Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Des personnalités palestiniennes ont parlé de « jour historique » à propos de la révocation par Yasser Arafat du cabinet qu’il avait nommé il y a peu de temps, dans le cadre des réformes administratives de l’Autorité palestinienne. Arafat a annoncé par l’intermédiaire de son porte-parole, Tayeb Abdel-Rahim, qu’il avait accepté la démission de ses ministres, au moment où il lui est apparu clairement que le nouveau cabinet n’obtiendrait pas la confiance du Conseil législatif palestinien. Notons en passant qu’au moins trois des ministres concernés ont déclaré hier à la presse qu’ils n’étaient pas au courant de leur démission…
C’est la première fois dans la carrière politique d’Arafat, depuis qu’il est à la tête de l’OLP, qu’il est forcé à revenir sur un acte politique. C’est aussi la première fois que des membres de son mouvement, le Fatah, défient son hégémonie de façon si frontale. Par le passé, il avait toujours su manoeuvrer entre les groupes et les personnalités, par des promesses, des nominations ou des distributions d’argent, pour obtenir du soutien et parvenir à un compromis. Cette fois, il a échoué.
Au cours des réunions d’hier du Conseil et du Fatah à Ramallah, ceux qui
s’exprimaient se sont montrés soucieux de ne pas offenser la dignité du président, mais ils n’ont pas cédé et l’ont ainsi forcé à révoquer son nouveau cabinet. Il devra maintenant mettre en oeuvre une meilleure stratégie pour former un nouveau cabinet, en moins de deux semaines, qui aura la confiance du Conseil. Difficile de voir comment il peut réussir.
Que s’est-il passé exactement hier? Pourquoi tant de ses partisans acharnés se sont-ils declarés contre lui? Il semble que la raison principale de ce qu’on peut appeler une « rebellion » tienne à la préparation des prochaines élections et aux manoeuvres qui les accompagnent. La plupart des députés sont des militants politiques qui veulent participer aux élections. (Suite à de fortes pressions, Arafat en a annoncé la date exacte : le 20 janvier prochain).
Il y a une grande amertume dans l’opinion palestinienne à propos de l’intifada, et cette amertume ne s’exprime pas seulement contre Israël, mais aussi contre les institutions de l’Autorité palestinienne qui sont considérées comme corrompues. Pour être réélus, les parlementaires doivent montrer à l’opinion, à Gaza et en Cisjordanie, qu’ils combattent réellement l’establishment.
Hier, plusieurs groupes se sont opposés a Arafat. Le principal était le groupe de Gaza, qui a considéré qu’il n’était pas assez bien représenté dans le nouveau cabinet. L’un des opposants les plus virulents a été le Dr Kamel a-Sharfy, de Jabalya, qui a attaqué le ministre de l’Interieur Abdel Razak Yehiyeh qui s’etait exprimé contre la violence. « Il s’oppose même à ce que l’on lance des pierres », a-t-il dit avec colère.
Un groupe important du Fatah en veut Arafat pour ne pas avoir mis l’un des leurs à la tête de l’appareil de sécurité. Le membre le plus en vue de ce groupe est Nabil Amr, qui la semaine dernière a dénoncé la politique d’Arafat dans un article de presse, et qui demande la nomination d’un Premier ministre. Arafat a également provoqué la colère de la jeune garde du Fatah et des partisans de Jibril Rajoub et de Marwan Barghouti.
A ceux-là il faut ajouter une opposition traditionnelle qui a souvent élevé la voix contre le président, et ceux qui ont toujours obéi aux ordres. Ils sont moins opposés aux nouveaux ministres qu’au fait qu’Arafat ne se soit pas debarrassé des anciens. Certains de ces derniers sont maintenant impopulaires et d’autres sont accusés de corruption.