Ha’aretz, 30 janvier 2010
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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
« Votre situation n’est pas bonne », disait récemment un diplomate
européen haut placé. « Personne ne croit Bibi [Netanyahou] et nous ne
voulons rien avoir à faire avec [Avigdor] Lieberman. Seul un acte
spectaculaire et étonnant comme le désengagement d’Ariel Sharon [de Gaza],
est susceptible de modifier la donne. »
Quelques heures plus tard, le magazine Time publiait une interview du
président Obama, où il exprimait sa déception à l’égard de la mauvaise
volonté affichée par Israël de faire des « gestes courageux » envers les
Palestiniens.
Dans un discours lors d’une conférence, il y a peu, un diplomate israélien
en poste dans une capitale européenne reprenait la ligne usée d’Israël en
termes de relations publiques en faisant la différence entre « la seule
démocratie du Moyen-Orient » et les régimes dictatoriaux de ses voisins. « Nous partageons des valeurs communes », disait le diplomate aux Européens.
A sa grande surprise, un membre de l’auditoire se leva et rétorqua : « Quelles valeurs communes ? Nous n’avons rien de commun avec vous. »
Au cours de conversations entre diplomates, les Européens se montrent
critiques envers Israël à cause du blocus sur Gaza, de la construction de
colonies juives, des démolitions de maisons à Jérusalem Est, du dégoût
qu’inspire le gouvernement de droite et même de la fracture sociale et de
la manière dont Israël est en train de s’écarter du modèle européen d’Etat
providence.
Dans les médias étrangers, le gouvernement Netanyahou – Lieberman est
presque toujours dépeint comme « dur ». Ce n’est pas entièrement justifié.
Le gouvernement Olmert – Livni a fait la guerre au Liban et à Gaza, et
construit pour les Juifs des milliers d’appartements à Jérusalem Est et
dans les blocs de colonies en Cisjordanie – bien davantage que Netanyahou,
qui s’est abstenu d’employer la force militaire et a déclaré un gel de 10
mois de la construction dans les colonies. Mais les médias étrangers
aimaient le gouvernement Kadima, parce qu’Olmert et Livni disaient ce
qu’il fallait sur leur désir de paix et un accord final, alors qu’ils ne
croient pas Netanyahou quand il évoque « deux Etats pour deux peuples ».
Qu’Olmert et Livni ne soient parvenus à rien dans les négociations ne
change rien. Ce sont les intentions qui comptent.
Netanyahou et ses collaborateurs ont des réponses à opposer aux
accusations contre Israël. La responsabilité pour le blocus de Gaza repose
entièrement sur les Palestiniens, qui ont choisi le Hamas pour les
gouverner et kidnappé Gilad Shalit. « Vous vous souciez des droits de
l’homme pour 1,5 millions de Palestiniens à Gaza. Vous devriez vous
soucier du sort d’un seul Israélien retenu prisonnier là-bas », ont dit
des proches de Netanyahou à des représentants des Nations unies.
A Jérusalem Est, le gouvernement se réfugie derrière le maire Nir Barkat
et les organismes chargés de la planification et de la construction, qui
ont approuvé les plans de construction pour les Juifs et les démolitions
pour les Palestiniens. Quant à la stagnation de la diplomatie, le
responsable est Mahmoud Abbas, qui refuse de reprendre les négociations.
Mais il y a juste un petit problème : le monde ne marche plus aux
explications d’Israël, et n’est pas non plus disposé à condamner
l’entêtement des Palestiniens. Obama a partagé entre les deux côtés la
responsabilité de la stagnation, tout en en endossant une partie pour
lui-même (« nous avons suscité des espoirs ».
L’appel de l’émissaire aux membres du quartet pour qu’ils poussent Abbas à
retourner à la table des négociations est demeuré sans réponse. Cette
semaine, Mitchell a effectué encore une visite frustrante dans la région,
sans aucun résultat.
L’approche d’Obama (« parquer » le processus diplomatique pour manque de
résultats et se focaliser sur les sujets intérieurs) n’a pas surpris
Netanyahou. Il y a trois mois, un haut responsable israélien disait que
l’administration Obama remettrait probablement la question
israélo-palestinienne à son second mandat. Il expliquait : « Aujourd’hui,
ils sont affaiblis, ils ont le chômage et la crise économique,
l’Afghanistan, le Pakistan, l’Irak, et ils ne s’en sortent pas. Ils n’ont
pas la force nécessaire pour parvenir à un accord. Entre temps, les choses
continueront comme avant. »
Les Américains comptent sur une reprise des négociations dans les six
mois. L’important est qu’il y ait des négociations et c’est tout. Ils
n’espèrent rien de plus.
Un scénario dérangeant
L’Autorité palestinienne est en train de mener une campagne afin d’isoler
Israël, campagne fondée sur le rapport Goldstone st sur la haine
qu’inspire le gouvernement Netanyahou. Les politologues Shaul Mishal et
Doron Mazza la nomment « l’Intifada blanche », destinée à mobiliser le
soutien international à une déclaration unilatérale d’indépendance en
Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem Est.
Dans un document distribué cette semaine, ils préviennent Israël contre
l’inaction et présentent un scénario dérangeant : les Palestiniens
déclarent leur indépendance, Israël refuse de reconnaître la Palestine et
fait face à un boycott. Qu’il cède ou réagisse par la force, Israël ne
peut pas gagner, et perdra également tout contrôle sur le processus. Les
deux universitaires recommandent dont un acte diplomatique préemptif.
Car l’isolement diplomatique peut coûter cher. Dans ses mémoires, Gideon
Rafael, ancien chef de cabinet du Ministère des Affaires étrangères,
écrivait qu’en été 1973, il sentait que le blocage diplomatique, qui
apparaissait alors comme une évidence, sinon comme une situation
souhaitable, pouvait devenir un « piège mortel ».
L’ancien président égyptien Sadate avait coupé Israël de ses amis dans le
Tiers monde, proposé aux Américains une initiative de paix qui fut
rejetée. C’est alors qu’il formula l’exigence du retour du Sinaï [à
l’Egypte] au Conseil de sécurité des Nations unies et batailla contre le
veto américain.
Dans son livre Destination Peace: Three decades of Israeli Foreign
Policy, a Personal Memoir (publié en anglais par Littlehampton Book
Services, 1981), Gideon Rafael écrit qu’Israël s’est réjoui du veto sans
se rendre compte que la fermeture de la porte diplomatique ne laissait à
l’Egypte qu’une seule option : la guerre.
Dans les prochaines semaines, il semble qu’Israël compte demander encore
une fois aux Etats-Unis d’opposer son veto au Conseil de sécurité, afin
d’enterrer le rapport Goldstone. Netanyahou a prévu une quatrième
rencontre avec Obama, concernant la conférence sur la sécurité nucléaire à
Washington le 12 avril prochain, et peut-être même avant. L’ordre du jour
tournera autour de l’Iran – ou « le nouvel Amalek », comme l’a nommé
Netanyahou à Auschwitz mercredi dernier. La question est de savoir si
Netanyahou, en même temps qu’il demandera à Obama d’agir contre l’Iran, va
aussi lui dire qu’en échange, Israël prendra une quelconque initiative
vis-à-vis des Palestiniens. Cela serait de sa part une tentative de
persuader le monde de le croire et d’améliorer la situation diplomatique
d’Israël, dont l’isolement va s’amplifiant.