Quand on commence à se demander si la femme au grand manteau assise sur le
siège d’à côté au cinema n’est pas une terroriste déguisée, il devient difficile de se persuader que l’attentat de Netanya n’était destiné qu’à nous faire sortir d’Elon Moreh (colonie de Cisjordanie, ndt). Quand on relie le brouillard entourant l’exigence palestinienne au droit au retour et le leitmotiv « mais Barak leur avait tout donné », aux attentats au coeur d’Israël, il devient facile d’en arriver à la conclusion que les colons et
l’extrême-droite ont raison de dire que « la Judée-Samarie, c’est ici, la guerre est une guerre pour nos maisons, et il vaut mieux les tuer que les laisser nous tuer ».
Les gens qui se retrouvent à choisir un restaurant pour son degré de sécurité, et non pour la qualité de sa nourriture, ne sont plus trop prêts à se montrer tâtillons sur les causes des choses.
A la lumière de cette situation, il n’est pas vraiment surprenant que pour beaucoup de partisans du camp de la paix, le sentiment l’emporte sur la raison. Qui se soucie aujourd’hui de savoir si Barak a vraiment offert aux Palestiniens un plan que nous, à leur place, n’aurions pas refusé? Et que doivent penser les Palestiniens qui entendent Ariel Sharon parler de « concessions douloureuses » quand ils voient la présence de colons au Goush Katif (bloc de colonies de la bande de Gaza, ndt), toujours aussi dense? Mais
supposons un instant que l’Opération « Mur Défensif » (nom de code de la dernière operation en cours de Tsahal, ndt) recèle une nécessité et une logique : Tsahal s’empare de tous les terroristes recherchés, les kamikazes potentiels décident que finalement, ils préfèrent rester en vie, et Yasser Arafat et toute la direction de l’OLP sont renvoyés à Tunis.
En d’autres termes, l’accord d’Oslo, et son principe de deux Etats pour deux peuples, finit dans les poubelles de l’Histoire. Et après? Selon le plan du Premier ministre, une fois qu’un calme total règnera en Israël et dans les territoires, son gouvernement offrira aux Palestiniens une « solution intérimaire à long terme ». S’ils ont de la chance, et si Benjamin Netanyahou n’est pas élu, il sera possible de parler d’un « Etat indépendant », qui s’étendra sur quelques enclaves, et occupera moins de la moitié de la surface des territoires. En échange, ils signeront un accord ou ils renonceront pour toujours à toute revendication sur Jérusalem et au droit au retour, et laisseront à Tsahal le contrôle des frontières et de l’espace aérien. Et, évidemment, les Juifs pourront continuer à exproprier des terres et à bénéficier d’un statut particulier en Judée et en Samarie.
Même la droite sait parfaitement que les Palestiniens, après avoir vu la Terre Promise, ne déposeront pas les armes pour légitimer un plan qui exploiterait l’affaiblissement de leur position. Ceux qui, à droite, n’ont pas de morale, ou entretiennent une perspective messiannique, caressent l’idée malfaisante de l’expulsion. Les gens intègres à droite, comme le rabbin Yoel Bin Nun, n’ont plus rien à proposer. Le rabbin n’a rien d’autre
à suggerer que de « manger des matzot et du maror (aliments rituelliques de Pessah’, ndt), se rappeler le miracle, la plainte, le désespoir et la foi ».
Il apparaît que ce que le rabbin Bin Nun suggère ne marche pas avec les Palestiniens. Le fait que deux des « architectes d’Oslo », le ministre des Affaires étrangeres Shimon Peres, et son chef de cabinet, Avi Gil, réclament un soutien international pour une politique qui va détruire Oslo, approfondit le pessimisme quant aux perspectives d’une juste solution politique chez l’élite palestinienne qui s’est faite l’avocat de la paix.
Certains d’entre eux suggèrent d’abandonner le combat pour un Etat, de lever le drapeau blanc, et d’exiger d’Israël qu’il accorde le droit au retour à tous les habitants des territoires. La démographie ferait le reste.
Ceux qui refusent de permettre aux attentats et aux extrémistes de sceller le cercueil de la paix, peuvent trouver un rayon d’espoir dans un article publié la semaine derniere par le Centre Palestinien à Washington. Me Jonathan Kutab, de Jérusalem Est, et le Dr Mubarak Awad, expulsé de Jérusalem Est à cause de ses positions en faveur d’une révolte civile non-violente, écrivent que, contrairement à l’occupation du Sud Liban, « la
lutte armée palestinienne est souvent interprétée comme une menace contre Israël, et pas seulement contre l’occupation et les colonies. S’il s’agit de l’existence même de l’Etat d’Israël, les Israéliens et leurs partisans de l’étranger présenteront un front uni, et se battront sans se soucier du coût ou du nombre de victimes ».
Les deux militants pour les Droits de l’Homme appellent à renoncer à la violence, et demandent au camp de la paix en Israël et dans le monde de se joindre à eux pour des actions politiques non-violentes, et une campagne d’information centrée exclusivement sur l’occupation. Ils comprennent également que, tant que des Palestiniens assassinent des Israéliens dans des cafés, les extrémistes des deux bords nous conduiront sûrement vers l’abîme, au bout de la victoire.