Jerusalem Post, 10 octobre 2006
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Naguère, la politique de la main tendue pour la paix était une constante de tous les gouvernements israéliens. Les premiers ministres israéliens ont toujours souligné qu’Israël voulait la paix avec tous ses voisins, et était prêt à parler avec eux, n’importe quand et n’importe où. C’était une position confortable quand nous savions que de l’autre côté, nous nous heurtions à un refus. Il était confortable de nous présenter comme le bon qui veut la paix, alors que c’étaient nos voisins qui disaient « Non ». Nous n’avions pas à poser de conditions préalables. Israël déclarait son souhait de parler de paix quand le « danger » de faire la paix était loin au-delà de l’horizon. Mais les choses ont changé.
Aujourd’hui, Israël pose à ses voisins toute une liste de conditions préalables avant d’accepter de s’asseoir avec eux à la table des négociations. Les Syriens doivent fermer les bureaux du Hamas et du Jihad islamique, ils doivent fermer hermétiquement leur frontière avec l’Irak et empêcher la livraison d’armes au Hezbollah. Le Hamas doit reconnaître Israël, renoncer au terrorisme et accepter les accords passés déjà signés. Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas doit démontrer sa capacité à gouverner en affrontant le Hamas et il doit commencer à appliquer les mesures de la Feuille de route relatives à la sécurité, sinon, il n’est pas un partenaire.
Ces conditions préalables ne font que fermer la porte au dialogue et présenter Israël comme un pays qui ne souhaite pas véritablement la paix : c’est ainsi qu’Israël est perçu aujourd’hui presque partout dans le monde. Etrange situation où le monde arabe est perçu comme le côté qui recherche la paix, alors qu’Israël est perçu comme celui qui cherche à l’éviter. Même la Ligue arabe a pris l’initiative d’un débat au Conseil de sécurité des Nations Unies sur son plan de paix, alors qu’Israël et les Etats-Unis ont tenté d’empêcher ce débat. Des journaux israéliens ont parlé de l’offensive de paix de la Ligue arabe. Où est l’offensive de paix d’Israël?
Le comportement d’Israël pendant et après la guerre du Liban est perçu dans le monde comme une surévaluation de l’usage de la force et une sous-évaluation de l’usage de la diplomatie. La politique d’Israël, qui a continué sa politique d’expansion des colonies, rejetée par l’ensemble de la communauté internationale, ne contrevient pas seulement aux principes de la Feuille de route : elle est perçue par la communauté internationale comme un message qui affirme qu’Israël ne quittera jamais les territoires occupés.
D’autres politiques, comme les bouclages continuels de territoires palestiniens et des frontières, le non paiement des recettes fiscales et douanières qui appartiennent au peuple palestinien, contribuent elles aussi à l’image d’Israël, celle d’une brute régionale, dénuée non seulement de toute compassion humaine, mais aussi de toute sagesse politique.
La communauté internationale n’a aucune sympathie pour le Hamas, mais même les tristes événements qui se déroulent quotidiennement à Ramallah et à Gaza sont, pour une part, considérés dans le monde comme le résultat du rejet perpétuel par Israël d’une vraie paix avec les Palestiniens.
Les experts affirment que depuis au moins un an, le président syrien Bachar Assad supplie Israël de le laisser reprendre le Golan par le moyen de la négociation. Bien sûr, Assad nous a aussi menacés de faire la guerre si nous ne répondions pas à ses offres de paix. Mais souvenons-nous qu’Anouar Sadate a fait exactement la même chose en 1972 pour le Sinaï. Si nous avions alors réagi positivement, la guerre de Kippour aurait pu être évitée avec son cortège de plus de 2.400 morts israéliens.
Il semble qu’Israël hésite, ou ne souhaite pas, répondre, peut-être parce que la peur de la paix est plus forte que la peur de la guerre. Il est vrai que la paix a déçu Israël. La paix avec l’Egypte n’a jamais été une paix chaleureuse. Nous savons que les touristes israéliens ne sont pas vraiment les bienvenus ni même peut-être très en sécurité, aussi bien au Caire qu’à Amman. Même pendant les « bonnes années » du processus de paix avec les Palestiniens, les Israéliens avaient peur de pénétrer dans les territoires palestiniens. Mais une paix froide vaut mieux qu’une guerre, même froide, et globalement, la situation d’Israël, stratégique et sécuritaire, à l’intérieur comme à l’extérieur, serait bien plus sûre dans une paix avec ses voisins que dans un conflit perpétuel avec eux.
Il est possible que la paix ne soit pas possible immédiatement, ni avec les Palestiniens, ni avec la Syrie. Certains dirigeants palestiniens se mettent maintenant, eux aussi, à réclamer qu’Israël soit rayé de la carte, d’autres parlent de ne jamais faire la paix avec Israël. Mais ces déclarations sont rejetées par la plus grande partie de la communauté internationale, et Israël ne doit pas répondre dans le même style. Israël doit constamment déclarer son souhait d’accepter, par principe, toute initiative dont l’issue serait la fin des conflits israélo-arabes et qui assurerait la sécurité d’Israël.
La seule condition préalable pour se parler doit être l’acceptation de l’autre côté de s’asseoir à la table des négociations sans tirer. Tout le reste est négociable. Il faut comprendre que, si conditions préalables il y a, elles sont réciproques. Si Israël exige la reconnaissance, il doit lui aussi accorder la reconnaissance. Même de hauts dirigeants du Hamas ont déclaré qu’ils seraient prêts à reconnaître Israël, mais qu’Israël devait d’abord préciser de quel Israël il s’agit (dans quelles frontières) et qu’Israël devait aussi reconnaître la Palestine.
Si Israël pose comme condition préalable la renonciation à la violence et la fin des agressions, alors, il doit se comporter de même. Beaucoup de monde, au sein de la communauté internationale, considère les assassinats ciblés comme du terrorisme d’Etat. Tuer des civils avec des bombes et des roquettes tirées par l’aviation israélienne ne paraît pas très différent, dans de nombreuses parties du monde, des explosions de bus dans les rues israéliennes. Le résultat est le même, même si les motivations sont différentes.
Il est de l’intérêt d’Israël de rechercher sincèrement la paix. Cela doit constituer sa première ligne directrice stratégique et politique. Et cette recherche de la paix doit se traduire par une politique qui envoie un message clair à nos voisins et au monde. Cette politique a le pouvoir de changer le cours de notre vie, de nous éloigner des conflits et de l’insécurité, et de nous rapprocher de la paix, de la coopération régionale et de bien plus de sécurité.