Au-delà des communiqués de presse du mouvement, il nous a semblé intéressant
de poster sur cette liste des informations, des interviews, eventuellement
des articles de presse.
Pour commencer d’une facon non orthodoxe, nous avons choisi de donner la
parole à une militante « de base » de Shalom Akhshav, qui s’occupe plus
particulièrement des actions humanitaires/solidaires.
Interview réalisée par Gérard Eizenberg
Mary Schweitzer a 53 ans. Arrivée en Israël il y a 18 ans, elle est mère de 3 enfants : 2 ont terminé leur service militaire, et le troisième a récemment été incorporé. Elle travaille dans l’agriculture, et habite Kfar Saba (dans le Sharon, non loin de Tel-Aviv).
La Paix Maintenant : Tres concrètement, quelles sont tes activités?
Mary Schweitzer : A la base, nous sommes des gens plutot pratiques. Je crois que construire la paix consiste à rendre l' »autre côté » plus humain. Quoi que je
puisse faire pour les rendre « réels », ne plus seulement ressentir leur douleur mais la faire partager, va dans le bon sens. Donc, très simplement, notre travail est de bouger, regarder, parler, écouter et apprendre. Et quand nous voyons quelque chose à faire, de le faire. Nous nous faisons une idée, nous revenons chez nous, et nous commençons à téléphoner, et à faire connaître les besoins aux donateurs potentiels. Les gens écoutent et réagissent. Nous achetons ou recoltons la nourriture ou les vêtements, les conditionnons dans des cartons ou des sacs, fixons les rendez-vous et nous y allons. Voilà.
LPM : combien êtes-vous à faire ce travail? quel genre de gens?
MS : j’aimerais bien citer parmi mes camarades : Yaakov, né en Israël, comptable à la retraite, qui a milité pour la paix toute sa vie ; et Amne, née a Tira (une ville judéo-arabe), présidente du conseil des femmes de Tira, une femme merveilleuse et infatigable, totalement dévouée a la cause de la paix. Et tant d’autres…
Notre « base », c’est Shalom Akhshav (La Paix Maintenant). LPM est un mouvement populaire pour la paix, le plus important en Israël. Des gens de toutes sortes, de tous âges (le plus jeune que je connaisse a 6 mois, c’est le bébé de ma voisine du dessus, la plus vieille est une dame aux yeux bleus brillants qui a commencé à servir la cause de la paix bien avant que je sois née). Des hommes d’affaires, des médecins, des lycéens, des jeunes des mouvements de jeunesse, des cadres, des hommes politiques, des étudiants, des chauffeurs de camion, des plombiers, des profs d’université, des artistes, juifs, musulmans, chrétiens…
LPM : Quelles relations avez-vous avec les gens que vous aidez?
MS : Je ne sais pas bien qui aide qui. Ce sont des gens merveilleux, le genre de personnes que j’aimerais avoir pour voisins. Ils ont de l’orgueil et de l’humilité, ils sont reconnaissants pour l’aide apportée et heureux de la recevoir. Aujourd’hui, plusieurs Palestiniens m’ont demandé s’ils pouvaient se joindre à notre action de demain, pour montrer leur soutien. Inutile de dire que la reponse fut un OUI clair et joyeux. Seul un travail entrepris en commun nous conduira dans la bonne direction.
LPM : Quelles relations avez-vous avec les organisations palestiniennes avec
lesquelles vous collaborez?
MS : En gros, je dirais qu’il s’agit d’un processus, celui qui permet de comprendre l’autre. Quand on me demande « mais qu’est-ce que VOUS les Israéliens voulez de nous ? », je réponds en général « dites-le vous, ainsi je comprendrai mieux ce que vous dites ». Les Palestiniens et les mouvements palestiniens avec lesquels j’ai pu travailler sont des gens qui désirent sincèrement la paix, la difficulté est de trouver le chemin pour l’atteindre, avec nos contraintes respectives. Alors, on discute, on se dispute, on partage les rires, les larmes, les peurs, et lentement, très lentement, on apprend à construire de l’amitié.
LPM : Quels problèmes avez-vous pu rencontrer avec l’armée? les colons?
MS : En général, l’armée fait son travail. Ce sont nos enfants – rappelle-toi, j’ai un fils soldat, et tous, nous avons servi dans Tsahal, ou eu des enfants soldats.
Parfois, des conflits peuvent se produire, mais la plupart du temps, les contacts se font sur le mode du rire ou de la plaisanterie. Aujourd’hui, j’ai photographié un soldat posté à un barrage militaire. Avec son uniforme et son fusil, il n’avait pas l’air commode. Quand on s’est approchés avec le sourire, il a essayé de jouer au dur, mais très vite il s’est mis lui aussi à sourire. Je ne pense pas que la plupart des soldats apprécient le fait d’être des occupants. Il y en a, malheureusement, ce sont ceux-là qu’il faudrait rééduquer.
Les colons? Là, c’est plus delicat. Eux aussi sont des gens normaux, avec leurs angoisses et leurs idées. Un certain nombre se sont établis dans les territoires pour des raisons économiques, quand le gouvernement leur proposait des affaires mirobolantes. Ceux-là semblent plutot soulagés de nous voir, et il arrive qu’ils nous demandent de les aider à sortir de là. Avec ceux qui se sont installés dans les territoires pour des raisons idéologiques, j’ai souvent eu des conversations difficiles, mais jamais complètement hostiles. Ils nous respectent, de la même maniere que nous les respectons. Je pense que lorsque nous aurons surmonté le problème de la peur (les attentats-suicides, les tirs sur les routes, les villages entiers mis aux arrêts), les colons aussi comprendront que la paix est une façon de vivre bien meilleure.
LPM : Les médias israeliens relayent-ils ce que vous faites?
MS : Oui, plus ou moins selon les moments. Récemment, un journaliste de
Nazareth m’a appelée, il veut nous interviewer au sujet de notre action à Kafr Yasuf. Fin octobre, Haaretz a publié un reportage d’une demie page sur nos conversations avec les Palestiniens. En fait, nous devrions trouver un moyen de mieux toucher la presse locale. La presse étrangère nous montre un peu plus d’intérêt : ABC envoie une équipe demain, je t’envoie par mail une photo de Reuters prise pendant une récente manifestation (je suis assez fière de celle-ci), et des équipes japonaises, italiennes et américaines nous ont deja interviewés.
LPM : quelles actions envisagez-vous dans le futur, à ton niveau?
MS : Il y a déjà l’école maternelle de Biddiya, et deux ou trois autres livraisons de colis de nourriture pendant le ramadan. Nous essayons de réunir de l’argent pour financer l’opération urgente d’un glaucome. Et, bien sûr, il y a l’action quotidienne qui consiste à se tenir aux carrefours avec des pancartes appelant à mettre fin à l’occupation, à la colonisation, et à reprendre les négociations. Lundi, il y a une réunion de notre section locale à Tira pour discuter des fêtes de Hanouka et de la fin du ramadan pour nos militants, ainsi que d’un nouveau cycle de conférences culturelles pour des publics judeo-arabes. Et nous avons le projet d’examiner en
profondeur nos relations avec l’ONG palestinienne, pour voir comment nous
pouvons les améliorer.
LPM : Quels sont tes sentiments ou réflexions personnelles par rapport a ces
actions?
MS : J’ai probablement déjà tout dit. Au lieu de me lancer dans de longs discours, je dirai seulement : enrichissement, source d’inspiration. Partager est merveilleux, et on est paye dé retour, au centuple.