Ha’aretz, 21 août 2007
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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Il y a quelques jours, lors d’ une interview par téléphone diffusée par la BBC en langue arabe, un journaliste arabe demandait à Yasser Abed Rabbo à Ramallah : » Qui, selon vous, est l’ennemi : Israël ou le Hamas ? » Yasser Abed Rabbo, membre du comité directeur de l’OLP, a été ministre dans différents gouvernements palestiniens, et il est actuellement considéré comme l’un des très proches du président Mahmoud Abbas. Il est l’un des adversaires les plus farouches du Hamas au sein de la direction de l’Autorité palestinienne.
Avant même qu’Abed Rabbo eût réussi à répondre, le journaliste se dépêcha d’expliquer la raison de sa question : l’Autorité palestinienne mène un dialogue avec le gouvernement israélien, mais refuse de parler au Hamas. Abed Rabbo, qui semblait étonné par la question, ne répondit pas. Au lieu de cela, il s’en prit au journaliste : » Vous êtes de mauvais goût et insultant. » Le journaliste répondit : « »e vous conseille de surveiller votre langage. ». Abed Rabbo répéta : « Vous êtes de mauvais et goût et insultant », puis raccrocha violemment.
Le fait qu’Abbas et des représentants du gouvernement de Salam Fayyad en Cisjordanie discutent avec le gouvernement tout en boycottant et en refusant de parler au gouvernement Hamas dans la bande de Gaza est la pire des accusations soulevées par le Hamas contre Abou Mazen (Mahmoud Abbas). Vendredi dernier, Abbas publiait un décret présidentiel condamnant tout membre de la Force exécutive du Hamas à Gaza à 3 à 7 ans de prison. La Force exécutive contrôle totalement la bande de Gaza, et Abou Obeideh, l’un des porte-parole de l’organisation, réagit au décret présidentiel par l’ironie et le mépris.
Dernier épisode de la violente guerre médiatique que mènent les deux côtés l’un contre l’autre : le Hamas a sorti une cassette vidéo trouvée lors de la prise des bureaux de l’Autorité palestinienne à Gaza. On y voit Abou Mazen lors d’une réunion avec des militants du Fatah à Gaza, où il leur pose des questions sur les heurts avec le Hamas. L’un des militants répond : « Tu n’as pas à t’inquiéter. Nous n’aurons besoin que d’une ghalwa pour balayer le Hamas. » Une ghalwa, ce sont les quelques secondes pendant lesquelles on peut laisser bouillir le café avant de le retirer du feu avant qu’il soit « bouillu ». La cassette a été diffusée sur Al Aqsa, la chaîne de télévision du Hamas, et elle a déclenché une vague de plaisanteries sur « Abou Ghalwa » et sur les fausses informations dont Mohammed Dahlan et ses hommes abreuvaient Abbas sur leur force face au Hamas.
Aujourd’hui aussi, il faut examiner très attentivement les informations que les représentants de l’AP en Cisjordanie et ceux du Hamas à Gaza diffusent les uns sur les autres. De hauts représentants de l’AP, comme le conseiller d’Abbas Nabil Amr et le ministre de l’information Riad Maliki, ont déclaré que le dénuement et le désespoir prévalent sous le régime du Hamas à Gaza et que « cela se terminera beaucoup plus vite que l’on ne pense. » Deux journalistes de Gaza avec qui j’ai parlé samedi dernier ont dit le contraire : le calme et l’ordre règnent dans la bande de Gaza, et le sentiment de sécurité personnel est plus fort qu’il ne l’a jamais été depuis des années. D’après eux, il y a des pénuries, mais elle sont supportables. Le Hamas a d’ailleurs intérêt à en rajouter sur le désespoir et la pénurie, afin que les organisations internationales envoient davantage d’aides à Gaza.
L’impression qui se dégage est claire : aucun des côtés n’est capable de faire plier l’autre, en tout cas certainement dans un futur proche. Le régime du Hamas à Gaza va survivre. L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas va continuer à le boycotter, et continuera aussi à mener avec Israël des négociations sur un accord de principes, qui pourrait tout à fait être trouvé dans les prochaines semaines. Mais il est clair que cela ne serait qu’un accord virtuel, car le chemin de son application sera long, et sans le Hamas, un tel accord n’aurait de toute façon que peu de valeur.
Aucun des côtés n’est capable de vaincre l’autre. Il n’y aura donc d’autre choix que de négocier et, tôt ou tard, de parvenir à un accord. L’opinion palestinienne, à Gaza comme en Cisjordanie, souhaite l’unité nationale, comme beaucoup dans le monde arabe et la communauté internationale. En conséquence, il y aura une pression croissante dans cette direction sur les leaders, à la fois à Gaza et en Cisjordanie, jusqu’à ce qu’en fin de compte, le Hamas et l’Autorité palestinienne trouvent un accord. L’opposition catégorique d’Israël à tout compromis et ses menaces contre Abou Mazen s’il faisait des concessions au Hamas ne réussiront pas à empêcher ces développements.