Ha’aretz, 1er novembre 2008
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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
On pourrait penser que c’est Gerald Ford (dont on disait qu’il était incapable de marcher et de mâcher un chewing-gum en même temps) qui mène au score à la présidentielle américaine. Sinon, comment expliquer pourquoi la gauche craint (et que la droite espère) que Barack Obama (ou peut-être John McCain) soit à ce point plongé jusqu’au cou dans la crise économique pendant des mois qu’il ne puisse pas se tremper dans le bourbier du Moyen-Orient. Pendant ce temps, le Likoud aura constitué un gouvernement du refus, ou peut-être d’unité nationale, c’est-à-dire un gouvernement de la paralysie. L’AIPAC fera en sorte qu’Obama n’embête pas Netanyahou (ou peut-être, après tout, sera-ce Livni) sur des broutilles comme Jérusalem et les colonies de Cisjordanie. Et Sion aura son sauveur.
Or, les soins intensifs dont a besoin le conflit israélo-arabe ne sont pas nécessairement contradictoires avec le sauvetage de l’économie. En fait, la stabilité politique de cette région sensible pourrait contribuer à apaiser les marchés. Et la décision de repousser à des jours meilleurs le traitement de la crise régionale fait le jeu des éléments qui exploiteront la stagnation pour s’assurer que les jours à venir seront encore pires. « Notre » conflit ressemble à une voiture dont l’arbre de transmission n’offre que les options marche avant ou arrière. Car nos dirigeants nous enseigné, après tout, qu’une trêve permet aux mouvements terroristes de s’organiser et s’armer en prévision du prochain round.
Dans le jeu à somme nulle entre le Fatah et le Hamas, tout arrêt des pourparlers diplomatiques avant la fin de l’occupation renforce ceux qui sont en faveur de l’alternative de la violence armée. Une décision du président américain de rester à l’écart finira de décrédibiliser les partisans d’une solution à deux Etats.
Le slogan d’Obama, « Nous avons besoin de changement », convient aussi à la politique américaine au Moyen-Orient. Le nouveau menu attend depuis décembre 2006 un président américain qui saura tirer les leçons de « l’axe du Mal » et de la « démocratisation du Moyen-Orient ». Cela apparaît en détail dans le rapport remis au Congrès et à l’actuel président par James Baker (ancien secrétaire d’Etat et chef de cabinet de Bush père) et Lee Hamilton (président de la commission des Affaires étrangères du Congrès, pour les Démocrates). L’équipe d’experts qu’ils ont dirigée montre un lien direct entre le conflit israélo-arabe et d’autres problèmes au Moyen-Orient, comme les relations avec les régimes iranien et syrien. Les Etats-Unis ne peuvent atteindre leurs objectifs au Moyen-Orient sans s’occuper directement du conflit israélo-arabe, affirment-ils. Ils recommandent de créer un cadre régional pour soutenir la stabilisation en Irak, qui comprendrait les pays arabes voisins. Autre recommandation : que les Etats-Unis trouvent un moyen d’entamer un dialogue avec la Syrie, et même avec l’Iran, à cause de leur statut de pays frontalier de l’Irak.
Obama trouvera à sa disposition un outil très important pour appliquer le changement demandé : le président palestinien Mahmoud Abbas a raconté qu’après s’être fait expliquer l’initiative de paix arabe de 2002 [Voir par exemple (parmi de nombreux articles consacrés à cette initiative) : [Les cinq années perdues du processus de paix : ]], Obama a dit que c’était pure folie de la part d’Israël d’avoir manqué cette occasion. De fait, il est difficile d’imaginer un événement qui pourrait plus isoler l’Iran et mettre le Hamas dans l’embarras qu’un accord de paix régional et deux ambassades américaines à Jérusalem, l’une à l’ouest pour Israël, l’autre à l’est pour la Palestine. Récemment, cette initiative arabe a trouvé des échos favorables chez des personnalités de premier plan en Israël, dont le président et au sein des dirigeants de Kadima et des travaillistes. Mais elle n’attendra pas éternellement un partenaire israélien.
Le changement doit aussi s’incarner dans la composition de l’équipe américaine chargée de formuler les accords de paix d’une manière qui insiste sur les anciens engagements. Le recyclage de conseillers comme Dennis Ross reviendrait à refaire la même chose. Son collaborateur, Aaron Miller, a écrit dans son dernier ouvrage que Ross se plaignait de ce que les Israéliens le percevaient comme l’avocat des Palestiniens. D’après Miller, aucun des fonctionnaires américains ayant eu affaire aux négociations n’a jamais été désireux, ni capable, de présenter le point de vue palestinien, ni encore moins de le défendre.
Le nouveau président prendra ses fonctions peu avant que les citoyens israéliens n’aillent aux urnes. Ils ont le droit de savoir à quelle politique moyen-orientale leur nouveau premier ministre aura affaire quand il (ou elle) ira à la Maison-Blanche. Cela les aidera à choisir la direction du changement qu’ils veulent voir chez eux.