Les élections sont derrière nous. Les résultats, provisoires à ce stade, laissent présager d’une victoire du bloc d’extrême droite. La confirmation tombera jeudi sans doute. Ce ne sera que le début de la « vraie » partie : celle de la formation de la coalition qui réserve sans doute bien des surprises. Une des pires serait la formation par Netanyahu d’un gouvernement dont il serait certes le chef mais dont la colonne vertébrale serait celle de Itamar Ben Gvir et des Sionistes religieux qui, par rapport aux élections de mars 2021 et, selon les sondages à la sortie des urnes, auraient remporté huit ou neuf sièges supplémentaires.
Ce doublement des sièges ne se s’est pas fait au détriment du Likud, du Shas ou du Judaïsme unifié de la Torah, qui semblent tous avoir conservé leurs sièges. Ben-Gvir a réussi à ramener des électeurs qui n’avaient pas voté auparavant, contribuant ainsi à l’augmentation du taux de participation national (+6 % par rapport aux élections précédentes il y a 19 mois). Il serait également parvenu à attirer un nombre important d’électeurs qui avaient voté antérieurement pour les partis de droite anti-Netanyahu.
Ce golem, créé par Netanyahu, risque d’être l’homme fort d’un gouvernement à venir qui serait le plus à droite qu’ait connu Israël depuis sa création. Alors qu’Itamar Ben Gvir est disposé à exiger une loi qui permettra l’annulation du procès pour corruption de Benyamin Netanyahu, on voit mal comment Bibi pourrait s’en passer à moins que des partis de l’ancienne « coalition du changement » acceptent, au nom d’un intérêt national mal compris, de franchir le Rubicon avec armes, bagages… et principes.
Nous nous garderons bien de prévoir l’imprévisible mais il est clair que des jours difficiles attendent ceux qui restent attachés à Israël en tant qu’État juif ET démocratique et se battent pour que cet équilibre instable et difficile soit préservé coûte que coûte. Il nous faudra trouver le moyen et les formes de maintenir simultanément un attachement inébranlable au droit à l’existence de cet État et nous opposer fermement à une politique qui, niant les droits des opposants, des minorités, des Palestiniens, risquerait de provoquer un isolement international dommageable à Israël et aux Juifs de par le monde. Nous verrons peut-être à l’avenir des ministres israéliens persona non grata dans des pays démocratiques et amis, à l’instar d’Israël en son temps qui, fin octobre 2006, avait fait savoir qu’il refusait de recevoir une délégation d’euro-députés au motif que Marine Le Pen en faisait partie. « Nous avons dit à l’UE que si la délégation comprenait des dirigeants de partis racistes ou des négationnistes de la Shoah, elle ne serait pas reçue par nos dirigeants » avait alors déclaré le porte-parole de la représentation israélienne auprès de l’UE.
Rien dans la campagne menée par la droite ne semble justifier un abandon de l’opposition à Netanyahu.
Ses partisans affirment souvent que l’agenda des opposants se résume à « juste pas Bibi ». Comme si l’opposition à Netanyahu était purement personnelle, et n’avait aucune substance ! Il n’en est rien. S’opposer à Bibi, c’est s’opposer au projet de colonisation qu’il promeut, à sa politique économique d’un marché apparemment libre qui s’appuie sur les entreprises et les magnats, c’est préférer l’approche d’un État-providence qui fournit des services aux citoyens, contient l’accroissement des inégalités et assure une protection contre la pauvreté. S’opposer à Netanyahu, c’est vouloir préserver l’indépendance de la justice et de la Cour suprême sans récuser pour autant les améliorations possibles et nécessaires. En fait, cette instance est formaliste et plutôt conservatrice, comme le montre par exemple sa décision unanime selon laquelle Netanyahu peut être candidat aux élections malgré le procès qui est mené contre lui.
Ce n’est ni le moment ni le lieu de procéder à une analyse des résultats, encore provisoires, alors qu’on ne sait toujours pas combien de partis arabes seront présent à la Knesset, ou bien si le Meretz va réussir à franchir le seuil d’éligibilité, autant d’éléments qui peuvent se traduire par une égalité entre les blocs ou bien par une victoire « à l’arraché » du bloc de la droite. Il sera temps et nécessaire de s’interroger sur le renforcement de la droitisation des Juifs israéliens et sur l’affaiblissement politique des Arabes israéliens.
Il est clair en tout cas que les extrémistes palestiniens ont voté Bibi. Les attentats contre les civils et les attaques contre les soldats israéliens qui ont précédé les élections ont favorisé les partisans de ceux qui expriment des positions soi disant sécuritaires et affaibli ceux qui prônent une solution politique.
De tout cela, et d’autres choses encore, il sera question lors du zoom post-électoral que nous organisons en collaboration avec JCall le lundi 7 novembre avec la participation de Denis Charbit et Michaël Blum.
Le pire est-il devant nous? Le probable n’est pas certain… et le pire n’est pas éternel.
Ilan Rozenkier
Légende de l’illustration de Shuki Aloni : Vous vouliez le messie? Vous en avez deux, sur un seul âne!
Mis en ligne le 2 novembre 2022