Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Texte d’une conférence donnee par le redacteur en chef de Haaretz le 27 mai
dernier, dans le cadre du 9ème Forum Mondial des Rédacteurs en chef, à
Bruges (Belgique).
D’abord une bonne nouvelle : les neuf enfants d’Abou Ali sont vivants et se
portent bien – aussi bien que peuvent se porter des enfants parmi les ruines du camp de refugiés de Jénine. S’il vous plaît, veuillez transmettre cette information à tous ceux de vos amis qui ont pu lire, il y a quelques semaines, les déclarations lugubres d’Abou Ali : « mes neuf enfants sont tous enterrés sous les ruines ». La photo d’Abou Ali a été diffusée, sur une double page, par un magazine européen d’excellente réputation et très influent, sous le titre : « les survivants racontent leur histoire ».
Les tanks et les bulldozers israéliens avaient pénétré dans le camp, se rappelait Abou Ali. Il était sorti remplir sa voiture, demandant à ses neuf enfants de le rejoindre au carrefour le plus proche. Mais les forces israéliennes avaient bloqué le chemin de retour vers chez lui, et il ne put retourner vers les ruines de ce qui avait été sa maison qu’une semaine plus tard. « Ca sent la mort ici », est-il cité, « je suis sûr que tous mes enfants sont enterrés sous les décombres. Revenez dans une semaine, et vous verrez les cadavres ».
Le journaliste et sa rédaction n’ont pas attendu une semaine, et ont publié l’histoire provisoire comme telle. Ils n’aimaient pas les dimensions de la tragédie qu’ils voyaient de leurs yeux, et qu’ils ont décrites, légitimement, dans leurs articles. Le désir d’amplifier cette histoire a émoussé leur instinct journalistique qui leur commandait de douter, et de croiser leurs informations avant de les publier.
En préparant cette conférence, j’ai fait quelques recherches à propos du cas
d’Abou Ali. D’abord, les chiffres définitifs indiquent que trois enfants et quatre femmes ont été tués pendant les combats du camp de réfugiés de Jénine. Deuxièmement, les enfants d’Abou Ali ne sont pas parmi eux. Et troisièmement, le magazine n’a pas jugé bon de raconter à ses lecteurs le happy end relatif de cette histoire. Peut-être étaient-ils fatigués d’écrire des notes de la rédaction sur le Moyen-Orient.
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Les 20 derniers mois du conflit israélo-palestinien ont entraîné une véritable crise de valeurs pour le journalisme. Je crois qu’on peut résumer l’énorme volume de reportages et de commentaires en quatre péchés capitaux : l’obsession, les idées préconçues, la condescendance et l’ignorance. L’histoire d’Abou Ali est exemplaire de ces quatre péchés.
Il est impossible de couvrir un conflit très ancien en termes post-modernes, en utilisant la technologie du 21ème siecle, sans se rendre compte de dissonances internes. Mais cette reconnaissance n’est pas toujours présente. Peut-être est-ce la raison pour laquelle la couverture médiatique extrême du conflit est si absorbée par elle-meme, et si nocive pour la région. Quelquefois, c’est une honte pour notre profession. Je me demande si ceux qui ont diffusé l’histoire d’Abou Ali étaient conscients de l’impact qu’elle pouvait avoir sur des lecteurs, des rues de Jakarta aux universités de Boston, des quartiers musulmans de Marseille à la communaute juive de Toronto. Se rendaient-ils compte, peut-on se demander, de l’impact de leur reportage sur les parties elles-mêmes?
Un jour, les historiens qui étudieront cette période devront se pencher sur le processus circulaire par lequel les medias sont passés du rôle d’observateurs à celui de participants. De la couverture d’une histoire au fait d’y jouer un rôle majeur, et à la stimulation et quelquefois l’agitation de l’environnement pour leurs propres intérêts en tant que médias. Dans ce cruel conflit entre Palestiniens et Israéliens, les médias ressemblent à un riche junkie, qui gare sa Mercedes dans la rue principale d’une cité. Vous pouvez être sûrs qu’en un clin d’oeil, tout le monde va se montrer, essayant de lui « pousser » toutes sortes de produits.
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La résonance mondiale du conflit a entraîné une attention très importante portée sur le travail d’Haaretz, le journal que je représente ici aujourd’hui. Tous, au journal, journalistes comme responsables de rédaction, nous nous trouvons en situation de nous positionner par rapport aux conséquences de notre travail, chose dont nous n’avions jamais eu l’expérience, et franchement, à laquelle nous ne nous attendions pas.
Les mois de violence ont contraint notre vénérable journal, âgé aujourd’hui
de 84 ans, à jouer son rôle dans le climat collectif national, bien que ceux
qui nous critiquent prétendent que nous n’avons pas montré suffisamment
d’enthousiasme à jouer ce rôle. Quotidiennement, nous ressentons l’impact de
notre travail dans nos contacts avec l’opinion publique israélienne, et nous
pouvons également mesurer cet impact, bien que de façon moins precise, sur
l’opinion publique mondiale.
Cela ne signifie pas, bien sûr, que nous soyons exempts des quatre péchés
capitaux dont j’ai parlé. Oh oui, nous sommes souvent obsessionnels.
Quelquefois, nous avons des idées preconçues. On peut espérer que nous ne
sommes pas ignorants. Quant à la condescendance, nombreux sont nos lecteurs
qui pensent que nous sommes condescendants envers eux.
Récemment, une écrivaine israélienne à succès, politiquement plutôt au
centre, a résilié son abonnement à Haaretz. Elle a écrit (je cite) : « …je
suis arrivée a la conclusion que vous et moi ne vivons pas au même endroit.
Une grande partie, et qui ne fait que croître, de vos articles et de vos
reportages puent la presse étrangère, qui considere l’Etat d’Israël comme un
pays différent, lointain et repoussant ».
Cette lettre a immédiatement circulé sur internet. Les forums, les chats et les listes de discussion ont été submergés de centaines de réactions, y compris de la part de gens qui ne lisent probablement jamais Haaretz, mais pour qui le journal symbolise un manque de patriotisme et sert de cible toute faite pour des attaques chauvines. Chaque émission de radio qui soulève la soi-disante question de la loyauté d’Haaretz, provoque instantanément des centaines de desabonnements.
L’attitude d’Haaretz dans le conflit a révolté certains de nos abonnés payants, qui sont très bien informés, ont des idées bien arrêtées, et réagissent quelquefois à notre travail avec fougue. Pour ces lecteurs, Haaretz n’est qu’une source d’informations parmi d’autres dont ils disposent, et quand ils sont en colère, certains sont prêts à renoncer au journal et à se contenter d’un journalisme plus soft.
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Il me semble que la différence entre la situation d’haaretz et celle de la presse internationale qui couvre la région est en train d’émerger clairement, du moins je l’espère. Contrairement à ceux qui couvrent le conflit comme ils le feraient d’une grande aventure, nous vivons les conséquences de notre travail, de tout notre être.
Haaretz est un petit journal, dans un petit pays. Notre diffusion quotidienne payée, en hébreu et en anglais (la version anglaise étant une joint venture avec l’International Herald Tribune) atteint 100.000 exemplaires. Cela représente moins de 10% du marché de la presse quotidienne israélienne. Néanmoins, depuis que nous avons lancé notre édition on-line, il y a 15 mois, notre site web en hébreu enregistre un demi million de visites par jour, plus 700.000 visites sur notre édition en anglais, principalement depuis l’étranger. Mais si je devais m’exprimer devant le Congrès d’à côté (55eme Congrès Mondial des Quotidiens), et décrire notre modèle économique, je dirais que malgré un énorme intérêt pour nos produits internet, nous n’y avons pas encore gagné un centime.
Très rapidement, nous avons dû constater que, malgré nos modestes ambitions,
nous avions été choisis par beaucoup de monde sur internet comme producteurs, fournisseurs et packageurs d’information sur le Moyen-Orient. Nous fournissons des individus, des groupes médias, des communautés et des mouvements, partout dans le monde. Nous sommes devenus une marque mondiale, avec toutes les difficultés et tous les défis resultant de ce statut.
Sommes-nous l’un des dealers qui traînent autour de la Mercedes garée dans
notre rue principale? Non, bien entendu, mais nous devons en convaincre les
autres habitants de notre cité.
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Le conflit israélo-palestinien manque peut-être de mystere, mais il est trompeur. Pratiquement rien ne s’oppose à la collecte d’une information dans la région, mais il est moins simple dévaluer dans quelle mesure cette information reflète la réalité. Au niveau quotidien, il est difficile de discuter avec ce que voient les yeux, quoiqu’il soit préférable de replacer les images visuelles dans leur contexte. Ce qu’entendent les oreilles, particulièrement au Moyen-Orient, peut être sérieusement trompeur, si ce n’est pas corroboré par de l’information additionnelle, ou soigneusement attribué à sa source. Il peut être difficile de distinguer entre une source solide, fournissant un compte-rendu fidèle, et quelqu’un qui ment comme un arracheur de dents au service de sa nation, ou quelqu’un qui avance une théorie du complot très élaborée, mais sans aucun fondement. L’exagération, la désinformation et la provocation sont des specialités de la région.
Au niveau le plus simple de ce que perçoivent les yeux et les oreilles, le conflit est facile à couvrir. Mais il y a une grosse pierre d’achoppement. Rien n’est ce qu’il paraît être. Par exemple, un jour d’août dernier, passant mes vacances dans un paisible village côtier de Bretagne, en France, je n’ai pas pu rater le titre en première page du journal régional, hurlant depuis chaque kiosque : « Israël assassine un leader politique palestinien ». L’article, non signé, décrivait comment un helicoptère israélien avait tiré un missile à travers la fenêtre du bureau d’Abou Ali Mustapha, secrétaire général du Front Populaire pour la Libération de la Palestine à Ramallah, le tuant instantanément. Bien sûr, le FPLP est un mouvement politique, mais c’est aussi une organisation terroriste très active.
Je n’ai pu m’empêcher de me demander comment cette information, de la façon
dont elle était présentée dans ce journal, avait enrichi la perception du conflit du lecteur local, et ce qui avait conduit le rédacteur en chef à en faire l’article vedette du jour. Avait-il tiré des conclusions de l’événement à partir d’une analogie avec la politique européenne?
De toute évidence, le rédacteur qui avait écrit le titre ne disposait pas
d’informations précises concernant la participation de Mustapha dans la
coordination d’un attentat terroriste contre une école israélienne, qui devait avoir lieu une semaine plus tard, le 1er septembre. Pour savoir cela, en temps réel, le rédacteur aurait eu besoin de sources, fiables et bien placées, à l’intérieur des services secrets. S’il avait eu cette information, aurait-il formulé ce titre differemment, ou aurait-il relégué l’article, réduit à une brève étranger, dans les pages intérieures?
Comme vous le voyez, meme une couverture simple et neutre peut être connotée. Dans de nombreux cas, il n’y a pas de véritable distinction entre un civil pacifique et un militant clandestin, entre un honnête politicien et un terroriste actif. De même, l’utilisation de terminologies contradictoires reflète souvent les façons qu’ont chaque partie de raconter l’histoire. « Shahid », ou « suicide à la bombe »? « Combattant de la résistance », ou « terroriste »? Toutes expressions pour décrire la même personne. En choisissant l’une ou l’autre, on rend publiques ses préférences dans le conflit. Au Moyen-Orient, la naïveté est une faute professionnelle intolérable, particulièrement quand il s’agit de terminologie.
Dans la région, personne n’utilise le temps présent pour décrire le moment
présent. Il n’y a que le passé ou le futur. Représailles pour ce qui s’est passé, ou prévention de ce qui pourrait se passer. Comme le disent nos enfants : « tout a commencé quand il m’a rendu mon coup… »
Et pourtant, l’histoire décrite dans les médias est parfois si douloureusement au temps présent, manquant de perspective et de contexte. Par exemple, l’image des suspects palestiniens, en sous-vêtements, sous la menace des fusils israéliens, est inévitablement choquante pour quiconque ignore combien de sang a été versé par des gens portant des ceintures d’explosifs sous leurs vêtements, et qui ont réussi à passer à travers les checkpoints à l’âge de l’innocence.
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Le phénomène des journalistes obsédés par le sentiment d’avoir une mission
personnelle est très commun dans notre région, et n’a pas épargné Haaretz.
Un nombre non negligeable de nos journalistes sont poussés par l’ambition
d’améliorer la société, et leur écriture déborde souvent de passion idéaliste. Après tout, il s’agit d’une des motivations de choisir le journalisme. Confrontés à cette sorte d’écriture, les responsables de rédaction doivent exercer un effort d’attention constant pour éliminer le « trop-plein d’enthousiasme » des reportages d’information. Dans notre cas, la rédaction comme les lecteurs israéliens étant familiers, de facon intime, avec la scène locale, ces cas peuvent être réglés avec un succès certain. Mais lorsqu’un correspondant s’adresse à un public lointain et non informé, sa rédaction peut souvent échouer à filtrer les distorsions.
Plusieurs correspondants peuvent s’être montres obsessionnels dans leur
détermination à révéler un massacre dans le camp de réfugiés. Une approche
plus professionnelle aurait intégré l’existence de cinq millions de téléphones portables en Israël, plus un demi-million dans les zones palestiniennes, ce qui rendait impossible une dissimulation. Avant même que les premiers journalistes aient pu se rendre sur les lieux du camp de Jénine, il était évident qu’il n’y avait pas eu de massacre. Des centaines de soldats impliqués dans l’opération sont des réservistes, ce qui signifie des civils raisonnables et ayant leurs idées, certains comptant parmi nos lecteurs, et chacun ayant dans la poche un téléphone portable dont il se sert en permanence.
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Il y a quatre ans, en juin 1998, au Forum des Rédacteurs en chef de Kobe, au
Japon, j’ai traité un cas que j’ai appelé : « quelquefois, on doit résister à ses lecteurs ». Je décrivais les pressions exercées sur Haaretz par des lecteurs qui s’opposaient à notre couverture importante du côté palestinien. Ces lecteurs trouvaient cela obsessionnel, et y trouvaient une certaine condescendance envers eux et leurs préoccupations. Un certian nombre d’entre eux résilièrent leur abonnement. C’était pendant la première intifada. Ces derniers mois, nous revivons la meme expérience, encore plus intensément.
Alors que l’actuelle intifada se poursuit, Haaretz vit une crise de confiance avec certains de ses lecteurs, qui veulent considérer le journal comme une source de réconfort et de solidarité, et non pas seulement comme un miroir reflétant et exposant la réalité. Le journal dispose d’un solide reseau de lecteurs et d’annonceurs, et peut absorber les chocs, mais la tempête publique actuelle autour de notre couverture de l’information est inquiétante, et nous oblige à reexaminer notre approche, constamment, et en profondeur.
Depuis qu’Israël s’est progressivement désengagé des territoires palestiniens, ces dernières années, notre couverture de ces territoires a fini par ressembler davantage à de l’information étrangère qu’à de l’information locale. Pourtant, en même temps, nous demeurons intimement familiers avec les territoires et avec la communauté palestinienne, comme s’ils faisaient encore partie de notre propre environnement. Pendant toutes ces années, notre couverture a touché la plupart des aspects de la société palestinienne. Nos journalistes ont acquis une connaissance approfondie de ses moeurs et de sa culture, et établi des relations profondes avec leurs sources d’information.
Aujourd’hui, Haaretz a neuf journalistes couvrant des aspects variés du côté
palestinien, et beaucoup d’autres travaillant au coup par coup. Et nous disposons d’un avantage appréciable avec un membre important de l’équipe, Amira Hass, qui vit dans les territoires depuis 1993, d’abord à Gaza, puis, quand l’Autorité palestinienne s’y est établie, à Ramallah, faisant du reportage à plein temps depuis les zones palestiniennes. Il s’agit d’un cas unique pour un Israélien.
Parmi les qualités requises pour un journaliste d’Haaretz travaillant dans ce domaine, il faut la capacité d’évaluer de facon critique les informations
manipulatrices de toutes sortes, et de les filtrer. Seul quelqu’un de pleinement informé, et intimement connecté peut, parfois en quelques heures, déjouer une rumeur ou réduire un compte-rendu exagéré à ses justes proportions.
Ainsi, grâce à la présencxe d’Amira Hass à Jénine des l’ouverture du camp, et grâce à la fiabilité de ses reportages dans ces lieux de chaos, Haaretz a pu rendre compte, rapidement et de façon fiable, qu’il n’y avait pas eu de massacre à Jénine, pendant ou après les combats.
Parce que, pendant des années, Haaretz s’est montré prêt à écouter le côté
palestinien, et à cause de la tendance naturelle du journal à considérer que sa mission est d’exposer l’injustice, il y a à Haaretz des journalistes qui se sont spécialisés dans la présentation de cas humanitaires du côté palestinien. Cela n’est pas nouveau pour nous. Pendant les périodes de dialogue diplomatique, ces reportages n’ont soulevé aucune opposition particulière. Mais à mesure que les relations entre les parties se sont durcies, et que la violence palestinienne contre les Israéliens s’est intensifiée, certains de nos lecteurs ont eu du mal à accepter qu’un journaliste israélien montre de la sympathie, ou même de la compassion, pour les victimes palestiniennes de la situation. A mesure que se multipliaient les attentats, et que tombaient de plus en plus d’Israéliens innocents,
l’antipathie à l’égard de ces journalistes qui continuaient à décrire les souffrances de l’autre côté augmentait, et ils constituent aujourd’hui la cible principale des attaques contre le journal, et ils sont cités comme la raison principale des désabonnements.
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Essayer de trancher face à la question fondamentale « que s’est-il réellement passé là-bas? » n’est pas toujors fructueux, surtout quand on essaye de croiser les versions israéliennes et palestiniennes. Nous faisons un immense effort pour présenter à notre lecteur une image claire, mais néanmoins, certains de nos reportages paraissent équivoques. Ils citent deux ou plusieurs versions contradictoires, et quelquefois, ne se prononcent pas définitivement. Et cela, bien sur, peut frustrer et mettre en colère notre lecteur.
Depuis un an, il y a eu un changement très important dans la démographie des
lecteurs d’Haaretz. Ceci est le resultat direct de nos éditions on-line, accessibles 24h/24, et 7 jours/7, en anglais comme en hébreu. Le contenu du journal est maintenant exposé, via intenet, à deux communautés que nous ne connaissions pas : le lecteur israélien non-abonné, qui surfe à la recherche des dernières informations, utilisant plusieurs sources d’information, et le lecteur étranger. Toutes deux réagissent activement au journal et à ses produits. L’édition internet a mis un terme à une relation exclusive et intime entre l’édition papier et ses lecteurs, le journal étant maintenant jugé par une gamme bien plus large d’utilisateurs.
La version internet en anglais a fait que maintenant, Haaretz est cité dans
un nombre sans précédent d’articles et de reportages. Tout en nous causant
une immense satisfaction et une immense fierté, cela nous cause aussi du
souci. Quelquefois, nous découvrons que du texte paru dans Haaretz est sorti
de son contexte et utilisé pour servir des objectifs politiques ou médiatiques divers, parfois en déformant délibérément les intentions de nos journalistes et de nos éditorialistes. Quelquefois, nous nous trouvons devoir être extrêmement prudents à cause de notre dialogue constant et direct avec les Palestiniens, avec le monde arabe, et avec l’opinion publique mondiale. On exploite parfois la réputation du journal pour légitimer une propagande anti-israélienne, et cela nous inquiète.
Si le journal expose des cas de vandalisme commis par des soldats pendant
l’opération militaire massive en Cisjordanie, nous le faisons de bonne foi, en espérant que notre travail contribuera à assainir le système. Mais, quand l’article est cité partout, sous notre marque, comme preuve de la nature maligne d’Israël, je me retrouve à penser qu’il existe peut-être un cinquième péché capital quand on dirige un journal dans cette région : la naïveté.
Merci.