Ari Heinstein et Amos Yadlin, deux chercheurs travaillant pour la sécurité israélienne, mettent en cause, dans une tribune au Monde — “Le ‘Hamas semble avoir pour seul principe de conduite la défense de ses intérêts propres” — la stratégie du mouvement palestinien après les manifestations meurtrières de la bande de Gaza.
Photo : Combattants du ‘Hamas © gettyimages [DR]
Le Monde, jeudi 7 juin 2018
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L’Article de Ari Heinstein et Amos Yadlin
Alors même que le mouvement de protestation de Gaza a pris une tournure de plus en plus violente ces dernières semaines et qu’une centaine de roquettes et de mortiers ont récemment frappé le sud d’Israël, l’État juif s’est constamment employé à limiter le nombre de victimes des deux côtés tandis que le ‘Hamas cherche au contraire à les multiplier.
Depuis qu’il a pris le contrôle de la bande de Gaza, le ‘Hamas a échoué sur les plans politique, économique et militaire, d’où sa quête d’une nouvelle stratégie. En décidant d’organiser des manifestations violentes le long de la frontière entre la bande de Gaza et Israël, le ‘Hamas semble avoir fait un choix, celui de la confrontation avec Israël. Cette confrontation se situant en deçà de l’affrontement armé, elle permet au ‘Hamas d’occuper un terrain sur lequel il possède un avantage concurrentiel, celui de l’opinion publique mondiale.
Cette stratégie place en effet Israël face au dilemme suivant : protéger sa souveraineté et la sécurité de ses concitoyens implique la neutralisation d’individus (armés et non armés) essayant de franchir de force sa frontière, quitte à ce que son image internationale en pâtisse ; ne pas protéger ses frontières au risque d’une infiltration massive d’individus hostiles entraînant un bien plus grand nombre de victimes de part et d’autre.
Malgré le brouillard de la guerre, les forces de défense d’Israël ont fait preuve d’un professionnalisme exemplaire. Trois objectifs importants ont été atteints : protéger l’intégrité de sa frontière et veiller à ce qu’il n’y ait aucune victime — civile ou militaire — israélienne ; limiter au strict minimum, autant que faire se peut, le nombre de pertes civiles palestiniennes ; éviter l’intensification et l’élargissement du conflit.
Contester l’existence de l’État d’Israël
Il est malheureux, pour un côté comme pour l’autre, que la nouvelle tactique du ‘Hamas s’avère n’être qu’une manœuvre cynique de plus visant à détourner l’attention de ses échecs répétés dans la gestion quotidienne de la bande de Gaza. En jouant la carte de l’escalade des tensions avec Israël, le ‘Hamas espère en effet se positionner à l’avant-garde du mouvement national palestinien et prendre l’avantage sur ses rivaux de l’Autorité palestinienne (AP). C’est pourquoi la réaction négative de cette dernière à l’égard du mouvement de protestation n’a rien de surprenant.
Un haut responsable de l’AP est, par exemple, allé jusqu’à qualifier les organisateurs de la « marche du retour » d’imposteurs qui envoient à la mort femmes, enfants et jeunes gens. En cela, le responsable de l’AP n’a assurément pas tort : il s’agit de la part du ‘Hamas d’une tentative méprisable de marquer des points dans le jeu politique inter-palestinien en incitant des centaines de Gazaouis à attaquer une frontière protégée par des gardes armés. Ce projet n’est, ni plus ni moins, qu’une mission suicide et serait qualifié comme tel dans n’importe quel endroit du globe !
Par ailleurs, il est manifeste que la « marche du retour » n’a pas pour but de mettre un terme à l’occupation de la bande de Gaza par Israël, celle-ci ayant pris fin en 2005. De même, elle n’entend pas réellement améliorer les conditions de vie déplorables de ses habitants, comme en témoignent les dommages considérables causés par l’incendie volontaire du poste-frontière de Kerem Shalom par lequel est acheminée l’aide humanitaire en provenance d’Israël. L’objectif de ce mouvement est de contester l’existence de l’État d’Israël.
Les Palestiniens eux-mêmes ont baptisé ce mouvement « marche du retour », indiquant ainsi que le but poursuivi est d’abolir les frontières internationalement reconnues d’Israël, ce qui constitue une tentative à la fois de modifier la composition démographique de l’État juif et de détruire une caractéristique aussi essentielle que la délimitation de son territoire. La pléthore de symboles nazis, arborés par nombre de manifestants, a dissipé par ailleurs toute illusion que l’on aurait pu se faire quant aux véritables intentions des instigateurs de ce mouvement.
Depuis qu’il a pris le contrôle de la bande de Gaza, le ‘Hamas a échoué sur les plans politique, économique et militaire, d’où sa quête d’une nouvelle stratégie. En décidant d’organiser des manifestations violentes le long de la frontière entre la bande de Gaza et Israël, le ‘Hamas semble avoir fait un choix, celui de la confrontation avec Israël. Cette confrontation se situant en deçà de l’affrontement armé, elle permet au ‘Hamas d’occuper un terrain sur lequel il possède un avantage concurrentiel, celui de l’opinion publique mondiale.
Cette stratégie place en effet Israël face au dilemme suivant : protéger sa souveraineté et la sécurité de ses concitoyens implique la neutralisation d’individus (armés et non armés) essayant de franchir de force sa frontière, quitte à ce que son image internationale en pâtisse ; ne pas protéger ses frontières au risque d’une infiltration massive d’individus hostiles entraînant un bien plus grand nombre de victimes de part et d’autre.
Malgré le brouillard de la guerre, les forces de défense d’Israël ont fait preuve d’un professionnalisme exemplaire. Trois objectifs importants ont été atteints : protéger l’intégrité de sa frontière et veiller à ce qu’il n’y ait aucune victime – civile ou militaire – israélienne ; limiter au strict minimum, autant que faire se peut, le nombre de pertes civiles palestiniennes ; éviter l’intensification et l’élargissement du conflit.
Contester l’existence de l’État d’Israël
Il est malheureux, pour un côté comme pour l’autre, que la nouvelle tactique du ‘Hamas s’avère n’être qu’une manœuvre cynique de plus visant à détourner l’attention de ses échecs répétés dans la gestion quotidienne de la bande de Gaza. En jouant la carte de l’escalade des tensions avec Israël, le ‘Hamas espère en effet se positionner à l’avant-garde du mouvement national palestinien et prendre l’avantage sur ses rivaux de l’Autorité palestinienne (AP). C’est pourquoi la réaction négative de cette dernière à l’égard du mouvement de protestation n’a rien de surprenant.
Un haut responsable de l’AP est, par exemple, allé jusqu’à qualifier les organisateurs de la « marche du retour » d’imposteurs qui envoient à la mort femmes, enfants et jeunes gens. En cela, le responsable de l’AP n’a assurément pas tort : il s’agit de la part du ‘Hamas d’une tentative méprisable de marquer des points dans le jeu politique interpalestinien en incitant des centaines de Gazaouis à attaquer une frontière protégée par des gardes armés. Ce projet n’est, ni plus ni moins, qu’une mission suicide et serait qualifié comme tel dans n’importe quel endroit du globe !
Par ailleurs, il est manifeste que la « marche du retour » n’a pas pour but de mettre un terme à l’occupation de la bande de Gaza par Israël, celle-ci ayant pris fin en 2005. De même, elle n’entend pas réellement améliorer les conditions de vie déplorables de ses habitants, comme en témoignent les dommages considérables causés par l’incendie volontaire du poste-frontière de Kerem Shalom par lequel est acheminée l’aide humanitaire en provenance d’Israël. L’objectif de ce mouvement est de contester l’existence de l’État d’Israël.
Les Palestiniens eux-mêmes ont baptisé ce mouvement « marche du retour », indiquant ainsi que le but poursuivi est d’abolir les frontières internationalement reconnues d’Israël, ce qui constitue une tentative à la fois de modifier la composition démographique de l’État juif et de détruire une caractéristique aussi essentielle que la délimitation de son territoire. La pléthore de symboles nazis, arborés par nombre de manifestants, a dissipé par ailleurs toute illusion que l’on aurait pu se faire quant aux véritables intentions des instigateurs de ce mouvement.
Réactions enflammées
N’est-il pas également cocasse de voir certains membres de la communauté internationale qui ne cessent de souligner l’importance du respect des frontières de 1967 apporter leur soutien à ceux qui tentent d’anéantir ces mêmes frontières ? Toute construction de colonie de l’autre côté de la Ligne verte en Cisjordanie suscite des réactions enflammées et donne lieu à d’apocalyptiques vaticinations quant à l’avenir d’Israël.
On ne peut donc manquer de s’étonner que les tentatives d’abolir cette même frontière de 1967 autour de Gaza ne fassent pas l’objet de critiques semblables. Or ce sont les Israéliens qui se retrouvent sous le feu de la critique pour leur défense de cette frontière ! Il apparaît progressivement que, pour certains, le conflit israélo-palestinien ne porte pas sur un problème géographique de délimitation de territoires, mais relève d’une opposition fondamentale à Israël.
Certes, Israël avait la possibilité de ne pas ouvrir le feu sur ceux qui prenaient d’assaut ses frontières mais s’abstenir de le faire aurait occasionné un nombre bien plus important de victimes. Ne pas dissuader ceux qui voulaient franchir la clôture de sécurité, c’était prendre le risque d’en voir le nombre fortement augmenter et de laisser passer un grand nombre d’individus hostiles du côté israélien de la frontière où se trouvent plusieurs communautés israéliennes vulnérables.
Point d’équilibre délicat
La présence de terroristes parmi la foule de manifestants est par ailleurs avérée comme l’ont montré les nombreuses attaques armées — tirs à l’arme automatique, jets de cocktails molotov, usage d’engins explosifs — contre les soldats israéliens. Les auteurs de ces attaques ont, bien évidemment, pris soin de se dissimuler parmi les civils. On peut par conséquent aisément imaginer ce qu’aurait été le bilan humain de ces affrontements si un grand nombre d’individus était parvenu à franchir la frontière. Les efforts israéliens pour les neutraliser auraient provoqué la mort de centaines de personnes, si ce n’est plus.
Israël a tout compte fait réussi à trouver un point d’équilibre délicat en exerçant une dissuasion efficace tout en évitant un usage incontrôlé et intempestif de la force. Il est malheureux, mais guère surprenant, que pour atteindre ses propres objectifs politiques, le ‘Hamas ait encore une fois choisi une tactique mettant en danger la vie de civils en orchestrant des mouvements de protestation utilisés comme couverture pour mener des attaques violentes.
Pendant des années le ‘Hamas s’est rendu coupable de crimes de guerre tels que les tirs de roquettes sur des cibles civiles israéliennes à partir de sites de lancement installés dans des quartiers densément peuplés par la population civile palestinienne. Le ‘Hamas semble avoir pour seul principe de conduite la poursuite de ses intérêts propres. Il est donc opportun de l’avertir que s’il continue à attiser les tensions avec Israël dans le but de détourner l’attention de ses propres échecs, il risque de perdre le contrôle de la situation et d’être entraîné dans une confrontation armée qu’il souhaite d’autant moins que sa défaite serait inéluctable.
Les Auteurs
Né en 1951 au kibboutz ‘Hatzerim, le général Amos Yadlin a bâti toute sa carrière dans l’armée de l’air. Attaché militaire à Washington, il prend ensuite la tête du renseignement militaire israélien. Diplômé en Économie et Finance de l’université Ben-Gourion du Néguev et de l’École JFK d’Administration de Harvard, il rejoint après sa retraite l’Institut de Politique proche-orientale de Washington. Depuis fin 2011, il dirige l’Institut d’Études en Sécurité nationale de l’Université de Tel-Aviv.
Lors des élections à la 20e Knesseth, en 2015, il s’inscrit sur les listes de l’Union sioniste, dont il est le candidat au poste de ministre de la Défense.
Ari Heinstein, chercheur à l’Institut d’Études en Sécurité nationale de l’Université de Tel-Aviv, a travaillé sur les printemps arabes dans les pays voisins d’Israël.