On ne peut que se réjouir du récent arrêt de la Cour suprême de permettre à Lara Alqasem, étudiante américaine accusée – à tort semble-t-il – de soutenir le boycott d’Israël, d’étudier en Israël. Les considérant de cette décision ne sont pas moins importants que la décision elles-même.
« L‘impression indéniable est que la révocation de son permis était due à ses opinions politiques » a écrit la juge Anat Baron. « Si tel est effectivement le cas, il s’agit d’une étape extrême et dangereuse susceptible d’entraîner l’effondrement des piliers sur lesquels repose la démocratie israélienne. »
Comme l’ont déclaré ses avocats, « Israël a le droit de contrôler ses frontières, mais ce droit ne donne pas au ministère de l’Intérieur un pouvoir absolu de refuser toutes les personnes qu’il estime indésirables. En adoptant une position ferme et courageuse contre le jeu de pouvoir extrêmement féroce du ministère de l’Intérieur, Lara a veillé à ce que personne ne se voie refuser le droit d’entrer en Israël sur la base de recherches Google sans fondement et de dossiers établis par d’obscurs groupes de diffamation « .
Un double enseignement se dégage de cette affaire sur laquelle nous nous sommes déjà exprimés. Le premier est que contrairement aux accusations portées à l’encontre d’Israël, « le cadavre bouge encore » : malgré attaques et atteintes, sa démocratie est encore vivace et fonctionne. Le rôle de la Cour suprême est à cet égard essentiel et il convient, ô combien, de la préserver. Le second enseignement, et il a aussi à voir avec la démocratie, est que la lutte paye. C’est la mobilisation tant de Lara Alqasem elle-même que celle de la société civile et des forces de progrès qui a permis d’aboutir à ce résultat.
Il importe que cette mobilisation se poursuive. D’abord parce que Gilad Erdan, le ministre israélien des Affaires stratégiques qui a été la figure de proue de toute cette affaire n’a pas renoncé: il a critiqué la décision rendue par la Cour suprême faisant fi de la séparation des pouvoirs et a averti qu’il n’en resterait pas là. Ensuite parce que d’autres projets de lois liberticides sont « dans les tuyaux » dans le cadre de la session d’hiver de la Knesset, peut-être la dernière avant des élections anticipées et donc propice à une surenchère populiste.
C’est ainsi qu’un projet de loi vise à infliger des peines de prison – jusqu’à 7 ans – à toute personne qui prendrait part à des actions de boycott contre Israël. Il est fort probable, il faut le souligner, que ce projet soit rétoqué, mais il traduit une ambiance qui permet d’entériner des mesures moins radicales mais cependant néfastes.
Nous en voulons pour preuve le projet sur la loyauté en matière culturelle porté par Miri Régev, la ministre de l'(in)culture qui s’est distinguée, entre autres, dans le passé en critiquant Foxtrot (Lion d’argent à la Mostra de Venise), ce qui en soi est légitime, tout en reconnaissant ne pas l’avoir vu.
Ce texte permettrait de couper les subventions aux artistes et institutions culturelles qui nieraient «l’existence de l’État d’Israël comme État juif et démocratique, qui inciteraient au racisme, au terrorisme, qui porteraient atteinte à l’honneur du drapeau national, ou qui présenteraient le jour de l’indépendance comme un jour de deuil». Qui peut s’opposer à l’incitation au racisme ou au terrorisme ? Sauf que le mélange ouvre la voie à tous les excès.
Certes Benyamin Netanyahu aurait dit ne pas trop aimer cette loi qui « va un peu trop loin…peut-être faudra-t-il l’amender… Je suis toujours pour la liberté d’expression contrairement à ceux qui m’accusent de verser dans le populisme » . Il n’en demeure pas moins qu’il a laissé passer le projet qui dans ses différentes navettes s’adoucira sans doute mais au final, par rapport à la situation actuelle, c’est sans doute à un durcissement et une fermeture culturelle auxquels les créateurs israéliens se trouveront confrontés.
Ils ne s’y sont pas trompé et c’est la raison pour laquelle ils seront devant la Cinémathèque à Tel Aviv ce samedi.
Nous l’avons déjà dit, la démocratie est un combat et non une donnée. Attachés à Israël, nous n’avons d’autre choix que de soutenir la mobilisation de la société israélienne pour préserver et renforcer les fondements démocratiques de son existence.
Ilan Rozenkier