Sur le site d’Haaretz


Enfin, dans cette campagne electorale, un homme politique a su s’elever et nous dire la verite en face. Oui, nous devons sortir de Gaza, et, oui, nous devons en revenir aux negociations avec les Palestiniens sur la creation d’un Etat a eux, et, oui, les budgets consacres aux colonies doivent etre reaffectes pour traiter les problemes sociaux.

Ma generation a ete mobilisee juste avant la premiere intifada. Les enfants
que nous poursuivions alors avec des cannes, dans les allees de Jabalya et
de la casbah de Naplouse, sont devenus aujourd’hui les hommes les plus
recherches, du Hamas et des Brigades des Martys d’Al-Aqsa. Parfois, quand je
repense aux debuts de cette intifada, j’ai l’impression qu’il s’agissait de jouer au chat et a la souris, et que si seulement nous pouvions leur mettre la main dessus et leur donner une bonne fessee, il seraient rentres chez eux faire leurs devoirs.

Mais leurs regards sont devenus de moins en moins apeures, et de plus en
plus haineux, annee apres annee, et l’impression de pouvoir que nous avions
derriere nos fusils s’est peu a peu estompee. En tant que conscrit, j’ai servi pendant trois mois sur le toit d’une famille d’un des quartiers de Naplouse. Les petits enfants tremblaient de peur quand nous passions dans les rues, et nous avions l’habitude de battre les plus ages, au cas ou. Cette semaine, j’ai lu que les parachutistes ne font meme plus attention aux pierres qu’ils recoivent. Car il s’agit d’une diversion, avant la bombe, ou le tir au fusil. Aujourd’hui, les enfants lancent des cocktails Molotov et des grenades faites maison, et se moquent ouvertement des ordres des couvre-feu de Tsahal.

A cette epoque, le service dans les territoires etait une punition. Nous voulions tous etre la ou etait la vraie action, au Liban. Quand nous sommes arrives dans les territoires, nous avons du ravaler notre frustration et faire un peu de grabuge, juste pour ne pas nous ennuyer. J’ai vu alors un tas de choses dont j’ai honte aujourd’hui. J’ai vu des femmes crier quand nous penetrions dans leurs maisons en pleine nuit et que nous mettions un bandeau sur les yeux de leurs maris ou de leurs fils. J’ai vu des petites filles continuer a dormir sur un matelas pose par terre, alors que nous mettions leur maison sens dessus dessous, a la recherche d’un homme. J’ai vu des soldats brutaliser quelqu’un sans raison, et j’ai vu la haine monter, a cause des humiliations aux checkpoints. J’ai aussi vu des ouvriers se lever a 3h du matin pour arriver aux checkpoints a l’heure, et des gens m’offrir
du cafe ou une boisson fraiche alors que je fouillais leur maison.

Selon mes calculs, en tant que conscrit pendant la premiere intifada, et jusqu’a l’operation Rempart, en tant que reserviste, j’ai passe pratiquement
deux ans dans les terriroires. Pendant mon service de reserve, j’ai garde
plusieurs dizaines d’avant-postes et de colonies, accompagne des autobus et
servi aux checkpoints. Souvent, les colons me reservaient un accueil
chaleureux, mais parfois, ils s’opposaient a moi alors que je tentais de les
defendre. J’ai fini par comprendre que les colons, comme nous tous, sont
heterogenes, quelques-uns sont tres ideologiques et se sentent comme les
maitres de la terre, et refusent d’elever une cloture, alors que d’autres
sont la a cause de circonstances economiques, et traitent l’armee comme nous
traitons un agent de securite dans un centre commercial.

J’ai souvent effectue mon service dans des avant-postes ou des colonies ou
il y avait davantage de soldats que de colons. J’ai souvent ete effare des
sommes investies dans des routes qui servent a quelques dizaines de gens, et
dans des maisons construites par le ministere du Logement, alors qu’il n’y a
personne pour les habiter.

Ma generation a depasse les 30 ans, elle a des enfants, des prets immobiliers, et la plupart sont plutot indifferents a la politique. Cette generation merite qu’on lui dise la verite. Chaque jour supplementaire que nous passons a Gaza est inutile et entraine des victimes inutiles. (Quelqu’un se souvient-il des arguments tordus contre le retrait du Liban?).
Nous devons revenir a la negociation avec les Palestiniens, parce que sinon,
ce seront le Hamas et le Jihad islamique qui donneront le ton, et la haine fera disparaitre le peu de Palestiniens qui restent pour croire encore a la paix. Nous devons reaffecter les budgets la ou ils sont vraiment necessaires, pour traiter la pauvrete et le chomage.

Tous ceux qui ont servi dans les territoires en tant que combattants comprennent la frustration et la colere qu’il y a a combattre dans une zone ou se trouve une population civile, dont la haine grandit de jour en jour. Au fil des annees, chez moi aussi, la haine a grandi. Il a fallu que moi, qui pense que les colonies de Netzarim, Hebron et Rafah sont inutiles, aie du les proteger pendant de longues journees. Jusqu’a aujourd’hui, je croyais que mes opinions politiques devaient etre separees de mon statut de combattant et d’officier. J’etais oppose au phenomene des refuzniks, et je le suis toujours, meme si je suis d’accord avec nombre de leurs arguments.

Mais je ne suis plus d’accord pour faire une separation entre mes opinions
et le fait que je sers un mois par an dans les territoires. Le moment est venu de reconnaitre la verite, et de ne plus nous contenter de vagues promesses de concessions douloureuses, ou de paroiles sur l’eradication des nids de terroristes. Il est de notre devoir, en tant que reservistes, fatigues de ces promesses insensees a propos de notre soi-disant capacite a utiliser la force pour soumettre les Palestiniens, de nous lever et de dire ce a quoi nous croyons.