Ce texte est la suite de l’article publié (en rubrique « analyse » ) le 26 novembre 2019, et intitulé « Le Jewish National Fund expulse des Palestiniens pour créer un nouvel avant-poste près de Bethléem » . Il présente des faits qui attestent du soutien apporté par le KKL-JNF par l’intermédiaire d’une filiale -Himanuta- à des actions de colonisation.
« Au cours des deux dernières années, la participation du KKL-JNF (Kerem Kayemet LeYisrael-Jewish National Fund) à la colonisation a été notable, et elle suit les mêmes modèles opérationnels que les organisations de colons. »
Traduction : Bernard Bohbot pour LPM
Illustration : Carte de la région impactée par le KKL
Auteur : Shalom Akhshav
https://peacenow.org.il/en/new-outpost-on-land-where-the-jnf-evicted-palestinians-near-bethlehem
Article mis en ligne le 25/01/2020
Enregistrement de vastes étendues de terres dans la région du Gush Etzion – En juillet 2012, Himanuta* (filiale de KKL-JNF) a intenté une action en justice devant le tribunal de district de Jérusalem, réclamant l’enregistrement d’une vaste zone de 522 dunams au sud de Bethléem sur la base d’un achat de terrain effectué avant 1948. Les propriétaires palestiniens ont certifié en être les propriétaires légitimes et les deux parties ont présenté au tribunal des Kushans (documents de propriété datant de l’époque du mandat) attestant leurs droits, afin de déterminer l’étendue et la localisation des terres. Bien que le Kushan déclare qu’il s’agit d’une terre de 74 acres, Himanuta a réussi à convaincre le tribunal que la superficie réelle qu’elle possède est de 522 acres et que la terre a été enregistrée à son nom. Les colons et les politiciens de droite ont célébré la victoire et l’ont considérée comme « l’expansion des terres de Gush Etzion ». C’est ainsi que les terres de KKL-JNF sont automatiquement devenues des terres vouées à la colonisation. On doit noter que la réclamation de possessions antérieures à 1948 est particulièrement sensible parce que l’État d’Israël s’oppose fermement à l’exercice du droit de retour des Palestiniens et affirme que les biens qui appartenaient aux Palestiniens en Israël avant 1948 ne leur seront pas restitués. Les terres restituées aux Juifs qui étaient entre les mains des Juifs avant 1948 dans les Territoires occupés discréditent le fondement moral de l’opposition d’Israël au droit de retour (et sont illégales au regard du droit international alors que les habitants locaux ne jouissent pas de tous leurs droits); malgré tout, Himanuta a préféré promouvoir les intérêts des implantations dans les Territoires occupés.
Colonie de Givat Eitam à A-Nahala (E2) – En 2013, l’avant-poste de Givat Eitam a été établi sur les terres du village d’A-Nahala, jouxtant Bethléem par le sud, que Himanuta a acquises dans les années 1970 et 1990. L’avant-poste a été évacué par les colons quelques années plus tard, mais a été reconstruit à la fin de 2018. La zone de l’avant-poste est stratégique en ce qui concerne le développement futur de la région de Bethléem, et l’établissement d’une colonie sur le terrain menace de couper en deux le sud de la Cisjordanie et fragilise donc la perspective d’une solution à deux États. C’est pourquoi les diplomates et les journalistes l’ont baptisé » E2 « , en référence au tristement célèbre plan » E1 » qui couperait la Cisjordanie en deux si jamais les terres correspondantes étaient colonisées. Entre-temps, le Ministère du logement a commencé à préparer un plan pour la création d’une nouvelle colonie avec des centaines de logements sur ces terres du KKL-JNF. Ce qui fait de ce dernier le complice de l’un des projets les plus controversés sur le plan politique, et qui a de profondes répercussions sur les perspectives de paix**.
Coordonnateur des transactions en Judée et en Samarie – En août 2017, le KKL-JNF a lancé un appel d’offres pour la création d’un poste de « coordonnateur des transactions en Judée et en Samarie » et, en réponse aux critiques concernant son intention de poursuivre l’achat de terres dans les territoires occupés, il a affirmé qu’il ne s’agissait que de remplacer un départ à la retraite et qu’il n’était pas question de renouveler les acquisitions. À la même époque, M. Oved Arada commencé à travailler à Himanuta. Il était auparavant employé sur le terrain par l’organisation Regavim*** pour laquelle il assurait le suivi des constructions palestiniennes illégales, exerçait des pressions sur les contrevenants et initiait le lancement de procédures pour obtenir la démolition de ces constructions. Il s’avère qu’il a importé à Himanuta les méthodes apprises à Regavim, et a ainsi entraîné le KKL-JNF dans une activité de dépossession des Palestiniens en Cisjordanie.
Pétition pour la démolition des maisons palestiniennes à Makhrour – En 2017, KKL-JNF a engagé les services de l’avocat Avi Segal, qui représente Regavim, Amana, et les associations de colons Elad et Ateret Cohanim à Jérusalem-Est. A. Segal, qui s’est spécialisé dans les pétitions demandant l’expulsion et la démolition des bâtiments palestiniens avec l’aide de Regavim, a soumis la requête d’y joindre le dossier de la famille Cassia demandant la démolition de leur maison et du restaurant adjacent.
Pétition pour la démolition de maisons palestiniennes à Arab ar-Ramadin – En février 2017, l’Association Regavim a déposé une pétition auprès de la Haute Cour demandant la démolition de maisons dans le village bédouin d’Arab ar-Ramadin dans la région de Qalqiliya en collaboration avec Himanuta. La demande était fondée sur l’affirmation que les maisons du village avaient été construites sur des terrains appartenant à KKL-JNF (Himanuta). A l’époque, les gens de droite se sont servi de cette pétition comme moyen de mettre en difficulté la Cour suprême sous prétexte que la Cour discriminait les colons en faveur des Palestiniens. Ils tentèrent de faire valoir que tandis que la Cour avait décidé d’expulser les colons ayant envahi des terres privées palestiniennes (dans l’avant-poste de Nativ Ha’Avot et à Amona), elle évitait de le faire lorsqu’il s’agissait de Palestiniens qui envahissaient des terres appartenant à des Juifs. Cependant, lors de l’audition de la requête, il est apparu clairement que le propriétaire Himanuta ne possède qu’une petite partie de la terre (seulement 6%), et en plus en partenariat avec de nombreux autres propriétaires (Palestiniens), de sorte que ses droits sont très limités. En avril 2019, le tribunal a rejeté la requête.
* Himanuta : une filiale du KKL-JNF connue pour son achat de terres en Cisjordanie et à Jérusalem-Est
**Pour en savoir plus sur Givat Eitam (E2) et ses implications, voir :
http://peacenow.org.il/wp-content/uploads/2014/09/E2-factsheet-10-English.pdf
**Regavim est une ONG Israélienne favorable à la colonisation, active sur le plan juridique. Elle initie des actions contre les constructions, illégales selon elle, d’Arabes israéliens en Galilée et dans le Neguev, de Palestiniens dans les territoires occupés. Elle a été créée en 2006 notamment par Bezalel Smotrich, ministre des Transports et chef du parti d’Union nationale, raciste et homophobe impénitent.