Ha’aretz, 5 mars 2009
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Traduction : Gérard d Eizenberg pour La Paix Maintenant
A l’école maternelle bilingue de Beer Sheva, l’institutrice Rada Alubra appelle les enfants à se mettre en rang. Environ la moitié des 25 enfants sont juifs, les autres sont arabes. Alubra leur lit une histoire en arabe, et l’institutrice juive, Hanita Hadad, fait des remarques en hébreu. La classe est décorée d’images d’animaux, de lettres d’alphabet et des jours de la semaine, le tout en hébreu et en arabe.
Le programme de l’école bilingue fait se côtoyer enfants juifs et arabes, en général en nombre égal d’arabophones et d’hébréophones, avec une institutrice arabe et une institutrice juive pour chaque classe. Chaque enseignant enseigne dans sa langue maternelle.
Dans cette école de Beer Sheva, les enfants arabes deviennent en général bilingues avant les élèves juifs. Ils paraissent avoir plus de facilité à manier les deux langues, alors que les enfants juifs comprennent mais s’expriment moins aisément.
L’atmosphère de coexistence culturelle et de respect mutuel ne reflète pas nécessairement ce qui se passe à l’extérieur de l’école. Sur un arrêt de bus, à quelques rues de l’école, quelqu’un a griffonné : « Kahana avait raison », une référence au leader décédé du mouvement raciste anti-arabe « Kakh »[[Signalons que si ce mouvement a été interdit en Israël, il a connu plusieurs avatars. Les 3 (TROIS) récents élus du parti Habayt Hayehoudi, « alliés naturels » de Netanyahou, se réclament explicitement de l’héritage du « rabbin » Kahana.]].
L’école maternelle judéo-arabe de Beer Sheva a été créée il y a deux ans par l’ONG Hagar, avec le soutien du réseau Yad beYad (Main dans la Main) qui finance quatre écoles bilingues en Israël. Elle a subi la guerre à Gaza, quand des missiles ont frappé régulièrement Beer Sheva, mais depuis, Hagar lutte pour recruter des enfants.
« Dans le Néguev, les problèmes sociaux d’Israël sont encore plus aigus, comme les relations entre Juifs et Arabes, dit Yifat Hillel, directeur d’Hagar. « La guerre à Gaza n’a fait qu’aggraver la situation. »
Anis Farhat a un enfant inscrit à la maternelle : « La guerre a suscité un antagonisme entre la maternelle et les habitants de Beer Sheva. Mais chez les parents, nous avons senti qu’il fallait se tenir les coudes, que nous étions au bord d’un précipice effrayant et qu’il fallait donc renforcer cet endroit que nous nous étions créé. »
Les parents juifs affirment que le cursus bilingue et bi-culturel a pour effet de rendre leurs enfants plus conscients de leur identité juive, « ce qui n’est pas évident », dit Hillel. « Ce programme est un défi aux valeurs juives. Ce n’est pas facile quand un enfant commence à chanter en arabe à la table de Rosh Hashana » (fête juive de la nouvelle année).
Les parents, juifs comme arabes, semblent convaincus que le contact entre enfants les fait s’opposer à l’extrémisme. L’un des parents juifs, Shlomit Someh-Lehman : « Avant que mon enfant ne soit exposé au mauvais vent du racisme, il sait déjà qu’un Arabe, cela veut dire Wassim ou n’importe quel autre enfant de l’école, des enfants comme lui. »