sur le site du Jerusalem Post

Jerusalem Post, 17 juillet 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


A l’exception des Palestiniens, le monde arabe paraît uni pour faire porter à l’Iran et à la Syrie la responsabilité des combats au Liban. Jusqu’à la semaine dernière, les analystes politiques arabes et les représentants des différents gouvernements hésitaient à critiquer ouvertement le Hezbollah. Aujourd’hui, une coalition anti-Hezbollah est en train d’émerger, non seulement au Liban, mais aussi dans plusieurs Etats arabes.

Les Palestiniens et le Hezbollah ont le sentiment qu’une fois de plus, leurs frères arabes leur ont tourné le dos. Lundi dernier, des centaines de Palestiniens qui marchaient dans les rues de Ramallah pour soutenir le Hezbollah chantaient : « Hassan Nasrallah est notre héros, le reste des dirigeants arabes sont des lâches », et « O Abou Hadi adoré (surnom de Nasrallah), bombarde, bombarde Tel-Aviv ». Ce dernier cri de guerre rappelle le slogan célèbre utilisé par les Palestiniens pendant la première guerre du Golfe : « O Saddam adoré, bombarde, bombarde Tel-Aviv. »

Le Hezbollah et ses partisans espéraient que l’opération militaire massive des Israéliens au Liban susciterait des protestations de masse dans tout le monde arabe, qui créeraient une instabilité et menaceraient certains régimes arabes.

Mais la réaction de la rue arabe a été si décevante pour le Hezbollah que ses dirigeants parlent maintenant ouvertement d’un « complot » arabe pour liquider l’organisation chiite. Les quelques partisans du Hezbollah à Ramallah, dans la bande de Gaza et dans certaines capitales arabes dirigent donc leurs critiques contre les présidents et despotes arabes qu’ils accusent de servir les intérêts américains et israéliens.

Cette coalition anti-Hezbollah, qui semble grossir à mesure que les missiles israéliens tombent sur les QG du Hezbollah, est emmenée par l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Jordanie. Ces trois pays, ainsi que de nombreux commentateurs et analystes politiques arabes, sont convaincus que les dirigeants de Téhéran et de Damas se servent du Hezbollah pour détourner l’attention du programme nucléaire iranien et de l’implication de la Syrie dans l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri.

Les Saoudiens ont été les premiers à critiquer ouvertement le Hezbollah, et ont ouvert la voie à d’autres pays arabes. Le message de ces pays est que les Arabes et les musulmans ne peuvent pas permettre la région de se laisser entraîner dans une guerre par une organisation aussi aventuriste et irresponsable que le Hezbollah. Ni les différents représentants officiels, ni les éditorialistes et commentateurs arabes d’envergure n’ont montré de sympathie pour le Hezbollah sur les télévisions pan-arabes comme Al-Jazira.

La position saoudienne, qui a surpris le Hezbollah, a été exprimée par un représentant anonyme, qui a dit qu’il fallait faire la distinction entre la résistance légitime et l’aventurisme de certains partis.

La position saoudienne reflète celle de tous les pays du Golfe, qui sont mécontents non seulement du Hezbollah, mais aussi du Hamas. Pour les pays du Golfe, le Hezbollah et le Hamas agissent sous les ordres de Téhéran et de Damas.

C’est la raison pour laquelle la plupart des gouvernements arabes font peu d’efforts pour résoudre la crise actuelle. Comme l’a expliqué un officiel du Golfe : « Nous ne pouvons agir en médiateurs à la demande de certaines parties qui agissent sans tenir compte des conséquences de leurs actes ». Des sentiments similaires se sont exprimés dans une série d’articles parus dans la presse arabe ces derniers jours. Certains de ces articles auraient pu être écrits par des porte-parole du gouvernement israélien ! Constatons d’ailleurs avec ironie que maintenant que le Hezbollah et le Hamas sont sur la défensive, de nombreux Arabes n’hésitent plus à s’exprimer publiquement contre ces deux groupes.

Wadi Batti, éditorialiste irakien, écrit que les Arabes doivent se rendre compte que les milices et les gangsters ne leur feront que du tort : « L’exemple libanais confirme les craintes des Arabes concernant la présence de milices armées qui menacent notre stabilité et notre sécurité ». « En prenant l’initiative d’une confrontation avec Israël, le Hezbollah s’est moqué du gouvernement libanais, qui sont maintenant perçus comme des pions dans les mains de Nasrallah. Combien de temps les Arabes continueront-ils à se battre pour l’Iran ? »

(…)

Dans le journal influent Asharq Al-Awsat, basé à Londres, l’éditorialiste Abou Shakra écrit que de nombreux Libanais ont été surpris par le timing de l’opération du Hezbollah : « Ils ont été particulièrement choqués par le timing de l’attaque, au débit de la saison touristique qui devait faire vivre plus de deux millions de familles libanaises alors que le Liban connaît un déficit budgétaire de 40 millions de $. Ce qui est stupéfiant, c’est que le Hezbollah a sous-estimé les dommages, en particulier dans le secteur du tourisme, en disant que les seuls qui allaient bénéficier du tourisme seraient les amateurs de houmous et de femmes. »

Tentant d’expliquer cette attitude arabe, l’analyste politique palestinien Ashraf
al-Ajrami faisait remarquer que de nombreux Etats arabes avaient peur de l’Iran et ne voulaient pas voir les Iraniens étendre leur influence : ‘ »Les Etats arabes, en particulier l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Jordanie, pensent qu’aucun parti n’a le droit d’entraîner toute la région dans une confrontation militaire avec Israël », écrit-il dans le quotidien de Ramallah Al-Ayyam. « Ces Etats pensent qu’il n’y a pas la place pour des erreurs et des aventures. Les Arabes s’inquiètent des plans de l’Iran dans la région, en particulier concernant l’Irak et le développement de son armement nucléaire, et de ses tentatives d’influer sur les événements au Liban et en Palestine. Un grand nombre d’Etats arabes, en particulier dans le Golfe, voient l’Iran comme un futur adversaire. »