La Paix Maintenant condamne le massacre à l’arme blanche de cinq membres d’une même famille, dont un bébé de trois mois, qui a eu lieu ce week-end dans la colonie d’Itamar en Cisjordanie. Une fois de plus, les extrémistes tentent de reprendre la main.

Sans solution politique le calme apparent ne saurait perdurer et l’immobilisme ne peut que préluder à de nouvelles flambées de violence. C’est, entre autres, ce sur quoi veut attirer l’attention Menachem Klein, professeur de Sciences politiques à l’université Bar-Ilan, ancien conseiller d’Ehud Barak pendant les négociations de Camp David et co-rédacteur de l’accord de Genève. Il explique, dans cet article rédigé le 8 mars dernier, que les Palestiniens pourraient être tentés de suivre l’exemple des Tunisiens et des Égyptiens en lançant une révolte civile face à laquelle les Israéliens auront le plus grand mal à réagir.

Il y a urgence à proposer des initiatives politiques pour éviter que le pire ne devienne possible.


Si le Sud-Soudan et le Timor Oriental sont devenus indépendants avant les Palestiniens, c’est que quelque chose ne tourne vraiment pas rond. Comment peut-on comparer, tant au plan religieux qu’international, le statut de ces pays à celui de la Palestine ? Voilà ce que doit penser tout Palestinien qui fait le bilan des pertes et profits de son peuple depuis les accords d’Oslo.

Les soulèvements contre des rois, des sultans et des présidents régnant en autocrates en Afrique du Nord et dans le monde arabe suscitent un certain malaise chez les Palestiniens : comment se fait-il que, dans tous ces pays, le peuple remporte de tels succès contre des régimes d’oppression et qu’eux-mêmes restent sous la coupe de l’occupation israélienne qui dicte à Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, ce qu’il doit faire et ne pas faire ?

Quelles conclusions les Palestiniens peuvent-ils tirer de l’agitation qui secoue actuellement le monde arabe ? Le salut ne viendra pas des États-Unis, qui ne soutiennent pas Mahmoud Abbas malgré toutes les concessions qu’il a faites. Les documents récemment publiés par Al Jazeera ont révélé jusqu’où il était prêt à aller dans les négociations avec Israël ; pourtant il n’a reçu aucun soutien de la part de Washington.

Et, comme si cela ne suffisait pas, les États-Unis ont opposé un veto décisif à une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU condamnant la colonisation. Ceci malgré le fait que par le passé – après que Netanyahu eut posé de sérieux problèmes à Washington et étendu les colonies à Jérusalem et en Cisjordanie, mettant ainsi un terme au processus de paix – les États-Unis eux-mêmes ont sévèrement critiqué la colonisation.

Les événements de ces dernières semaines montrent que Washington est prêt à soutenir les soulèvements non-violents de la société civile, plutôt que les concessions diplomatiques. Or, dans le passé, Mahmoud Abbas a fermement rejeté des propositions émanant de divers milieux et visant à organiser un soulèvement non-violent massif.

De hauts fonctionnaires de l’Autorité palestinienne et du Fata’h ont pris des mesures pour contenir les mouvements de protestation qui ont lieu chaque semaine à Bil’in et dans d’autres villages de Cisjordanie. Ils se méfient non seulement de l’apparition de rivaux politiques, mais aussi de dérapages violents, qui ne pourraient que faire du tort à la cause palestinienne, comme cela s’est effectivement produit lors de la seconde intifada. En cas de confrontation brutale, le rapport de force jouerait en faveur d’Israël, qui a ainsi tout intérêt à provoquer de tels dérapages afin d’en profiter pour écraser les Palestiniens.

Mais la situation a maintenant changé. Le modèle positif qu’offre l’insurrection non-violente qui a éclaté dans tout le monde arabe, la retenue dont ont fait preuve les insurgés, pourraient suggérer aux Palestiniens que c’est la bonne méthode pour obtenir des changements historiques. Si les Israéliens répriment brutalement les manifestations palestiniennes, ils apparaîtront aux yeux de l’opinion comme des émules de Kadhafi ou d’Ahmadinedjad.

On sent un grand malaise dans la rue palestinienne. Les gens ont été profondément déçus par le déroulement du processus de paix et par l’attitude d’Israël et des États-Unis. La société palestinienne possède l’infrastructure technologique qui, en d’autres pays, a joué un rôle moteur dans les manifestations de masse – internet, téléphones portables, antennes paraboliques. L’ « élan générationnel », qui a tenu un grand rôle en Égypte, est prêt à entrer en jeu : la société palestinienne comporte une majorité de jeunes gens dont l’avenir est bloqué par l’occupation. La seconde intifada et la répression exercée avec une poigne de fer par Israël ont modelé l’adolescence de ceux qui ont aujourd’hui entre 20 et 30 ans, et constitué leur premier contact avec la politique.

Les soldats, les colonies, les points de contrôle et les restrictions de circulation font depuis longtemps partie de leur vie quotidienne. Il ne manque plus qu’une étincelle pour mettre le feu aux poudres. Déjà, la catastrophe s’écrit sous nos yeux.