusqu’à 150 le nombre de containers autorisés à passer par le passage de Karni. Cet accord aurait dû prendre effet le 1er janvier. Ces dates butoirs n’ont pas été respectées, et ce délibérément et sans raison valable.

De plus, les hommes politiques israéliens font monter leur rhétorique, sans aucun doute pour flatter un électorat dont ils pensent qu’il réagira positivement à des positions plus extrêmes et plus dures à l’égard du côté palestinien.

Cette année écoulée, nous avons assisté à des développements importants du côté palestinien, qui ont mené à une reprise des négociations et à la création d’une atmosphère pacifique, dont le moindre signe n’a pas été l’élection de Mahmoud Abbas et son engagement public sur le principe de négociations politiques en tant que solution du problème. Sa réussite la plus notable a été de parvenir à un cessez-le-feu et à le faire respecter, par des efforts en termes de diplomatie et de sécurité, cessez-le-feu qui a considérablement réduit le niveau des violences et, par voie de conséquence, le nombre des victimes des deux côtés.

Cependant, ces développements n’ont été ni encouragés par Israël, ni suffisamment soutenus par la communauté internationale. Cela a fait le jeu des éléments des deux côtés dont l’intérêt est que l’affrontement se perpétue, et c’était prévisible.

Les Palestiniens n’ont pas d’autre choix que d’aller aux élections. Sans ces élections, l’Autorité palestinienne manquera de légitimité, intérieure ou internationale, et il y aura une augmentation du désordre et de la violence intérieure. Il se peut que cela soit dans l’intérêt de certains cercles israéliens, mais cela n’est de l’intérêt de personne d’autre. Pour aller aux élections, l’Autorité palestinienne et le camp de la paix en Palestine ont besoin d’être encouragés par les éléments qui disposent d’une certaine influence, en Palestine elle-même comme autour de la Palestine.

Des deux côtés, le dénominateur commun du moment est que les politiques intérieures mènent à l’escalade sur le plan extérieur. Cela peut se révéler très dangereux.

Nous vivons une époque cruciale et délicate, qui exigent de la part de la communauté internationale une attention soutenue, en particulier du Quartette. Il nous faudrait de nouveau le genre de diplomatie américaine que nous avons connue à l’occasion de l’accord conclu sur les passages frontaliers de Gaza.