Ha’aretz, 3 octobre 2007

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les territoires occupés et les Palestiniens sont en train de devenir, lentement, des réalités virtuelles, loin des yeux et loin du cœur. Les travailleurs palestiniens ont disparu de nos rues, les Israéliens ne vont plus faire du shopping dans les villes palestiniennes. De chaque côté, il y a aujourd’hui une nouvelle génération qui ne connaît pas l’autre. Même les colons ne rencontrent plus de Palestiniens, à cause d’un réseau routier séparé qui fait la distinction ente les deux populations : l’un est libre à la circulation, l’autre est bloqué par les barrages routiers.

Alors que les politiques débattent du partage de la terre entre deux peuples, l’opinion publique est apathique. Le sentiment des gens est que la division a déjà eu lieu. Désengagement de la bande de Gaza, évacuation de ses colonies, construction de la barrière de sécurité : le problème est résolu, à notre grande satisfaction. Les colons mènent leur politique de colonisation, s’emparent de nouvelles terres, et font tout ce qu’il faut pour empêcher une solution. Eux aussi se satisfont d’un statu quo qui s’appuie sur le Shin Bet et l’armée.

Cette séparation de facto ressemble aujourd’hui davantage à un apartheid politique qu’à un régime d’occupation, à cause de sa durée. L’un des côtés, déterminé par l’appartenance nationale et non par la géographie, jouit du droit de choisir, de la liberté de circulation et d’une économie en croissance. L’autre est enfermé derrière des murs, ne jouit ni du droit de vote ni de la liberté de circuler, et ne peut pas planifier son avenir. Le fossé économique s’élargit, et les Palestiniens voient avec envie arriver les travailleurs immigrés roumains et chinois en Israël. La peur des attentats terroristes a rendu indésirable le travailleur palestinien.

Récemment, il y a eu certaines informations concernant une « amélioration » de l’occupation. 16 points de passage entre la Cisjordanie et Israël sont aujourd’hui contrôlés par des civils et non plus par des militaires. En apparence, il s’agit d’un geste de normalisation, qui ressemble à ce qui se passe à une frontière internationale. Mais, dans ce cas précis, il n’y a de pays que d’un seul côté. En l’absence d’une frontière mutuellement reconnue, ce ne sont que des frontières de sécurité dont Israël a décidé de manière unilatérale. Et les soldats frustrés, voire effrayés, qui fouillaient chaque Palestinien, ont été remplacés par des salariés recrutés par le ministère de la défense.

Leur travail est de contrôler des gens qui disposent de permis : en d’autres termes, des gens à qui l’Administration civile, selon les critères déterminés par le Shin Bet, a accordé le droit de pénétrer en Israël. Les contrôles s’effectuent par des techniques sophistiquées, quasiment sans contact humain, derrière des vitres à l’épreuve des balles. Cette nouvelle méthode a soulagé les soldats israéliens d’un poids, mais en même temps, elle crée une distance supplémentaire. Le contact entre les soldats et les Palestiniens à ces passages, précisément à cause de leur caractère traumatisant, a conduit les Israéliens et les Palestiniens à rechercher une solution politique. Les histoires que racontaient les soldats rentrés chez eux ont nourri le débat public. Aujourd’hui, les soldats sont postés aux barrages routiers à l’intérieur de la Cisjordanie. Il y a moins de frictions, et moins de débat public.

Cette situation peut-elle se prolonger indéfiniment ? Moins les Israéliens verront l’occupation, plus elle sera facile à ignorer. En septembre, 33 Palestiniens et un soldat israélien ont été tués lors d’opérations anti-terroristes ou par des Qassam. Seule une nouvelle Intifada, ou des tirs de Qassam depuis la Cisjordanie, nous rappellera de nouveau l’existence de l’occupation.