Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Le rapport sur les avant-postes, qu’Ariel Sharon a commandé à la procureure Talia Sasson, révèle ce que tout le monde savait, y compris Sharon lui-même, sur la façon détournée dont des fonds de l’Etat parvenaient aux colonies, avec l’aide de ministres et de fonctionnaires travaillant pour le lobby des colons. Pendant des années, il a été difficile de savoir précisément quels postes du budget avaient contribué à l’expansion de ce qu’il est convenu d’appeler les  » avant-postes illégaux « . Officiellement, les ministres exprimaient leur désapprobation. Mais derrière la coulisse, leurs ministères continuaient à allouer à ces avant-postes infrastructures, argent, structures et soldats pour faciliter leur main mise sur la terre.

Depuis le début, les avant-postes ont constitué un plan en trompe-l’œil destiné à maintenir le rythme de la colonisation dans les territoires sans en faire état en public. Le concept d' »avant-poste », comme le terme de « bastion » (« maah’az » en hébreu) utilisé dans les années 70, était destiné à donner l’impression que les colonies en question n’étaient que provisoires, et de nature sécuritaire. La véritable intention a toujours été de créer un continuum de colonies qui servirait à empêcher toute possibilité de création d’un Etat palestinien.

S’il y a quelque chose que, plus que tout, nous apprend le rapport Sasson, c’est le fait que le jeu est terminé, et que l’ère des colonies finit par toucher à sa fin. La raison en est que le promoteur principal de l’entreprise de colonisation est devenu premier ministre, et qu’il a commencé à prendre en compte l’opinion internationale. Si Sharon a commandé un rapport sur les avant-postes, ce n’est pas pour apprendre quoi que ce soit qu’il aurait ignoré, mais pour en minimiser les dégâts, et pour détourner l’attention du sort des colonies en général vers celui des seuls avant-postes. Il semble néanmoins que cela ne l’aidera pas beaucoup. La demande insistante de Washington de permettre la création d’un Etat palestinien ayant une « continuité territoriale » qui ne soit pas entravée par des colonies, George Bush et Condoleezza Rice prenant bien soin de mentionner l’expression chaque fois qu’ils le peuvent, finira par mener à l’évacuation de toutes les colonies qui gêneront une continuité acceptable.

Il est fort probable que la frontière Est de l’Etat d’Israël sera beaucoup plus proche de la Ligne verte qu’il ne le croit. La différence entre les termes d’ « avant-postes » et de « colonies » appartiendra à la mythologie, qui se référera à un phénomène d’auto-tromperie à usage interne qui a cours en Israël depuis des années. La carte de l’accord de paix définitif avec les Palestiniens n’est en rien liée par cette terminologie trompeuse. Un avant-poste est une colonie en train de se faire. Les avant-postes sont tous des colonies créées depuis qu’Israël s’est engagé à ne plus en créer. Il faut considérer le rapport Sasson, avant tout, comme une étude qui aidera les ministères à trouver les brèches à travers lesquelles l’argent a été redirigé par des fonctionnaires vers des endroits non conformes aux politiques desdits ministères. S’il donne lieu à des soupçons à l’encontre de fonctionnaires qui ont abusé de leur position, ces individus doivent être inculpés, afin que d’autres, à l’avenir, ne soient pas tentés de plaire aux politiciens aux dépens de l’intérêt public. Il est probable que des inculpations étaleront au grand jour la totalité de la tromperie, tromperie dénoncée par la gauche parle depuis des années.

Il faut, au-delà de tout, considérer le rapport Sasson comme le début d’une nouvelle ère. La question du timing de l’évacuation des avant-postes, avant ou après le désengagement, dépend avant tout de la capacité opérationnelle de la police et de l’armée à traiter de leur évacuation aujourd’hui, et n’est pas une question de première importance.