Le chapô de la Paix Maintenant
« Les attentats de Paris ne justifient pas un instant le contrôle que nous exerçons actuellement sur les Palestiniens et ne rendent en aucun cas plus pertinente la perspective pour Israël d’un État binational », note le secrétaire général de Shalom Akhshav.
Dans cet article publié en hébreu et en anglais sur YNet, et sans la moindre indulgence pour les actes de terreur quels qu’ils soient, Yariv Oppenheimer établit une nette distinction entre le contexte et les objectifs de ces actes en France ou en Israël et dans les Territoires.
Une analyse, mais est-ce une surprise, qui va résolument contre la confusion entretenue par la droite israélienne. [T.A. pour LPM]
L’article de Yariv Oppenheimer
Si les membres de l’État islamique [EI] le pouvaient, ils n’hésiteraient pas à frapper également le président palestinien Ma’hmoud Abbas et à le décapiter. Du point de vue de l’islam radical à l’origine de la création de l’État islamique, les Palestiniens et leurs dirigeants sont aussi des hérétiques.
L’attaque terroriste à Paris n’a rien à voir avec le combat palestinien, elle ne représente pas l’ensemble du monde arabe, et la tentative de faire le lien avec la terreur qui nous frappe [en Israël et dans les Territoires] sonne peut-être bien, mais n’a rien à voir avec la réalité. Le terrorisme de l’islam radical est également dirigé contre ceux qui, en Jordanie, en Égypte et à Ramallah voient Israël et le monde occidental comme des alliés.
Dès qu’elle a appris les attaques terroristes, la machine de propagande de la droite [israélienne] n’a cessé de fonctionner. Le message est simple et clair : la terreur est la même terreur, les Arabes sont les mêmes Arabes, et la mer est la même mer. La tentative d’engranger un profit politique sur le dos des morts et des blessés parisiens ne s’est pas interrompue. Il devenait possible de se réjouir et de se moquer de la volonté européenne d’apporter une solution au conflit israélo-palestinien.
Mais par-delà la manière détestable dont ces choses sont vues et interprétées, il n’y a là en fait que démagogie bon marché. Les attentats de Paris ne justifient pas un instant le contrôle que nous exerçons actuellement sur les Palestiniens et ne rendent en aucun cas plus pertinente la perspective pour Israël d’un État binational.
Même avec de nombreux efforts, les colonies et l’occupation ne se trouveront pas légitimées par la grâce des terroristes islamistes radicaux qui ont frappé au cœur de Paris. Le monde continuera, à juste titre, à voir Israël comme le fer de lance de la lutte contre le terrorisme et à nous accorder son aide dans le domaine militaire, le renseignement et la diplomatie. Mais le monde n’acceptera pas de soutenir la perpétuation de l’occupation, de la colonisation et du contrôle exercé sur le peuple palestinien sous couvert d’une lutte généralisée contre le terrorisme.
Avant qu’une vague de critiques ne déferle sur cet article, je voudrais dire clairement que le terrorisme est horrible, sans légitimité, et doit être totalement rejeté. Il n’y a aucune justification, pas même celle du combat pour l’indépendance nationale, à ôter la vie de quelqu’un et à faire du mal à des innocents. On peut condamner le terrorisme nuit et jour, mais pour l’éradiquer il nous faut étudier ses motivations et nous occuper de ses causes profondes.
Les violents attentats de Paris sont motivés par l’opposition entre les valeurs démocratiques incarnées dans la devise liberté-égalité-fraternité, et celles de l’islamisme radical qui cherche à imposer la loi islamique et tue au nom de la foi.
Comparée au terrorisme de l’EI, la lutte palestinienne à laquelle Israël est exposé, qui inclut elle aussi des attentats terroristes dépourvus de légitimité, est fondamentalement motivée par l’aspiration nationale palestinienne à l’indépendance et à la libération de l’occupation israélienne.
Il y a quelques semaines à peine, le chef du renseignement militaire, le général Hartzi Halevi, déclarait que la vague actuelle de violences a éclaté à cause des tensions autour du Mont du Temple, du meurtre de la famille Dawabsheh, et du sentiment de frustration de la société palestinienne confrontée à l’absence de perspectives politiques.
La situation dans laquelle des milliers des vies israéliennes sont menacées chaque jour peut changer. Les dirigeants palestiniens et la majorité de la population sont en faveur d’un partage du territoire et d’une solution à deux États. Leur combat n’est pas motivé par le désir de détruire l’Occident ou Israël, mais par celui de vivre dignement, en jouissant de droits et de leur indépendance nationale, comme n’importe quel autre peuple en a la faculté.
Cela étant, nous ne devons pas mépriser ceux qui voient les attaques en France comme un appel à l’Occident et à Israël à se réveiller dans la guerre contre la terreur de l’islam radical. L’EI, al-Qaïda et leurs semblables sont des organisations radicales basées sur une idéologie religieuse extrémiste, qui voient leur objectif dans la guerre contre les valeurs démocratiques et occidentales. Principalement exprimé à droite, cet argument mérite qu’on l’écoute et lui accorde une attention particulière. L’islam fondamentaliste radical est un ennemi conséquent, contre lequel nous devons lutter de toutes les manières possibles. Dans le monde arabe également, le combat se mène entre radicaux et modérés, entre qui croit à la paix et qui adhère à une guerre de religion.
Étant au cœur du danger, en plein Moyen-Orient, nous devons le comprendre et agir en conséquence. Si nous persistons dans notre refus de mettre terme à notre contrôle sur les Palestiniens, les modérés qui soutiennent la coexistence vont perdre la main et leur nombre va se réduire. Nous sommes capables de combattre les radicaux jusqu’au bout, mais également de poursuivre cette lutte et de la gagner en signant un pacte avec les modérés.
Aussi longtemps que nous lutterons pour les valeurs universelles d’égalité, de liberté et de fraternité, le monde entier sera à nos côtés et nous trouverons également des partenaires dans le monde arabe. Mais [si nous nous battons] dans le but de contrôler un autre peuple, de délaisser la démocratie, et d’occuper [les Territoires] nous nous retrouverons seuls, comme de coutume, dans un combat d’arrière-garde sanglant et sans espoir.